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La question religieuse : relier la politique et l'espérance ?

novembre 2007

Au-delà des polémiques sur le communautarisme religieux et ses liens avec l’islam ou le judaïsme, le catholique Nicolas Sarkozy tient un discours structuré sur les rapports du religieux et du politique qu’on peut contester mais qui a le mérite d’exister. Ce qui n’est pas sans bousculer la peur de changer qui s’est installée dans la République laïque de droite et de gauche. De plus, il a réussi à mettre en scène le supplément d’âme que semble signifier pour lui la religion.

Jean-Pierre Dozon a proposé une analyse pointue de l’usage qu’ont fait de la religion Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal pendant la campagne électorale1. Non sans justesse, il a perçu dans leurs discours, ou plutôt dans leurs « prêches », et leurs engagements des analogies avec le style des prédicateurs évangéliques et pentecôtistes. Je serais plus réticent sur son interprétation des évolutions institutionnelles du politique (1958 et 1962), qui deviennent chez lui les indices d’un « fort élément de transcendance », de retrouvailles avec « l’Un » qu’on croyait avoir évacué en 1905 (la loi de laïcité). À ce compte-là, les formes de pouvoir plus personnalisé et plus autoritaire, ou plus éclaté et davantage pluriel, seraient à apprécier comme des métaphores d’un religieux implicitement négatif ou archaïque (parce que voué ou dévoué à l’Un) et d’une laïcité positive et moderne (parce que facteur de différenciation et de pluralité). Je ne sais pas si Claude Lefort, cité dans ce contexte, approuverait cette ligne d’interprétation de son texte bien connu, mais elle soulève à coup sûr un abîme de questions. Je rappelle, au titre de simple réflexion sociologique, qu’on a pu parler d’une laïcité française très « catholique », en signifiant par là son « jacobinisme » et sa radicalité – pour ne pas évoquer le halo de sacré et le langage quasi religieux dont on use souvent pour la célébrer (ou dont elle se sert pour s’autocélébrer).

Mais l’élément à retenir est que les deux principaux candidats – et finalistes – ont surfé plus ou moins ouvertement et habilement sur la vague des « religiosités » de l’époque – des religiosités qu’au fond, on croyait absentes dans une France qui en serait protégée, justement, par la vigilance laïque. Ou encore, que des candidats qui n’ont pas commis d’entorse directe et scandaleuse par rapport aux principes de 1905 n’en ont pas moins sacrifié « au style évangéliste et pastoral », au « culte » et à l’« assomption de leur personne », « comme dans des systèmes de souveraineté en principe révolus2 ».

Ce « en principe » mériterait lui aussi des commentaires. Les sociologues de la religion, qui sont dans la description plutôt que dans le jugement de valeurs, diraient sans doute que moins les Églises et les monothéismes en général seront connus et reconnus dans nos sociétés, plus ils s’effondreront comme foi, pratique, culture et… limites bien marquées – et plus on assistera, d’autre part, à ces phénomènes d’omniprésence des « religiosités » et de « la » religion en général, et à leur intrusion dans des sphères séculières et profanes. Plus aussi, par conséquent, on aura de violations de la laïcité française et de ses séparations strictes. Il faut dire que le plus surprenant sur ce point, pendant la campagne présidentielle, n’a pas été Nicolas Sarkozy, mais bien Ségolène Royal, dont la réputation – du moins pour ce que je croyais en savoir – était plutôt celle d’une aversion ou d’une indifférence d’autant plus solide envers la religion qu’elle avait mal digéré le catholicisme triste et janséniste imprimé à sa famille (nombreuse) par un père autoritaire. La tradition laïque, ou laïciste, du Parti socialiste ne plaidait pas non plus en faveur de telles déclarations de campagne. Encore que… : on a bien oublié l’église du village sur les affiches de François Mitterrand en 1981, ses inquiétudes religieuses publiquement exprimées et ses funérailles bien plus catholiques que républicaines…

Découverte et organisation de l’islam

Le nouveau président de la République, lui, n’avait pas fait mystère de ses convictions personnelles et de ses choix religieux dès le livre d’entretiens publié en 2004, intitulé la République, les religions, l’espérance3. Plus intéressant que le best-seller publié ensuite à des fins électorales, ce livre, qui a cependant connu depuis 2004 des inflexions sur le fond, surprend par le ton volontariste, déjà éminemment sarkozyste, que la plupart des Français découvriront au moment de la campagne présidentielle. Il tient la promesse de son titre, qui annonce et réunit implicitement l’analyse politique, la vision sociologique, les convictions personnelles. Je ne tenterai pas de le résumer. Politiquement parlant, Nicolas Sarkozy s’exprime et s’explique surtout sur les raisons, les tenants et les aboutissants de la naissance du Conseil français du culte musulman (Cfcm). Comme ministre de l’Intérieur, il était parvenu à installer, au forceps, en y jetant toutes ses forces4 et en y perdant quelques plumes, l’instance de représentation des musulmans de France, ce dont ses prédécesseurs, de gauche et de droite, rêvaient, mais qu’ils n’avaient jamais réussi à faire. Cette institution a été sévèrement contestée, notamment parce qu’elle aurait permis à la tendance la plus proche de l’islam traditionnel (ou redevenu traditionnel5), l’Union des organisations islamiques de France6 (Uoif), de prendre pour ainsi dire démocratiquement, par l’élection, le pouvoir (puisqu’au préalable, un système de vote assez complexe – et certainement peu satisfaisant – avait été mis en place). Par ailleurs, le bilan de cette instance, déchirée et paralysée depuis son installation par les luttes de pouvoir entre factions et personnalités diverses, n’est guère brillant. Il faut reconnaître cependant une constante de l’attitude de Sarkozy : le courage de monter au front, à ses risques et périls, pour défendre ses idées. Il l’a fait en particulier à deux occasions, dont le résultat fut inégal. Lors d’un congrès de l’Uoif au Bourget, il fut sifflé pour avoir refusé le port du voile sur les cartes d’identité. Ses adversaires le lui comptèrent à charge. Pourtant, il pouvait se targuer d’avoir redit sans ménagements, devant une assemblée hostile, le droit et la loi (ses adversaires oublient d’ailleurs toujours de dire ce qu’on devrait faire de l’Uoif, qui n’est pas une association interdite par la loi…). D’autre part, lors d’une émission de télévision risquée avec Tariq Ramadan, réputé comme un débatteur brillant et redoutable, il sortit grand vainqueur en dénonçant sans ménagement la demande d’un moratoire concernant le statut des châtiments corporels dans les pays musulmans7.

Dans le livre, Nicolas Sarkozy défend cependant avec force et justifie longuement la nécessité d’une instance de représentation des musulmans dans la République. Les arguments objectifs et subjectifs – sa découverte, finalement, de l’islam – se mêlent et l’on pourrait y trouver à discuter ; mais sur le fond, à mon avis, il avait raison. La conjoncture internationale très difficile pour les musulmans, l’influence du wahhabisme (l’islam saoudien) et du salafisme au sein de l’islam mondial, la pression persistante des pays d’origine sur les musulmans de France, et bien d’autres causes encore expliquent la maigre performance, à ce jour, du Cfcm. Il faudrait aussi militer pour un peu de patience. Quand au début du xixe siècle Napoléon mit en place les instances représentatives du protestantisme et du judaïsme français – qui sont devenues, avec des évolutions importantes aux xixe et xxe siècles, des réussites –, il demanda aux intéressés de se plier à ses décisions et au ministre de l’Intérieur d’en surveiller l’exécution avec sa police. En régime démocratique, les choses sont devenues plus difficiles. Sans faire fi de la nécessaire vigilance sur son devenir, il me semble qu’une instance de représentation – dont l’absence est si problématique pour l’islam en général – devrait être saluée à sa juste mesure, au-delà des déceptions légitimes dues à l’incapacité du Cfcm de gérer ses problèmes internes.

L’expression de convictions dans la laïcité

Pour le reste, les « vrais » républicains feront probablement la moue devant une vision de la République si ouverte à ses ennemis, ou si franche du collier et si généreuse avec eux qu’elle risque d’être affaiblie par ses concessions. Sans parler des atteintes implicites à la laïcité, malgré les dénégations de l’interviewé qui proteste de sa fidélité à la République laïque. En témoigne, après la parution du livre, un « entretien musclé qui tranche avec le langage policé de la politique », publié dans L’Express8. Denis Jeambar, alors directeur de cet hebdomadaire, y endosse, par conviction ou par nécessité, le rôle du républicain laïque, irrité et heurté par les idées de Sarkozy. Les questions sont intelligentes, soupçonneuses, souvent rudes et dures ; les réponses, qui accentuent certaines pointes du livre, inhabituellement franches, personnellement engagées, dérangeantes dans le monde politique français marqué par la neutralité ou la réserve du régime de séparation des religions et de l’État.

En particulier, des convictions personnelles sur « le sens de la vie » sont exprimées sans détour par le futur candidat à la présidence. Qu’on en juge par ce petit florilège tiré de l’entretien et du livre :

L’homme ne peut pas se définir par rapport au néant. Il ne peut être indifférent à la question de savoir d’où il vient et où il va.

Je place la question spirituelle au cœur de l’existence de l’homme.

La République organise la vie dans sa dimension temporelle. Les religions tentent de lui donner un sens. Il n’y a pas d’opposition structurelle.

(p. 21 du livre)

Je place la question spirituelle au cœur de l’existence de l’homme.

La question de l’espérance, celle du sens de la vie, est sans doute la question la plus importante de l’existence ;

(p. 22)

elle ne préjuge ni de l’appartenance à une religion déterminée, ni d’une pratique religieuse :

La crise des Églises n’annonce pas forcément une crise de la foi.

(p. 23)

Le besoin spirituel, l’espérance ne sont pas satisfaits par l’idéal républicain. La République est une façon d’organiser l’univers temporel. Elle est le meilleur moyen de vivre ensemble. Mais elle n’est pas la finalité de l’homme. Il y a en même temps une aspiration spirituelle, que la République ne doit pas nier, mais qui n’est pas non plus de son ressort.

(p. 25)

La religion témoigne de la fragilité de l’homme. L’homme a peur de la mort. Il ne sait pas avec quoi il a rendez-vous dans l’éternité.

(p. 47)

Qu’est-ce qu’un homme qui croit ? C’est un homme qui espère. Il faut que vous démontriez que ce n’est pas vrai. La démarche de foi, c’est une démarche d’espérance face à l’inévitable.

On ne peut tout rationaliser et expliquer.

[Mais] je suis contre l’évocation de Dieu dans la Constitution européenne. Qu’est-ce que Dieu viendrait faire dans tout cela, en effet ?

Tous ces propos justifient, sans toucher au principe de laïcité, une sorte de meilleure « intégration » de la religion – la religion ! il ne parle pas de l’Église catholique ni de l’islam… – dans la République, comme une énergie sociale et éthique, une capacité d’apaisement des conflits et surtout une espérance spirituelle et personnelle pour vitaliser la République affaiblie, qui ne peut donner plus que ce qu’elle a ou qu’elle est devenue. Il est peut-être caractéristique que l’« activiste » Sarkozy privilégie la catégorie d’« espérance », vertu dynamique qui pousse vers l’avant (il a dit quelque part ne pas aimer « le retour aux sources »). À Jeambar qui lui reproche inlassablement de vouloir réintroduire les convictions privées (donc particulières) dans la vie publique, que c’est la politique qui construit le lien social et les raisons du vivre-ensemble, que la religion est toujours grosse de dangers et de fanatisme, qu’elle n’a pas l’exclusivité de l’espérance et même que la République incarne l’espérance (universelle), Sarkozy donne des réponses qui sont peut-être plus proches de la sociologie réelle du terrain social et religieux en France aujourd’hui, et moins axées sur les principes. Il note, non sans raison et contrairement à un cliché répandu, que les religions sont plus affaiblies que puissantes, ou qu’en général elles ne représentent nullement un danger pour la République9. Il suggère à juste titre que tous les fondamentalistes ne sont pas des extrémistes ou des intégristes. À Jeambar qui rappelle les séparations modernes et françaises, Sarkozy oppose les liens et les synergies possibles, faisant appel à toutes les religions sans exclusive.

Du côté de la philosophie et de la théologie politique, on regardera sans doute de haut ces réflexions du président de la République. Il n’empêche : au-delà du langage assez pauvre voire des lieux communs qu’il exprime, il repose finalement la question d’une construction républicaine et démocratique qui veut rester strictement cantonnée dans l’autonomie des modernes, ou de la capacité de cette autonomie abstraite à assurer et à nourrir les valeurs. La laïcité à la française déclare en effet, tout en garantissant la liberté de croyance et de culte, que la République n’honore pas les « besoins religieux », qu’elle n’en a pas besoin pour réaliser ses idéaux et ses valeurs. N. Sarkozy ne dit pas le contraire, il ne demande pas à la République de réhabiliter le rôle de la religion dans la Constitution, mais il s’élève contre la séparation excessive du religieux et du politique, contre une privatisation excessive du religieux et une neutralité excessive du politique en France, devenues préjudiciables dans les deux sens : les croyants et leurs Églises (ou leurs communautés) ne peuvent apporter leur pierre à la République ; la République est empêchée d’apporter l’aide publique ou de rétablir la balance de l’égalité quand des religions connaissent, comme l’islam aujourd’hui, des difficultés à s’intégrer dans le cadre républicain français.

Une page désormais tournée ?

Le président de 2007 est-il toujours en phase avec les idées du ministre de l’Intérieur de 2003 ? Disons qu’il est devenu prudent et qu’il se drape dans sa nouvelle dignité pour justifier cette prudence. Il ne renonce pas, globalement, à l’idée de lutter contre une « vision sectaire de la laïcité ». Mais comme on le sait, il a pris au cours de la campagne ses distances avec les musulmans de France et leurs institutions. Lors du « procès des caricatures du prophète », intenté par les associations musulmanes à Charlie-Hebdo, il a pris parti, comme les autres leaders politiques, pour la liberté de critique absolue des religions. Il avait déjà mis une sourdine à sa proposition très contestée de soutenir avec l’argent de la République la construction des mosquées – un soutien au nom de l’égalité avec les autres cultes et pour éviter que les musulmans français dépendent de l’aide de pays étrangers adeptes d’un islam peu recommandable (l’Arabie Saoudite). Mais peu avant le premier tour des élections, il déclarait à La Croix10 que, faute de consensus, il renonçait à retoucher la loi de 1905, et qu’il ne prendrait pas en compte le rapport Machelon (novembre 2006) qui proposait de donner aux communes la possibilité de financer les lieux de culte. Il semble plutôt décidé à « coller au terrain », à aider les élus locaux au cas par cas pour résoudre les problèmes (en particulier ceux de la construction…). À propos de fêtes chômées nouvelles, juives ou musulmanes, il préfère « ne pas ouvrir la boîte de Pandore ». Il « aime aller parfois à l’église en famille », une « démarche culturelle, identitaire », qui « lui rappelle des souvenirs », même s’il est « parfois déçu par la qualité des homélies »…

En somme, il se présente comme un catholique moyen, pratiquant occasionnel que le culte occasionnel réinstalle cependant dans une mémoire et une culture, peut-être une nostalgie… même s’il est question surtout de la nécessité d’un Dieu qui donne espérance pour cette vie et pour l’autre, plutôt que d’une adhésion raisonnée et soutenue par un rapport personnel au Dieu de la Bible, au Christ des Évangiles, « Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob », « Dieu de Jésus-Christ » comme disait Pascal pour marquer la distance envers le Dieu lointain et vague des philosophes… qui a toujours le vent en poupe aujourd’hui. Je ne doute pas de la sincérité des sentiments religieux de N. Sarkozy, encore moins lui ferais-je un quelconque grief, mais il me fait malgré tout l’impression, si fréquente aujourd’hui avec les cadres et les classes moyennes supérieures restées croyantes, d’une sorte d’extériorité des convictions religieuses – excentrées en particulier par rapport au libéralisme dynamique et au modernisme agressif (économique, social, culturel) dont ils sont les porteurs. On les voit théoriciens de la « nature humaine éternelle », de l’inné génétique contre l’acquis culturel – histoire de sauver des positions sécuritaires et autres très terre à terre (la prison à vie pour les délinquants sexuels). Ce sont des supporters parfois rigides des valeurs morales, encore que la famille recomposée de Nicolas Sarkozy l’éloigne, semble-t-il, de tout familialisme catholique. « Générations Jean-Paul II » et « Jmj », accrochées à l’exemplarité de grands témoins plutôt qu’à l’intériorité nourrie par une culture théologique et biblique, par une foi jouant un rôle d’instance critique… Comme il est « malin », beaucoup plus que bien d’autres de sa génération, Nicolas Sarkozy tient cependant – et c’est après tout à son honneur – un discours structuré sur les rapports du religieux et du politique, qu’on peut contester mais qui a le mérite d’exister et de bousculer le ronron et la peur de changer où s’est installée la République laïque de droite et de gauche. De plus il a réussi à mettre en scène, pendant la campagne, le « supplément d’âme » que semble signifier pour lui la religion, appel au cœur et à l’amour dans un monde politique de brutes, où il joue lui-même la partition sans broncher.

À la fin de son article, Jean-Pierre Dozon estimait que les foules qui ont élu le « prédicateur évangélique » charismatique pourraient très pragmatiquement et très vite aller voir ailleurs s’il ne remplit pas ses promesses salvatrices. Mais Dozon ne devrait pas sous-estimer non plus le pragmatisme de l’élu qui, de fait, semble avoir déjà infléchi ses alliances, par exemple en rejoignant pour partie le camp américain dans la politique du Proche-Orient, en rompant donc avec les options pro-arabes de Chirac, en se rapprochant d’Israël et, forcément, des juifs français (qui auraient voté pour lui à 80 %). Dans la récente affaire des tests Adn prévus par la nouvelle loi sur l’immigration, il avait certainement une opinion, mais il s’est bien gardé de la dire publiquement – alors que les parlementaires chrétiens ainsi que les évêques et les responsables protestants montaient au créneau pour la dénoncer. En fin de compte, ce sont les propositions et l’activisme religieux antérieurs qu’il semble le moins décidé à prolonger.

Applaudissements (probables) sur tous les bancs… On peut faire campagne électorale avec de l’inspiration religieuse quasi compassionnelle (Sarkozy, Royal), on peut finir sa vie politique en cherchant un dieu (Mitterrand), pourvu qu’on respecte les lignes blanches continues pendant le parcours. Après tout, dans la France laïque, c’est l’essentiel, non ?

  • 1.

    Jean-Pierre Dozon, « Un bain de religiosité électorale », Esprit, juillet 2007, p. 160-163.

  • 2.

    J.-P. Dozon, « Un bain de religiosité électorale », art. cité, p. 163.

  • 3.

    Nicolas Sarkozy, la République, les religions, l’espérance, Paris, Le Cerf, 2004 et Paris, Pocket, 2005.

  • 4.

    Il se permet même des recommandations théologiques pour l’islam, voir Malika Zeghal, « La constitution du Cfcm : reconnaissance politique d’un islam français », Archives de sciences sociales des religions, n° 129, 2005, p. 107-108.

  • 5.

    Volontairement, je n’emploie pas l’expression « tendance islamiste ». Que l’Uoif compte des islamistes dans ses rangs, c’est évident. Mais traiter l’ensemble de l’Uoif comme islamiste, ainsi que le font souvent des critiques de tendance laïque pour jeter l’opprobre sur ce mouvement en l’assimilant aux tendances radicales de l’islam, n’a pas de sens. Le voile ou le foulard des femmes, qui est le prétexte courant des dénonciations et qui a, en effet, les faveurs d’une partie de l’Uoif – ce qu’on peut certes critiquer – n’est pas, à mon sens, dirimant dans cette affaire, parce que la vague de « retour au voile », dans les pays d’islam et les pays d’immigration musulmane, relève de transitions paradoxales pour accéder à la modernité, si déplaisantes soient-elles par ailleurs. L’Uoif, globalisée comme tendance islamiste par ses adversaires, est en réalité très divisée. Mais l’évolution détestable des choses fait que l’islam, même modéré, affirmant une identité devient de l’islamisme. Lors d’une émission récente à propos des élections marocaines, un journaliste connu a mis en série, sans que personne ne proteste, le parti islamique marocain (qui a finalement perdu les élections) avec l’islam saoudien, les Frères musulmans et Al-Qaida !

  • 6.

    On peut comparer les analyses de Nicolas Sarkozy avec celles, assez proches, d’un bon observateur, voir Xavier Ternisien, la France des mosquées, Paris, Albin Michel, 2002.

  • 7.

    Il recueillit après l’émission des félicitations unanimes. La question est pourtant loin d’être aussi lumineuse qu’on a voulu le faire croire : un observateur aussi peu soupçonnable de sympathies pro-fondamentalistes que Abdelwahab Meddeb donne raison ici à Tariq Ramadan (voir Contre-prêches, Paris, Le Seuil, 2006, p. 340-341).

  • 8.

    L’Express du 1er novembre 2004. Les réponses ont souvent la forme qu’affectionne N. Sarkozy et qui déconcerte ses interlocuteurs : celle d’une question en retour (« Et pourquoi ne le ferais-je pas ? », « Pourquoi ne faites-vous que répéter les lieux communs ? »).

  • 9.

    Des signes isolés dans le livre et dans l’interview de L’Express indiquent que N. Sarkozy et ses conseillers du ministère de l’Intérieur sont mieux informés de la recherche des sciences sociales que la plupart des hommes politiques et des journalistes, ou qu’ils sont plus sensibles à certains de leurs résultats qu’à la fidélité aux principes rigides de 1905. Cela explique aussi une certaine décontraction ou décrispation envers les sectes (voir chap. 5 du livre). À cet égard, Nicolas Sarkozy se permet même de penser que des « dérapages » sectaires seraient évités si « les grandes religions avaient la sagesse de laisser s’organiser une plus grande liberté en leur sein », et il ne craint pas de prôner de la diversité au sein des grandes religions – l’islam et l’Église catholique avant tout : « Je crains beaucoup l’islam unique, je ne suis guère enthousiasmé à l’idée d’un catholicisme unique » (p. 170-171). La réception très médiatisée de l’acteur Tom Cruise, vitrine de l’Église de scientologie, relevait sans doute de cette ligne de pensée décontractée par rapport aux sectes, mais aussi de l’espoir de bénéfices politiques – ce qui était sans doute un mauvais calcul, car les médias, très anti-sectes en France, l’ont violemment critiqué.

  • 10.

    Entretien dans La Croix du 4 avril 2007.

Jean-Louis Schlegel

Philosophe, éditeur, sociologue des religions et traducteur, Jean-Louis Schlegel est particulièrement intéressé par les recompositions du religieux, et singulièrement de l'Eglise catholique, dans la société contemporaine. Cet intérêt concerne tous les niveaux d’intelligibilité : évolution des pratiques, de la culture, des institutions, des pouvoirs et des « puissances », du rôle et de la place du…

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