
Le paradoxe Léonard
Morts et résurrections de la Renaissance
Il existe un débat historiographique sur le concept de Renaissance. Les catégories de l’histoire de l’art tendent à en relativiser les limites. La figure de Léonard, riche et ambivalente, se situe au carrefour de ce débat.
« La Renaissance se meurt, la Renaissance est morte[1]. » Voilà l’abominable nouvelle par laquelle commence le plaidoyer de Jean-Marie Le Gall pour ce concept historiographique. On apprend heureusement, trois cent cinquante pages plus loin, qu’il s’agissait d’une fake news propagée par de méchants historiens. L’une des cibles de Le Gall est Jacques Heers qui reprenait, après bien d’autres, la déconstruction du « mythe » de la Renaissance et son cortège d’« idées reçues » dépréciatives pour les siècles qui l’ont précédée[2]. Deux éléments intriguent dans l’actualité, du moins en langue française, de ce débat historiographique. D’une part, c’est le fait que le culte médiatique et institutionnel de la Renaissance, symbolisé par les années Léonard de Vinci et Raphaël, ne semble nullement atteint par ce doute plus que séculaire. L’« homme universel » de la Renaissance semble manifestement avoir existé, les autorités se l’arrachent et le public ne sait plus quel « dossier spécial » acheter pour pouvoir le rencontrer, lui et l’âge d’or qui semble l’avoir rendu possible. D’autre part, c’est la « survivance » au xxie siècle d’un débat structuré par des stéréotypes nés en grande partie au xix