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Quand agir, c'est lire. La lecture créatrice selon Simone Weil

août/sept. 2012

La lecture créatrice selon Simone Weil

Philosophe égarée dans l’action. C’est ainsi que Simone Weil a souvent été caricaturée. Pourtant l’action et la réflexion sont, pour elle, inséparables, comme le montre son idée de « lecture », qui concerne aussi bien les grands auteurs classiques que le déchiffrement du monde.

Simone Weil pensait que la philosophie était « une, éternelle et non susceptible de progrès ». Elle la croyait seulement capable d’un renouvellement dans l’expression, « quand un homme se l’exprime à lui-même et l’exprime à ceux qui l’entourent en des termes qui ont rapport avec les conditions de l’époque, de la civilisation, du milieu où il vit1 ». Imprimer un « accent nouveau » à une « pensée éternelle en droit » ne peut consister qu’en une « transposition » opérée d’âge en âge, et telle est la « seule raison pour laquelle il peut valoir la peine d’écrire2 » après Platon. La transposition est d’ailleurs un « critérium pour une vérité » : « Ce qui ne peut pas être transposé n’est pas une vérité3. » Notre tâche, face à la pensée de Simone Weil, revient à chercher si, tels qu’elle les a exprimés, les problèmes éternels qu’elle a formulés sont transposables en des termes adaptés aux conditions qui sont les nôtres. Pouvons-nous mettre nos pensées dans ses pensées4 ? La méthode philosophique de transposition demande un travail comparable à celui que proposait Simone Weil, et qu’elle concevait comme le devoir de « refaire un effort de pensée analogue à celui [que fit] Eudoxe5 » pour résoudre le problème des incommensurables. Nous avons, nous, disait-elle, à résoudre celui de la démesure et de la « perte d’équilibre » qui caractérisent notre époque dans maints domaines, particulièrement celui de la science qui traverse une crise « comparable à celle du ve siècle6 ». En quoi Simone Weil peut-elle nous aider à faire cet effort d’invention ? C’est probablement dans l’élaboration continue d’une méthode de lecture7 qu’elle a le plus apporté à la réflexion philosophique, car l’usage de cette notion fait comprendre pourquoi elle considérait la philosophie comme « chose exclusivement en acte et pratique », raison pour laquelle elle jugeait qu’il était « si difficile d’écrire là-dessus8 ».

Lire une action à accomplir

Des notes préparatoires à l’« Essai sur la notion de lecture9 » précisent :

Le monde est un texte à plusieurs significations, et on passe d’une signification à une autre par un travail ; un travail où le corps a toujours part, comme, lorsqu’on apprend l’alphabet d’une langue étrangère, cet alphabet doit entrer dans la main à force de tracer les lettres. Faute de quoi tout changement dans la manière de penser est illusoire10.

Il s’agit d’une bonne définition de ce qu’il faut entendre par lecture chez Simone Weil : une activité qui, loin d’être seulement interprétative d’un texte selon les codes qu’il implique, suppose une confrontation matérielle au monde, grâce aux capacités du corps outillé. Cela nous ferait remonter aux racines de la philosophie de Simone Weil, dans ses écrits de 1928-1930 qui s’efforcent de déterminer l’activité formatrice par laquelle on va de nos impressions premières à la réalité de l’objet dans le monde. Cette activité formatrice est le travail11. En opérant selon les nécessités conçues par la géométrie, le travail fait éprouver la vérité par contact avec la nécessité réelle. Si le travail est l’activité humaine par excellence, c’est qu’il « n’est pas moins une pensée que la réflexion12 », la pensée devant être interprétée comme disposition à agir.

On tient la première élaboration de la notion de lecture envisagée comme une « exploration13 » du réel. Comme l’affirmera plus tard Simone Weil, « on lit toujours dans le monde une action à accomplir », afin de « parvenir à la lecture vraie14 », car le propre des actions est d’augmenter ou de diminuer « l’épaisseur du voile qui [nous] sépare de l’univers et des autres », comme le font les « gestes par lesquels je manie un outil15 ». Par conséquent, dit l’« Essai sur la notion de lecture », si je possède sur le monde un pouvoir, qui me permet de changer les apparences indirectement, par le travail, je possède également un « pouvoir de changer les significations que je lis dans les apparences et qui s’imposent à moi », pouvoir exercé lui aussi « par un travail16 ». L’apprentissage de la lecture du monde comme texte s’opère, comme l’apprentissage d’un métier, par des « transports de sensibilité » : « L’outil fait perdre un mode de sensibilité, le remplace par un autre17. » Celui qui manie un levier ou qui pilote un bateau, par exemple, lit des forces et des significations que ne liraient pas l’oisif ou le passager du bateau. Pour le marin éprouvé, le bateau devient comme un « prolongement de son corps », il est comme « un instrument à lire la tempête, et il la lit tout autrement que le passager18 ». Par l’apprentissage, des significations apparaissent au bout de l’outil ou du bateau, comme elles apparaissent au bout de la plume de celui qui trace des caractères sur le papier. Pour interpréter le réel selon ses niveaux de significations, il faut que le « métier rentre » et il rentre « dans le corps19 ». Ce point de départ en philosophie, Simone Weil ne cessera de le reconduire en développant ses premières constructions philosophiques, jusqu’à livrer peu à peu le « geste simple » (Jeanne Hersch) qui permet de percevoir l’unité de sa philosophie : le travail de la pensée est inséparable d’un art de lire.

Lire sans cesser de percevoir

Parallèlement à la pure réflexion philosophique, la jeune intellectuelle militante aiguise sa réflexion sur les questions sociales et politiques. De la critique de la doctrine de Marx à une interprétation originale du nazisme, en passant par des considérations désenchantées sur le système soviétique, elle dégage des perspectives lucides sur la révolution et multiplie les « réflexions pour déplaire20 », au point de passer pour défaitiste aux yeux de ses camarades. Comment est-elle parvenue, en surmontant les désillusions éprouvées dans sa vie militante, à élaborer une philosophie qui évite de sombrer dans le « désarroi ou l’inconscience », en une période où « tout ce qui semble constituer une raison de vivre s’évanouit21 » ?

En 1935, elle écrivait à Alain que tout ce qui s’est passé depuis trois siècles dans les domaines de la science, de la technique et de l’organisation sociale surtout, pourrait « se résumer en ceci que l’aventure de Descartes a mal tourné22 ». Descartes et ses successeurs n’ont pas découvert « un moyen d’empêcher l’ordre, aussitôt conçu, de devenir une chose au lieu d’une idée23 ». Si bien que, comme c’est le cas dans l’algèbre moderne, il y a eu « substitution du signe au signifié24 ». La science est devenue un art de manier les signes, doublé d’un ensemble de recettes à l’usage des techniciens, sans que soit posée la question de la signification des signes maniés. Cette abdication de l’esprit qui renonce à sa fonction propre, celle de coordonner, Simone Weil la condamne sous toutes ses formes. Elle trace un parallèle entre la transformation de la science par les signes, du travail par les machines et de l’organisation sociale par l’argent et par la bureaucratie. D’où la formule lapidaire des Cahiers :

Argent/machinisme/algèbre/les trois monstres de la civilisation actuelle. Analogie complète25.

Une lecture du monde devient difficile, car la pensée et le corps trouvent « de moins en moins où mordre26 ». Lutter contre ces formes de l’oppression revient à permettre à nouveau aux individus de « voir clair dans toutes leurs pensées et de toucher la réalité du doigt27 », objectifs dont on notera la simultanéité. Tel est le sens de l’appel répété à un nouvel Eudoxe capable de nous aider à surmonter la perte de tout rapport perceptible entre l’homme et les choses, entre l’action et les effets de l’action, entre le travail et ses résultats, entre les différentes fonctions, entre les résultats et la méthode, entre les systèmes de signes et le réel, entre l’esprit et le corps enfin. La réflexion amorcée alors sur une méthode – une lecture – fondée sur l’analogie n’a pas d’autre but que de développer chez l’individu sa capacité de « comprendre sans cesser de percevoir28 ».

Ce que nous avons perdu, dans la science contemporaine et dans les formes actuelles de l’activité sociale, ce n’est ni plus ni moins que le « sens de la réalité29 ». La perte du sens est la perte d’un monde commun et de la capacité de nous gouverner. L’intelligence, devenue « servante » dans la technique mathématique utilisée par la science, par la comptabilité – par le système financier, champion de l’opacité entretenue par des montages mathématiques –, est « sans parenté avec cette autre intelligence commune à tous qui a paru si longtemps seul juge des notions fondamentales30 ». La conséquence est que, tout devenant absolument impénétrable aux profanes et même au savant, hors de son domaine de spécialisation, les individus réduits à absorber « tout ce qui tend à déposséder l’intelligence31 » sont facilement conditionnés à l’« enthousiasme », cet « entraînement superficiel de l’âme32 » dont se nourrit le totalitarisme. Faut-il préciser qu’il existe, de nos jours, d’autres formes d’entretien et de stimulation de l’enthousiasme ? Si la perception, le travail, la science, les religions, l’action sur soi et sur autrui « consistent à transformer les significations33 », les systèmes de domination actuels ont compris que l’apprentissage des lectures multiples du réel pouvait être remplacé par une forme unique d’opacification du rapport des individus au monde, la forme la plus plate et la plus dénuée d’intelligence. Penser, c’est lire ; dominer c’est imposer une lecture ; opprimer, plus subtilement, c’est s’efforcer d’empêcher les dominés de s’éveiller à des lectures autonomes et multiples. Depuis l’époque de Simone Weil, le dosage et la subtilité des mobiles injectés pour agir sur les individus ont varié, mais il s’agit plus que jamais de « changer ce que les hommes lisent34 ».

Quelle est cette réalité dont nous avons perdu le sens ? Simone Weil a toujours soutenu que « le réel et la nécessité, c’est la même chose35 », que « tout ce qui est réel est soumis à la nécessité36 ». Jusque dans la période où dominent les préoccupations spirituelles, la méthode matérialiste reste légitime. L’interprétation weilienne de la Création s’accorde avec cette méthode. Pour Dieu la Création n’est pas une expansion de Soi, mais plutôt une abdication, une « décréation », par laquelle Il « se fait nécessité37 », une nécessité à laquelle Il délègue son pouvoir. Aussi, dans les limites du règne de la nécessité au sein de l’univers, le matérialisme est justifié, jusque dans le domaine de la « pesanteur morale » à laquelle la nature humaine est soumise. S’il n’y avait cependant que la nécessité dans les conditions d’existence de l’homme, la lecture ne serait pas ce « mystère » dont parle le début de l’« Essai » de 1941. Or, tout en étant soumis, dans sa pensée comme dans sa chair, à une « nécessité absolument indifférente au bien », l’homme a « pour être même l’effort vers le bien38 ». La réalité de la nécessité dans le monde et dans l’homme est doublée d’une réalité du bien chez l’homme, indissociables si l’on veut explorer la totalité de l’Être39, même si cette indissociabilité du nécessaire et du bien est un mystère pour notre intelligence. Retrouver le « sens de la réalité », ce serait donc renouer le rapport à la « mystérieuse complicité de [la] nécessité qui constitue le monde à l’égard du bien » – c’est-à-dire, chez la « dernière » Simone Weil, à l’égard de Dieu40.

Précisément, la question de la lecture n’est pas plus étrangère à la question du bien qu’elle ne l’est à celle du vrai ou à celle du beau41. En effet, les textes du monde « s’emparent de mon âme, l’abandonnent, sont remplacés par d’autres ; valent-ils mieux les uns que les autres42 ? » Simone Weil avertit pourtant que, à vouloir « saisir dans le monde des valeurs plutôt que de la nécessité, on risque d’encourager en soi ce qu’il y a de plus trouble43 ». Le danger est de confondre aspiration au bien et désir, notre désir de concilier à bon compte une science, qui étudie froidement des rapports de force, avec notre idéal de justice. Il faut donc s’orienter vers la recherche d’un accord, contradictoire pour notre intelligence, entre le beau, le bien, le vrai et la nécessité, sans être tenté de donner un coup de pouce à la science et un autre à l’idéal afin de minimiser l’écart insupportable entre la nécessité et le bien. C’est le piège que Marx n’a pas évité, par une faute de lecture. Il a confié à la « matière sociale » le soin de prendre en charge d’un même élan la nécessité et le bien, tant la contradiction entre les deux niveaux lui paraissait irréductible par les faibles forces de l’homme et par sa pensée44. Une approche matérialiste cohérente, selon Simone Weil, peut reconnaître la possibilité d’étudier l’influence du bien ou du surnaturel sur les sociétés humaines. Il suffit de poser que la « connaissance de la mécanique sociale implique celle des conditions auxquelles l’opération surnaturelle d’une quantité infiniment petite de bien pur, placée au point convenable, peut neutraliser la pesanteur45 ». Il s’agit de savoir à quelles conditions, dont la création dépend de nous, un bien qui n’est pas de ce monde pourrait venir « persuader46 » la nécessité. Admettre avec Platon que seule la « créature pensante » est capable de « mouvement vers le bien à travers les contradictions47 », cela permet de soutenir par la pensée la contradiction que Marx a cru surmonter en la transférant dans le réel.

Ce qui est réel enferme des lectures multiples

Notre condition de lecteur en quête d’une « lecture vraie » est délicate. Il n’y a qu’une voie à suivre, énigmatiquement suggérée dans les Cahiers : « Du solipsisme à l’Identité Suprême par le monde. Saisir la réalité. Où48 ? » L’égoïste est « celui qui croit que sa perspective propre est le monde même, et non une perspective, et qui conçoit le bien en fonction de cette perspective49 ». Il faudrait, pour échapper au solipsisme, un plein accord « avec moi passé, moi à venir », à travers les impressions qui m’assaillent constamment, ainsi qu’une « coordination […] avec les lectures des autres50 ». L’accord plein serait « identité, éternité51 ». En d’autres termes, l’idéal serait, pour une vraie lecture, de « perdre la perspective » ; cependant, quand l’univers serait ainsi pour moi – comme il l’est pour Dieu – « c’est toujours mon corps, petite partie, qui exécuterait mes actions. Comment le concevoir52 ? » Comment « lire, et lire en même temps sa propre lecture53 » ? Nous ne pouvons saisir la réalité que « par le monde », précisément, car la « plénitude de la réalité d’un homme est dans ce monde, cet homme fût-il parfait54 ». C’est dans l’Enracinement qu’on trouve la réponse complète à la question : « Saisir la réalité. Où ? » Simone Weil décrit clairement les « lectures superposées » qui font apercevoir la possibilité d’un accord plein, sur des plans multiples, de la valeur et de la nécessité :

L’ordre du monde, c’est la beauté du monde. Seul diffère le régime de l’attention, selon qu’on essaie de concevoir les relations nécessaires qui le composent ou d’en contempler l’éclat.

C’est une seule et même chose qui relativement à Dieu est Sagesse éternelle, relativement à l’univers parfaite obéissance, relativement à notre amour beauté, relativement à notre intelligence équilibre de relations nécessaires, relativement à notre chair force brutale.

Aujourd’hui, la science, l’histoire, la politique, l’organisation du travail, la religion même […], n’offrent à la pensée des hommes que la force brutale. Telle est notre civilisation55.

Le règne de la « force brutale » opère le verrouillage des lectures superposées, verrouillage caractéristique du mal, du rêve, de la « simplicité des criminels, mais aussi du cabotinage56 ». C’est pourquoi il faut s’efforcer de

définir les choses qui, tout en se produisant effectivement, restent en un sens imaginaires. Guerre. Crime. […] Malheur extrême. Celles qui ne comportent pas de lecture multiple57.

La guerre, forme extrême de l’oppression, est une « manière d’imposer une autre lecture des sensations, une action sur l’imagination d’autrui58 », une façon de faire surgir, par la seule parole d’un chef d’État qui « déclare » la guerre, des « significations nouvelles […] autour de chacun59 » parmi des millions d’hommes que l’on détermine ainsi à tuer et à mourir.

Il existe pourtant une forme plus terrible de l’exercice de la force que le « pouvoir de transformer un homme en chose en le faisant mourir », c’est le pouvoir de « faire une chose d’un homme qui reste vivant […], une chose qui a une âme60 ». C’est cet « étrange état pour l’âme » que Simone Weil a retenu de son expérience de la condition ouvrière. Le Journal d’usine témoigne que le travailleur n’est qu’une « machine de chair » qui aimerait « déposer son âme, en entrant, avec sa carte de pointage, et la reprendre intacte à la sortie61 ! ». On est à l’opposé d’une organisation de la production qui permettrait de percevoir le monde comme un « texte à plusieurs significations », d’un régime du travail grâce auquel la matière deviendrait un miroir du surnaturel, où se liraient des symboles écrits « de toute éternité62 ». La perspective spirituelle, dominante dans les derniers écrits, développe dans une nouvelle dimension ce qu’on rencontrait dès les premiers écrits philosophiques. L’affirmation « les travailleurs savent tout » concluait Science et perception dans Descartes63, en 1930. En 1941, on trouve :

Pour les travailleurs il n’y a pas d’écran. Rien ne les sépare de Dieu. Ils n’ont qu’à lever la tête64.

Toutefois le plus « difficile pour eux est de lever la tête », car l’oppression par le système de production les courbe physiquement et moralement sur la répétition indéfinie de gestes identiques. Il manque la perception de supports matériels qui leur permettraient de varier la perspective, de réorienter leur attention, de changer de lecture. La part inévitable de souffrance qui existe même dans le travail non servile tient à la nécessité dans les choses ; elle est donc susceptible d’un usage surnaturel, mystique ou poétique. En revanche, l’oppression dans le travail servile, qui « empêche la poésie de se cristalliser autour de ces souffrances est un crime65 ». Entendons bien le sens du propos :

Il faut que les circonstances mêmes du travail permettent [à la poésie] d’exister. Si elles sont mauvaises, elles la tuent66.

Les solutions illusoires à l’oppression – loisirs vils, argent, « opium » des idéologies ou des religions qui font du travail servile un sacrifice spirituel – sont faciles à repérer, car ce sont des compensations destinées à masquer la possibilité de lectures multiples dans chaque fonction sociale et surtout dans le travail. Si « tout ce qui est réel, assez réel pour enfermer des lectures superposées, est innocent ou bon67 », toute privation de cette possibilité de lectures multiples est un mal, et le « pire attentat », celui qui est commis contre l’attention des travailleurs, mériterait d’être assimilé au « crime contre l’Esprit68 ». Ces quelques notes jetées dans les Cahiers résument tout :

Réalité : bien.

Donner aux hommes la réalité : le plus grand présent.

Réalité et joie69.

Ôter à un homme la réalité : le plus grand tort70.

L’ontologie de Simone Weil ne sépare jamais la question du réel de celle du bien, tout en reconnaissant que l’unité du bien et de la nécessité est transcendante à ce monde. D’un point de vue pratique, cependant, nous avons l’obligation de chercher les conditions auxquelles le bien peut imprégner le monde pour lui conférer sa pleine réalité. Commentant l’allégorie platonicienne de la caverne, Simone Weil précise que le sage ou le saint, « après avoir arraché l’âme au corps », doivent « répandre sur ce monde […] le reflet de la lumière surnaturelle », afin de « faire de cette vie terrestre et de ce monde une réalité, car jusque-là ce ne sont que des songes ». Il leur incombe « d’achever ainsi la création71 ». En tant qu’il est un mélange de devenir et d’anéantissement, ce monde manque de réalité. Cependant, il n’y a de préparation possible à la « délivrance » que pour une humanité capable de lire dans ce monde et en cette vie le reflet de la lumière surnaturelle contemplée par l’âme qui s’est préalablement détournée de son séjour ici-bas. Il s’agit par conséquent de créer des conditions telles que la pensée « se trouve dans la situation la plus heureuse, qui consiste pour elle à se sentir chez soi au milieu de la matière72 ». Nous devons nous mettre en situation d’« apercevoir le monde lui-même comme une œuvre d’art » qu’on ne peut « admirer sans s’en croire l’auteur de quelque façon73 ». Il dépend de nous de trouver une science, des formes de technique et de travail qui permettraient au monde d’être à l’homme ce qu’il est à Dieu. Il ne s’agit pas de prendre la place de Dieu ; il faut perdre notre perspective, qu’elle soit personnelle ou collective, en tant qu’elle vise à développer la puissance extensive du moi égoïste dans le prestige social ou à affirmer sans limite notre puissance sur ce monde. Les activités humaines les plus propres à notre civilisation – technique, travail et science – pourraient constituer, comme l’art, une « préparation à la délivrance » définie comme capacité de « lire la limite et la relation dans toutes les apparences sensibles, sans exception, aussi clairement et immédiatement qu’un sens dans un texte imprimé74 ». L’ordre du monde manifesterait alors comme une « métaphore réelle » son auteur, Dieu, le « suprême poète75 ».

Lire le vrai texte

Il faut « achever la création76 » pour pouvoir « lire la nécessité derrière la sensation, lire l’ordre derrière la nécessité, lire Dieu derrière l’ordre77 ». On ne peut pas manquer une étape, tant la distinction des niveaux est essentielle à la perception des chemins par lesquels l’âme peut s’orienter vers l’attention la plus haute. On comprend que Simone Weil confie :

L’objet de ma recherche n’est pas le surnaturel mais ce monde. Le surnaturel est la lumière78.

En effet, il ne faut pas oublier que le « bien descend du ciel sur la terre seulement dans la proportion où certaines conditions sont en fait réalisées sur terre79 ». Il ne faut écarter aucun niveau de lecture et il convient de ne pas absorber les différents niveaux dans celui du surnaturel. Ainsi, s’agissant du social, faut-il « restreindre au minimum la part du surnaturel indispensable pour rendre la vie sociale respirable. Tout ce qui tend à l’accroître est mauvais80 ».

Chaque domaine doit être à sa place, afin que chaque signification soit éclairée par d’autres sans la contredire, selon un principe d’ordre qui définit précisément le surnaturel en le distinguant d’un objet.

Le franchissement de seuils jusqu’au plus haut niveau de la réalité dépend d’une bonne pratique de l’art des « lectures superposées ». Nous savons passer du monde sensible aux mathématiques, par exemple. Comment – c’est l’ultime problème – « lire Dieu derrière l’ordre » ? « À travers » quoi pourrions-nous « lire » le surnaturel ? Ne sommes-nous pas aux choses intelligibles « comme un paralysé complet serait aux sensations », c’est-à-dire « hors d’état de lire81 » ? Pourtant, il faut bien orienter l’attention vers la mystérieuse « complicité » du bien et de la nécessité, dont l’unité est hors de ce monde, mais dont nous devrions pouvoir saisir des signes en lui. Ce qui conduit à mettre rapidement l’accent, pour finir, sur une notion discrète, mais essentielle à l’achèvement de l’itinéraire de Simone Weil, celle de convenance.

Comprendre qu’il y a de la convenance, c’est avancer vers une forme de « connaissance surnaturelle » – expression rare chez Simone Weil. Découvrir une convenance revient en effet à « trouver un bien qui est notre bien et dont pourtant nous ne sommes pas capables82 ». Ce bien, nous le trouvons « enfermé » dans la nécessité. Il en est ainsi de la « présence dans le monde sensible de la nécessité mathématique proportionnée aux limites de notre esprit83 » ; une harmonie qui, tout en étant un mystère, rend le monde intelligible par la science. Au niveau supérieur, il y a présence de la convenance dans la nécessité mathématique elle-même, ce qui est « harmonie et mystère au second degré84 ». Pas plus que la précédente, une telle convenance ne pourrait être mise par nous ; elle peut en revanche être trouvée par l’intelligence lorsqu’elle fait l’expérience que, dans son exercice, quelque chose de réel lui échappe, ce qui la dispose éventuellement à consentir à son dépassement par une forme de pensée non discursive. On reste bien, en changeant de niveau, dans le schéma de la lecture : ne pas lire « n’importe quoi à notre gré », mais ne pas lire non plus « quelque chose qui ne dépendrait en aucune manière de nous85 ». Simone Weil accorde la plus grande importance au passage par la mathématique86 comme étape de purification dans la lecture, car la convenance en mathématique est « sans aucune satisfaction sensible », elle est « plaisir sans attrait87 ». Le sentiment de convenance est analogue au jugement esthétique, mais ce dernier a rapport à l’expérience sensible de la beauté, alors que le jugement de convenance n’a aucune part à la sensibilité. En effet,

je peux imaginer un pommier en fleurs mis dans cette plaine par Dieu comme un bouquet de violettes que mon père aurait mis sur ma table. Au lieu que je ne puis pas me représenter ainsi une relation entre e et π88.

La relation, dans ce cas, est beaucoup plus inconcevable que dans le cas de la beauté qui est pensable grâce à une analogie avec l’action humaine finalisée. Ce passage des Cahiers l’exprime admirablement :

Le monde est beau à la manière d’une œuvre d’art. La mathématique est belle à la manière de rien d’humain89.

Ce qui convient universellement, sans concept et sans attrait sensible, la mathématique supérieure nous en fait entrevoir le mystère, celui de la « persuasion exercée par le bien sur la nécessité90 » ; elle nous conduit au seuil d’une « connaissance surnaturelle ».

Alain disait que dans les Idées et les Âges, « livre de l’imagination disciplinée », il avait essayé de se « maintenir sur le bord, d’où l’on devine l’entendement pur, et d’où l’on devine aussi qu’on va le perdre si on le saisit91 ». Nous pourrions avancer que, dans ses derniers Cahiers qui livrent d’audacieuses thèses sur l’imagination et l’entendement disciplinés, Simone Weil a tenté de se maintenir sur le bord, d’où l’on devine la connaissance surnaturelle ; connaissance qui peut paraître seulement dans une poursuite à travers ce qui n’est pas elle, puisque l’objet de la recherche est « ce monde ». Les références au surnaturel, qui pourraient gêner certains lecteurs, ne doivent donc pas faire perdre le bénéfice de la question la plus précieuse posée par Simone Weil : comment imprégner d’idées le monde – rencontré comme un tissu de forces – selon les lois de la nécessité spécifique qui font agir la pensée ici-bas ? Il ne faut pas oublier que le « respect inspiré par le lien de l’homme avec la réalité étrangère à ce monde » – réalité également définissable en termes philosophiques de bien, de vrai et de beau – se témoigne « à la partie de l’homme située dans la réalité de ce monde92 ». Nous avons besoin pour ce faire d’un « jaillissement d’inventions », appuyé sur une méthode de lecture créatrice applicable à la vie sociale, à l’organisation du travail, à la technique et à la science ; sans oublier – c’est l’objet de l’Enracinement – une lecture appliquée à l’organisation politique, afin de donner un fondement solide aux indispensables mais fragiles notions qui nous régissent, celles du droit et de la démocratie :

Nous ne trouverons pas la liberté, l’égalité, la fraternité sans un renouvellement des formes de la vie, une création en matière sociale93.

Il n’est jamais trop tard pour apprendre à lire, encore faut-il avoir de bons maîtres. Simone Weil en est un.

  • *.

    Président de l’Association pour l’étude de la pensée de Simone Weil. Auteur de Simone Weil. L’attention au réel, Paris, Michalon, coll. « Le bien commun », 2009.

  • 1.

    Simone Weil, « Quelques réflexions autour de la notion de valeur », dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 1 : Écrits de Marseille (1940-1942). Philosophie, science, religion, questions politiques et sociales, Paris, Gallimard, 2008, p. 58.

  • 2.

    Ibid.

  • 3.

    Id., l’Enracinement, Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 1990, p. 92. Voir Bertrand Saint-Sernin, « L’art de transposer les vérités », Cahiers Simone Weil, juin 2009, p. 161-171.

  • 4.

    Dans ses pensées, non dans sa personne, si admirable fût-elle. Le sens qui convient à « Simone Weil l’admirable » a été défini par Stanislas Breton dans l’article publié sous ce titre par Esprit, mai 1995, p. 31-46.

  • 5.

    S. Weil, « Lettres à Jean Posternak » (1937), dans Florence de Lussy (sous la dir. de), Œuvres, Paris, Gallimard, coll. « Quarto », 1999, p. 655.

  • 6.

    Sur le rapport entre la crise des sciences contemporaines comme crise de la raison et la question des incommensurables, voir la correspondance de S. Weil avec son frère, dans Sur la science, Paris, Gallimard, coll. « Espoir », 1966, p. 223-238 et 244 sqq.

  • 7.

    Tout interprète de la notion de lecture chez S. Weil doit reconnaître sa dette envers Rolf Kühn. Voir son article « Le monde comme texte. Perspectives herméneutiques chez S. Weil », Revue des sciences philosophiques et théologiques, octobre 1980, p. 509-530. L’auteur a développé son analyse dans Deuten als Entwerden (Freiburg, Herder, 1989), adaptation de sa thèse, Lecture décréative. Une synthèse de l’œuvre de S. Weil (Paris, Sorbonne, 1985). Mettre l’accent sur un autre versant d’interprétation ne contredit en rien l’analyse de R. Kühn.

  • 8.

    S. Weil, Œuvres complètes, t. VI, vol. 4 : Cahiers (juillet 1942-juillet 1943). La connaissance surnaturelle. Cahiers de New York et de Londres, Paris, Gallimard, 2006, p. 392 (souligné par S. Weil).

  • 9.

    Cet essai, rédigé par S. Weil en 1941, paraîtra dans les Études philosophiques (janvier-mars 1946), p. 13-19 (Œuvres complètes, t. IV, vol. 1, op. cit., p. 73-79). Trois feuillets intitulés « Lecture », glissés dans un des Cahiers, constituent un brouillon de l’article.

  • 10.

    S. Weil, « Lecture », dans Œuvres complètes, t. VI, vol. 1 : Cahiers (1933-septembre 1941), Paris, Gallimard, 1994, p. 411.

  • 11.

    Voir les notes de S. Weil sur le schématisme, dans Œuvres complètes, t. I : Premiers écrits philosophiques, Paris, Gallimard, 1988, p. 147-158.

  • 12.

    S. Weil, Œuvres complètes, t. I, op. cit., p. 379.

  • 13.

    Id., « La vérité ne se trouve pas par preuve, mais par exploration. Elle est toujours expérimentale. […] La nécessité est connue par exploration, par expérience » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 4, op. cit., p. 177 et 187).

  • 14.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 2 : Cahiers (septembre 1941-février 1942), Paris, Gallimard, 1997, p. 311.

  • 15.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 1, op. cit., p. 329.

  • 16.

    Id., « Essai sur la notion de lecture », dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 1, op. cit., p. 78.

  • 17.

    Id., « Lecture », art. cité, p. 410.

  • 18.

    Id., « Essai sur la notion de lecture », art. cité.

  • 19.

    Voir S. Weil, Œuvres complètes, t. VI, vol. 1, op. cit., p. 292.

  • 20.

    Titre d’un projet d’article (1936) au sujet de la situation en Espagne, dans Œuvres complètes, t. II, vol. 2 : Écrits historiques et politiques. L’expérience ouvrière et l’adieu à la révolution (juillet 1934-juin 1937), Paris, Gallimard, 1991, p. 388-389.

  • 21.

    S. Weil, Réflexions sur les causes de la liberté et de l’oppression sociale (1934), dans Œuvres complètes, t. II, vol. 2, op. cit., p. 29.

  • 22.

    Réponse à une lettre d’Alain, dans S. Weil, Sur la science, op. cit., p. 111. Voir une lettre de 1936 à Robert Guihéneuf, dans Cahiers Simone Weil, mars-juin 1998, p. 8-20.

  • 23.

    Réponse à une lettre d’Alain, dans Cahiers Simone Weil, op. cit.

  • 24.

    S. Weil, Œuvres complètes, t. VI, vol. 1, op. cit., p. 94.

  • 25.

    S. Weil, Œuvres complètes, t. VI, vol. 1,  op. cit., p. 100.

  • 26.

    Id., Réflexions sur les causes de la liberté…, dans Œuvres complètes, t. II, vol. 2, op. cit., p. 95.

  • 27.

    Variante des Réflexions sur les causes de la liberté…, ibid., p. 541.

  • 28.

    S. Weil, Leçons de philosophie, Paris, Plon, 1989, p. 199. Voir Robert Chenavier, Simone Weil. Une philosophie du travail, Paris, Cerf, 2001, p. 381-436.

  • 29.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 1, p. 173.

  • 30.

    Id., « À propos de la mécanique ondulatoire », dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 1, op. cit., p. 489-490.

  • 31.

    S. Weil, « À propos de la mécanique ondulatoire », art. cité, p. 489.

  • 32.

    Id., « Luttons-nous pour la justice ? », dans Écrits de Londres et dernières lettres, Paris, Gallimard, 1957, p. 53.

  • 33.

    Id., « Essai sur la notion de lecture », art. cité, p. 78.

  • 34.

    Ibid.

  • 35.

    Id., « Cours du Puy » (1931-1932), dans Œuvres complètes, t. I, op. cit., p. 376.

  • 36.

    S. Weil, « Y a-t-il une doctrine marxiste ? » (1943), dans Oppression et liberté, Paris, Gallimard, 1955, p. 234.

  • 37.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 266.

  • 38.

    S. Weil, « Y a-t-il une doctrine marxiste ? », art. cité, p. 228.

  • 39.

    Id., « Dans tel ensemble de circonstances on lit une obligation ; et on y va. On va d’autant plus vite et plus droit que l’on a lu plus clairement » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 353). Dans la tempête, par exemple, où le passager du bateau « lit du chaos, du danger sans limite, de la peur, le capitaine lit des nécessités, des dangers limités, des ressources pour y échapper, une obligation de courage et d’honneur » (« Essai sur la notion de lecture », art. cité, p. 78).

  • 40.

    On peut, de façon purement philosophique, sans changer le sens de la réflexion, dire « Dieu » ou le « Bien ». Voir S. Weil, « Israël et les “Gentils” », dans Pensées sans ordre concernant l’amour de Dieu, Paris, Gallimard, 1962, p. 47 ; « Dieu dans Platon », dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 2 : Écrits de Marseille (1941-1942). Grèce, Inde, Occitanie, Paris, Gallimard, 2009, p. 91-92.

  • 41.

    Voir S. Weil, « Essai sur la notion de lecture », art. cité, p. 79.

  • 42.

    Ibid., p. 78.

  • 43.

    Id., « La science et nous », dans Sur la science, op. cit., p. 148.

  • 44.

    Voir id., « Sur les contradictions du marxisme » (1937), dans Œuvres complètes, t. II, vol. 2, op. cit., p. 134-136 et « Y a-t-il une doctrine marxiste ? », art. cité, p. 224 sq.

  • 45.

    Fragments de Londres, Oppression et liberté, op. cit., p. 218. S. Weil tente d’appliquer ce principe dans son « Projet d’une formation d’infirmières de première ligne » (Œuvres complètes, t. IV, vol. 1, op. cit., p. 401-411).

  • 46.

    L’idée de « persuasion » de la nécessité par le bien est empruntée à Platon, Timée, 56 c.

  • 47.

    S. Weil, « Y a-t-il une doctrine marxiste ? », art. cité, p. 249.

  • 48.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 90.

  • 49.

    Id., « Lecture », art. cité, p. 410.

  • 50.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 90.

  • 51.

    Ibid.

  • 52.

    Id., « Lecture », art. cité, p. 410.

  • 53.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 1, op. cit., p. 318. « Un centre d’où l’on voit les différentes lectures possibles – et leurs rapports – et la sienne propre seulement comme l’une d’elles » (ibid., p. 324).

  • 54.

    S. Weil, Œuvres complètes, t. VI, vol. 3 : Cahiers (février 1942-juin 1942). La porte du transcendant, Paris, Gallimard, 2002, p. 51.

  • 55.

    Id., l’Enracinement, op. cit., p. 371.

  • 56.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 207.

  • 57.

    Ibid., p. 206. Voir la lettre de S. Weil à Bernanos, au sujet de la guerre d’Espagne, dans Œuvres, op. cit., p. 405-409.

  • 58.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 1, op. cit., p. 295.

  • 59.

    Id., « Essai sur la notion de lecture », art. cité, p. 78.

  • 60.

    Id., « L’Iliade ou le poème de la force », dans Œuvres complètes, t. II, vol. 3 : Écrits historiques et politiques. Vers la guerre (1937-1940), Paris, Gallimard, 1989, p. 228-229.

  • 61.

    S. Weil, « Expérience de la vie d’usine », dans la Condition ouvrière (nouvelle éd.), Paris, Gallimard, coll. « Folio essais », 2002, p. 335.

  • 62.

    Id., « Condition première d’un travail non servile », dans la Condition ouvrière, op. cit., p. 425.

  • 63.

    Id., Œuvres complètes, t. I, op. cit., p. 217.

  • 64.

    Id., « Condition première d’un travail non servile », art. cité, p. 424.

  • 65.

    Ibid., p. 432.

  • 66.

    Ibid.

  • 67.

    S. Weil, Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 206.

  • 68.

    Id., « Condition première d’un travail non servile », art. cité, p. 433.

  • 69.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 251. La « joie pure », d’où toute association avec le moi est écartée, est sentiment du réel (voir « Descente de Dieu », dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 2, op. cit., p. 288 et 491).

  • 70.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 1, op. cit., p. 172.

  • 71.

    Id., « Dieu dans Platon », dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 2, op. cit., p. 101.

  • 72.

    Id., « Lettre de S. Weil à André Weil » (1940), Sur la science, op. cit., p. 249.

  • 73.

    Ibid.

  • 74.

    S. Weil, « Du fondement d’une science nouvelle », dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 1, op. cit., p. 182.

  • 75.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 4, op. cit., respectivement p. 114 et p. 101 pour ces deux notions. « Si, au lieu de dire “Si le grain ne meurt, etc.”, un paysan qui répand le grain dans le sillon pensait dans le geste qu’il fait et le spectacle du grain enfoui, sans même avoir besoin des mots de la comparaison, la mort et la résurrection de l’âme […] (Lecture), alors cette vérité s’enfoncerait dans son âme » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 3, op. cit., p. 236).

  • 76.

    Une spiritualité authentique conduirait, certes, à la « décréation » consentie du moi, mais il nous appartient de créer préalablement en ce monde les conditions d’une telle spiritualité.

  • 77.

    S. Weil, Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 373.

  • 78.

    Ibid., p. 245.

  • 79.

    Id., l’Enracinement, op. cit., p. 332.

  • 80.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 418. La religion qui prétend être autre chose qu’un « regard » est inévitablement « enfermée à l’intérieur des églises, ou […] elle étouffe tout en tout autre lieu où elle se trouve » (« Formes de l’amour implicite de Dieu », dans Œuvres complètes, t. IV, vol. 1, op. cit., p. 326).

  • 81.

    S. Weil, Œuvres complètes, t. VI, vol. 2, op. cit., p. 444.

  • 82.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 3, op. cit., p. 214.

  • 83.

    Ibid.

  • 84.

    Ibid. Pour un exemple de « démonstration très claire » qui reste un mystère, voir p. 212 et l’explication donnée par la note 215, p. 496.

  • 85.

    S. Weil, Œuvres complètes, t. VI, vol. 1, op. cit., p. 295. Cet aspect caractéristique de la lecture est parfaitement analysé par Christina Vogel, « La lecture comme réception et production du sens. Les enjeux de la pensée weilienne », dans Cahiers Simone Weil, juin 2010, p. 201-213.

  • 86.

    Id., « La mathématique est une certaine espèce d’expérience » (Œuvres complètes, t. VI, vol. 4, op. cit., p. 187).

  • 87.

    Id., Œuvres complètes, t. VI, vol. 3, op. cit., p. 214. Sans passer par la mathématique on risque de produire une fausse convenance qui convienne à notre désir au lieu de trouver une convenance effective qui a rapport au bien.

  • 88.

    Ibid., p. 227.

  • 89.

    Ibid., p. 228.

  • 90.

    Ibid., p. 213.

  • 91.

    Alain, les Passions et la Sagesse, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1960, p. XXIII.

  • 92.

    S. Weil, « Étude pour une déclaration des obligations envers l’être humain », dans Écrits de Londres…, op. cit. p. 77.

  • 93.

    Id., « Luttons-nous pour la justice ? », art. cité, p. 55.

Robert Chenavier

Agrégé de philosophie et docteur en philosophie. Il est président de l'Association pour l'étude de la pensée de Simone Weil, et est responsable scientifique de l'édition des Œuvres complètes de Simone Weil, publiées par Gallimard.

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