
Les dimensions de la confiance
La démocratie repose sur la confiance. En particulier, en contexte de crise sanitaire, sur la confiance des élites politiques dans la volonté et la capacité des citoyens de suivre les règles de la vie sociale. Le confinement trahit ainsi un manque de confiance démocratique.
La pandémie de Covid-19 a lancé un défi inédit aux démocraties du monde entier. Elle a entraîné la fermeture et la transformation des parlements et a donné aux exécutifs une primauté presque sans précédent sur les institutions représentatives. Elle a fortement limité certains droits démocratiques fondamentaux, notamment ceux de rassemblement et de protestation. Mais elle a aussi déclenché un débat politique intense, et a stimulé une myriade d’innovations numériques dans la pratique démocratique. Elle aura aussi, du moins pour un temps, ressuscité le spectre de l’autoritarisme, vu comme solution à une impuissance démocratique supposée.
C’est pendant les moments de crise que les régimes démocratiques sont le plus en danger. Devant la complexité, ce risque ne fait qu’augmenter, car le besoin de croire en la possibilité d’une réponse à la fois forte et simple rend la tentation de solutions autoritaires plus attractive, du moins pour une partie croissante de la population1. La crise sanitaire induite par la première vague épidémique de Covid-19 montre, toutefois, que les régimes autoritaires n’ont pas nécessairement cet avantage que les critiques de la démocratie leur attribuent, à condition toutefois que les régimes démocratiques soient en mesure de mobiliser les ressources sociales qui leur sont propres.
Ces ressources sont au moins de deux ordres. Tout d’abord, la capacité propre aux régimes démocratiques de mettre en place des formes spontanées et diffuses de coopération sociale, fondées sur la confiance plutôt que sur la coercition. Ensuite, la capacité propre aux régimes démocratiques d’apprendre de leurs erreurs de manière à ajuster leur réponse aux changements externes. Dans cet article, je me concentrerai sur le premier aspect, mettant en lumière différentes dimensions de la confiance, leur rapport à la démocratie et leur place dans la gestion des crises sanitaires2.
Confiance sociale et confiance politique
Il existe une corrélation étroite entre confiance sociale généralisée et démocratie florissante. La confiance sociale renvoie à une attitude bienveillante vis-à-vis d’un autre anonyme. Comme l’explique Louis Quéré, il y a confiance « là où il y a un engagement personnel en faveur de quelqu’un à qui l’on s’en remet du soin de quelque chose à quoi l’on tient, en lui concédant un pouvoir quasi discrétionnaire, sans craindre qu’il n’exploite la vulnérabilité ainsi créée en sa faveur3 ». Les résultats de grandes enquêtes internationales montrent que les peuples des pays du sud de l’Europe (Italiens, Espagnols, Français notamment) expriment un niveau de confiance sociale nettement plus bas que ceux de l’Europe centrale et du Nord4. Ces données sont stables sur plusieurs décennies, ce qui reflète des traits socioculturels profonds. Les citoyens des pays du sud de l’Europe ont tendance à faire confiance à leurs proches, mais à se méfier de ceux qui sont en dehors de leur cercle. La confiance sociale permet de réduire la complexité des relations, car elle rend la coopération plus fluide, réduit les coûts des transactions, renforce le soutien à l’État de droit et la confiance dans les institutions5. En se faisant confiance les uns les autres, les acteurs sociaux créent la base d’une confiance généralisée et réciproque, qui fait prospérer la vie sociale.
La confiance politique fait référence à la responsabilité que les citoyens confient aux agents publics et qui leur impose l’obligation de placer les intérêts sociaux au-dessus de leurs intérêts propres. Un membre du Parlement tout autant qu’un membre de l’exécutif exerce son rôle politique en raison d’un mandat reçu du peuple, vis-à-vis duquel il contracte des obligations de représentation. Son action est légitime dans la mesure où ce rapport fiduciaire n’est pas violé. Elle devient illégitime lorsque le mandat est violé et que l’action publique cesse de répondre aux attentes de la population. La confiance politique mesure la perception que les citoyens ont du degré de fiabilité des hommes politiques, raison pour laquelle son déclin est considéré comme une menace pour la stabilité démocratique. La méfiance des citoyens à l’égard des élites ne peut jouer son rôle de contre-pouvoir démocratique que lorsqu’elle s’inscrit dans une attitude de confiance politique dans les institutions démocratiques6.
Même si les confiances sociale et politique ne constituent pas une condition nécessaire à l’existence de la démocratie, elles sont toutefois nécessaires à son bon fonctionnement. D’une part, la confiance sociale joue un rôle dans la mobilisation des ressources individuelles, dans la poursuite des objectifs collectifs et dans la promotion de la solidarité et de la coopération. D’autre part, les régimes démocratiques reposent sur la réactivité des élites politiques aux préférences collectives et la fiabilité est une condition morale et politique du bon gouvernement.
Il existe cependant une troisième dimension de la confiance qui a été largement ignorée : la confiance des élites dans la population. C’est une dimension cruciale de la confiance car, dans un pays démocratique, les pouvoirs de coercition avec lesquels les élites peuvent assurer la coordination de la vie sociale nécessaire pour faire face à une crise sont très limités, en raison des protections constitutionnelles de la liberté individuelle. Les implications démocratiques de la confiance des élites dans les citoyens sont importantes, car la préfiguration des politiques publiques repose sur l’anticipation de la manière dont les citoyens réagiront aux indications reçues, et sur la représentation que les élites politiques se font de la compétence sociale et de la responsabilité individuelle des gouvernés. La confiance est en réalité directement liée à la fiabilité, car faire confiance signifie estimer qu’une personne se conduira de la manière attendue. À son tour, la fiabilité se compose de deux éléments : la disponibilité à satisfaire les attentes sociales et la capacité de le faire. Si un acteur social estime qu’un autre n’est pas fiable, il est dès lors légitimé à ne pas se fier. Cela vaut pour les interactions horizontales entre citoyens, mais également pour les interactions verticales entre élites et citoyens.
Les élites politiques fondent leur action publique sur des jugements concernant la fiabilité des citoyens.
Pour être considéré comme fiable, un acteur social doit donc non seulement être disposé à adopter le comportement prescrit ou attendu, mais il doit aussi en être capable. Ce second élément est aussi important que le premier. Si la confiance et la fiabilité sont liées l’une à l’autre, c’est par un jugement social qu’un acteur détermine si un autre peut être considéré fiable. Ce jugement est généralement filtré par des stéréotypes et des cadres de valeurs complexes, et peut donc se révéler erroné. Dans le cas qui nous concerne ici, les élites politiques fondent leur action publique sur des jugements concernant la fiabilité des citoyens en tant qu’acteurs sociaux responsables. Ces évaluations tracent les contours d’une anthropologie politique implicite, qui varie entre un pôle autoritaire et un pôle démocratique, si bien que, dans ce jugement, il y va de la qualité démocratique d’un régime politique.
La confiance en temps de crise
Même en se limitant au contexte très homogène de l’Union européenne, où la diffusion de la Covid-19 a suivi des trajectoires assez similaires, les politiques de confinement mises en place par les gouvernements ont été extrêmement diverses. L’Espagne, l’Italie et la France ont adopté des mesures de confinement particulièrement sévères. Seules la France et l’Italie ont imposé l’obligation d’une auto-attestation pour quitter son domicile, et seules l’Espagne et l’Italie ont imposé un confinement presque total, interdisant même des activités ne comportant aucun risque sanitaire, comme les activités sportives individuelles ou les sorties avec les petits enfants. Si l’on se demande ce que ces trois pays ont en commun, on constate qu’il ne s’agit pas d’aspects directement liés à l’évolution de la crise sanitaire : le Royaume-Uni et la Belgique, par exemple, malgré des profils de diffusion du virus et de mortalité légèrement plus élevés, ont imposé des mesures de confinement moins restrictives. Ce qui distingue l’Espagne, l’Italie et la France des autres démocraties occidentales avancées est plutôt le fait d’avoir les niveaux de confiance sociale les plus bas du continent.
Au-delà de sa signification sociale et morale, la confiance sociale a des implications politiques importantes. D’une part, dans un groupe social caractérisé par un faible niveau de confiance, les coûts de la coopération sont beaucoup plus élevés : les individus ont plus souvent tendance à ne pas respecter les règles, la volonté de contribuer au bien commun est moindre, les comportements opportunistes sont plus répandus et les coûts de surveillance et de lutte contre les infractions sont plus élevés. Ces caractéristiques peuvent influencer la gestion d’une crise, en particulier d’une crise sanitaire où le danger pour la collectivité dépend à un haut degré de conduites individuelles dans des espaces privés. D’autre part, une faible confiance sociale tend à se traduire par une confiance politique tout aussi faible : instabilité des régimes, méfiance vis-à-vis des élites, tendance à contourner les règles qui imposent un coût individuel en vue d’un bien collectif. Ces caractéristiques peuvent affecter la gestion d’une crise, car elles affaiblissent la capacité de coordination des pouvoirs publics, et rendent la réponse d’une société plus confuse, fragmentée et inefficace.
Mais c’est peut-être la confiance des élites dans les citoyens (ou son manque) qui joue le rôle le plus important dans la gestion d’une crise sanitaire. Ce qui caractérise une crise de ce type, c’est en effet la nécessité que les individus changent subitement et radicalement leurs habitudes, de manière à éviter tout comportement susceptible de mettre en danger la santé des autres. Nous l’avons vu dans l’insistance avec laquelle les gouvernements appellent à respecter les « gestes barrières ».
La question de la fiabilité des citoyens à agir en tant qu’acteurs sociaux compétents et responsables occupe donc le devant de la scène. Elle recouvre, d’une part, la dimension morale et politique du respect des lois : les citoyens sont-ils prêts à respecter les normes de confinement que les gouvernements leur imposent ? Malgré le fait que le respect des normes ait été très élevé pendant la première vague épidémique, les mouvements récents de protestation anti-masque montrent que cette volonté d’obéissance ne va pas forcément de soi. La question de la fiabilité des citoyens recouvre, d’autre part, celle de leur capacité à suivre les règles qu’on leur indique : les citoyens sont-ils capables d’adopter les mesures de distanciation sociale dans leur vie privée ? Renoncent-ils à des habitudes enracinées dans les mœurs, comme se serrer la main ou s’embrasser ? Comprennent-ils la gravité de la situation ? Sont-ils capables de mesurer le risque d’une situation ? Une réponse positive à ces questions présuppose, chez les acteurs sociaux, des capacités de réflexion et de jugement ainsi que de contrôle de soi qu’on ne peut pas accorder a priori. La question de leur distribution réelle dans la société interpelle la responsabilité politique des gouvernants, puisque le succès ou la faillite d’une politique publique de lutte contre l’épidémie en dépend. D’où la question politique cruciale : peut-on faire confiance aux citoyens, ou vaut-il mieux les confiner chez eux et leur interdire toute forme de contact social pour ne pas prendre le risque qu’ils se conduisent de manière à propager l’épidémie ?
Peut-on faire confiance aux citoyens, ou vaut-il mieux les confiner chez eux ?
Si la démocratie désigne un régime politique caractérisé par l’autogouvernement collectif, elle est inséparable de la reconnaissance d’une condition d’autonomie individuelle, dont le corollaire est la confiance dans le fait que les citoyens sont non seulement disposés mais aussi capables de suivre les règles qui régissent la vie sociale, même en l’absence de contrôle public, comme c’est le cas pour toute activité ayant lieu dans des espaces privés. La confiance des élites dans les citoyens est donc une conséquence directe de ce principe constitutif de la forme démocratique de société que Kant a défini par le concept de sortie de l’état de minorité : en démocratie, il n’est pas acceptable que les citoyens soient traités comme des enfants immatures et incapables d’agir de manière responsable7. Au contraire, la démocratie est le régime politique qui se fixe comme horizon et devoir l’émancipation de tous. Le confinement strict trahit donc un manque de confiance démocratique.
Autoritarisme, démocratie, confiance
Pour bien saisir les implications politiques de la confiance des élites dans les citoyens, nous devons ainsi dépasser la dichotomie traditionnelle entre pays autoritaires et pays démocratiques, en introduisant une distinction plus nuancée entre pays autoritaires, pays démocratiques à faible confiance et pays démocratiques à forte confiance. Une telle distinction permet de comprendre que les politiques de confinement mises en place en Italie, en France et en Espagne trahissent un déficit démocratique, dont les causes tiennent à un déficit de la confiance des élites dans les citoyens, sans doute lui-même lié à un faible niveau de confiance sociale générale.
Dans un État autoritaire, le manque de confiance des élites ne constitue pas un véritable problème politique, parce que les individus ne jouissent pas du plein statut de citoyen mais sont plutôt des sujets. Maintenus dans un état de minorité, ils ne respectent pas les lois parce qu’elles seraient le produit d’une volonté démocratique qu’ils ont contribué à former, mais par crainte des représailles. Ainsi, les États autoritaires peuvent gérer les crises sanitaires de manière ordonnée et sans avoir à compter sur la capacité des citoyens à coopérer, comme nous l’avons vu en Chine, aux Philippines, en Turquie, où le confinement a été imposé sous des formes extrêmement drastiques, et dont la violation entraînait des punitions très sévères.
Dans les États démocratiques à haute confiance, les citoyens ont confiance dans la capacité des élites à diriger le pays et les élites ont confiance dans la capacité des citoyens à se conduire sans mettre en danger la santé collective. Les citoyens sont censés comprendre les normes qui régissent la vie sociale, et la coordination de la vie sociale est obtenue par l’affirmation répétée de principes généraux de comportement, tels que limiter les contacts sociaux, protéger les personnes les plus fragiles et éviter les déplacements non nécessaires. De tels principes ne dictent pas aux individus ce qu’ils doivent faire, quand, où ni comment. Ils fixent des objectifs à atteindre et laissent les décisions relatives à leur application à la discrétion des citoyens. Plusieurs gouvernements d’Europe du Nord ont en effet mis en place des politiques publiques fondées sur ces principes. Dans leurs discours à la nation, Angela Merkel et Stefan Löfven ont clairement indiqué que la seule ressource dont dispose un peuple démocratique pour faire face à une menace épidémique est l’exercice raisonnable de l’autonomie individuelle.
Les démocraties à faible confiance sont caractérisées par des politiques publiques mixtes. Contrairement aux régimes autoritaires et comme dans les démocraties à haute confiance, la méfiance des citoyens vis-à-vis des élites peut être forte et même explicite. En revanche, contrairement aux démocraties à haute confiance et comme dans les régimes autoritaires, les démocraties à faible confiance se caractérisent par un faible niveau de confiance des élites dans les citoyens. Ces derniers ne sont pas considérés comme suffisamment mûrs pour pouvoir jouir d’une autonomie discrétionnaire sur la manière de se conduire. Par conséquent, les normes de coordination sociale prennent la forme de règles minutieuses à appliquer de manière stricte et sans marge d’autonomie, plutôt que de principes à interpréter et à adapter selon les circonstances. L’obéissance prend ainsi la place de l’autonomie responsable. Dans ce contexte, les interdictions ont tendance à être plus fermes, les contrôles plus étendus et les sanctions plus lourdes, car leur fonction principale n’est pas d’orienter l’action individuelle, mais de la dissuader.
Dans une démocratie à haute confiance, les élites gouvernent avec les citoyens : elles les considèrent comme leurs partenaires dans la gestion des crises, et les politiques publiques sont bâties sur ce principe d’autonomie et de responsabilité individuelles. Au contraire, dans une démocratie à faible confiance, les élites gouvernent en dépit des citoyens. Ainsi, au pic de la crise, le maire de Milan, Giuseppe Sala, a enjoint aux Milanais de cesser de jouer aux gendarmes et aux voleurs, seule manière, selon lui, de comprendre le rapport entre gouvernants et gouvernés pendant la crise.
La crise épidémique actuelle a montré que la confiance sociale et politique est une ressource précieuse dont une démocratie dispose pour faire face à une crise dramatique et violente. Les sociétés peu confiantes, comme l’Espagne, l’Italie et la France, ont payé un prix plus élevé que les sociétés à plus haute confiance, comme l’Allemagne. Dans les sociétés à faible confiance, l’isolement a duré plus longtemps et a été plus lourd, les dommages psychologiques et sociaux ont été plus importants, les troubles sociaux plus intenses et les conséquences économiques plus graves. La confiance des élites dans les citoyens constitue donc une obligation démocratique à prendre au sérieux, car la méfiance non justifiée viole le principe d’autonomie sur lequel se fonde le gouvernement démocratique, affaiblissant ainsi la qualité démocratique d’une société. Et, comme le montre l’histoire récente, elle a aussi d’importantes conséquences qui pourraient et devraient être évitées. Le fait que les citoyens puissent parfois être considérés comme peu fiables ne peut justifier leur infantilisation, car la confiance et la fiabilité sont le résultat de processus sociaux qui concourent à les renforcer ou à les affaiblir, et non des faits naturels immuables. Par conséquent, les élites ont l’obligation de faire tout leur possible pour améliorer la compétence sociale des citoyens.
- 1.Voir David Runciman, The Confidence Trap: A History of Democracy in Crisis from World War I to the Present, Princeton, Princeton University Press, 2013.
- 2.Le second aspect a été bien développé par la tradition pragmatiste, pour laquelle la démocratie est « créatrice ». Voir John Dewey, Le Public et ses problèmes [1927], trad. par Joëlle Zask, Paris, Gallimard, 2008 et, pour une analyse, Roberto Frega, Le Projet démocratique. Une approche pragmatiste, Paris, Éditions de la Sorbonne, 2020.
- 3.Louis Quéré, « Les “dispositifs de confiance” dans l’espace public », Réseaux, no 132, 2005/4, p. 185-217. Voir aussi Éloi Laurent, L’Économie de la confiance, Paris, La Découverte, 2019.
- 4.Voir Florian Pichler et Claire Wallace, “Patterns of formal and informal social capital in Europe”, European Sociological Review, vol. 23, no 4, 2007, p. 423-435.
- 5.Voir Ronald Inglehart, Culture Shift in Advanced Industrial Society, Princeton, Princeton University Press, 1990 ; Robert D. Putnam, Making Democracy Work: Civic Traditions in Modern Italy, Princeton, Princeton University Press, 1993 ; Piotr Sztompka, Trust: A Sociological Theory, Cambridge, Cambridge University Press, 1999 ; et Eric M. Uslaner, The Moral Foundations of Trust, Cambridge, Cambridge University Press, 2002.
- 6.Voir Pierre Rosanvallon, La Contre-Démocratie. La politique à l’âge de la défiance, Paris, Seuil, 2006.
- 7.Voir Emmanuel Kant, Qu’est-ce que les Lumières ? [1784], trad. par Jean-François Poirier et Françoise Proust, Paris, Flammarion, 1993.