
Au pouvoir, citoyennes !
Brève histoire des révolutions manquées
La « marche des femmes » de 1789 acte l’existence d’un peuple-femme, mais inaugure également une longue série de révolutions qui s’arrêtent aux frontières du genre, et excluent les femmes du cœur de l’action politique. La nouvelle vague de féminisme, dont le mouvement #Metoo constitue le figure de proue, saura-t-elle infléchir cette tendance ?
Le 5 octobre 1789, dans un Paris populaire où les victuailles manquent et où les prix s’envolent, dans un Paris révolutionnaire suspendu à la signature du roi, pressé par les députés de l’Assemblée de ratifier la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août dernier, le tocsin retentit à l’aube : les dames de la Halle appellent à manifester les ménagères si démunies et les travailleuses du petit peuple (colporteuses, fripières, domestiques, lingères, blanchisseuses, couturières, marchandes de tout et de rien, d’allumettes, de savon ou de hardes), toutes éternelles nourricières. À huit heures et demie, entre quatre mille et sept mille d’entre elles crient leur colère devant l’Hôtel de Ville ; simple halte : bientôt, elles prennent la route de Versailles pour exposer leurs griefs aux députés et, plus encore, espèrent-elles, au roi. D’abord nommé « la marche du pain », par sa parenté avec les fréquentes révoltes frumentaires féminines de l’Ancien Régime, le cortège entre dans l’histoire sous le nom de « la marche des femmes ». Ainsi est souligné, notamment sur les nombreuses gravures d’alors, le fait que, pour la première fois depuis le début de la Révolution, c’est une foule féminine qui veut en découdre avec le pouvoir monarchique. Certes, des vainqueurs de la Bastille lui prêtent main-forte et peut-être cette action est-elle, en réalité, à l’initiative des orléanistes ; le doute demeure, mais qu’importe, car cet appel ne s’adresse qu’aux femmes, cette marche e