
Faire Guignol de Paul Fournel
Paul Fournel appartient au même terroir que l’inventeur du théâtre de Guignol, hérité de la tradition populaire italienne, Laurent Mourguet (1769-1844). L’histoire de l’art théâtral – peu sensible aux marionnettistes de foire – n’a rien retenu (ou presque) de l’existence d’un tel créateur. Pour saluer le 250e anniversaire de ce « survivant de la révolution et du chômage », l’auteur invente la merveilleuse histoire des « heures » du piéton des faubourgs et des foires lyonnaises. Fournel ramène en sa verve à la « parlure » des Canuts au besoin. Il offre un récit populaire, évoque ces « petits métiers » qui rendent parfois la vie, sinon merveilleuse, du moins plus facile à supporter. Guignol « cassait du flic » et passait, tant que faire se pouvait, entre les mailles du filet. Les pauvres voyaient en lui un semblable, un frère. Le romancier, en maître oulipien, transforme le désespoir en sagesse. Histoire de tenir, mais en dehors de l’euphorie qui ne cherche dans le spectacle qu’un coloriage du vivant. Aux côtés de Guignol, le « Père Mourguet » créa d’autres figures décalées qui s’opposent aux rituels du sens et font valser les objets verbaux hautains et élégants pour des termes dits grossiers, car moins rigides et plus mouvants. La fiction de Fournel, comme celle de son personnage, défie l’accablement nostalgique par la fable d’une victoire – sporadique, fugace – sur le temps.