
La Révolution kurde. Le PKK et la fabrique d'une utopie, d'Olivier Grojean
Créé en 1978 par Abdullah Öcalan, initialement indépendantiste et d’inspiration marxiste-léniniste, le Pkk, cette organisation politique et militaire, a développé la conception d’un « homme nouveau » libéré du « colonialisme » turc et des structures sociales traditionnelles. En 2005, influencé par les travaux de Murray Bookchin, le Pkk promeut l’« utopie communaliste » et l’autogestion des villes et villages à majorité kurde, en instaurant un « confédéralisme démocratique » capable de réunir les élus locaux et de s’affranchir des règles imposées par l’État-nation. À la même période, le Pkk encourage le développement d’une nouvelle forme d’économie, essentiellement coopérative, et prend en compte les contraintes sanitaires et écologiques qui pèsent sur les populations. Il rénove également les rapports hommes-femmes en se fondant sur la Jineolojî dite « science des femmes », selon laquelle les femmes sont dépositrices d’une « responsabilité éthique » élevée, nécessaire à la conduite du mouvement. Dans les faits, les femmes représentent 40 % des membres de cette organisation et font partie des unités de combat. Toutefois, ces innovations demeurent compromises par le fonctionnement hiérarchisé du Pkk, lequel exerce un contrôle accru, voir « hégémonique » et « autoritaire », sur les localités dites « autonomisées ». En outre, la planification par le Président Erdoğan, dès 2015, de la « liquidation totale du mouvement kurde de Turquie » se traduit par une répression sanglante des militants du Pkk et la remilitarisation du mouvement au détriment de sa composante politique. Le déploiement du Pkk dans tout le « Kurdistan », au travers d’« organisations-sœurs », a conduit à régionaliser la question kurde et à rendre ce « partenaire » incontournable dans la lutte contre Daech en Syrie et en Irak.
Julien Jacob