
Sociologie du monde des sourds, de Diane Bedoin
Diane Bedoin décrit l’héritage audio-centré de notre société, dont les racines aristotéliciennes du logos rattachent l’usage de la parole à la pensée. En effet, malgré les avancées législatives de 1991 et de 2005 reconnaissant « la liberté de choix » entre « la langue des signes et le français », les personnes sourdes sont encore trop souvent stigmatisées par les entendants et réduites à la seule expression de leur déficience physique. Pourtant, les études en sciences sociales menées récemment sur le « monde des sourds » démontrent que cette minorité, qui représente 8, 3 % de la population française âgée de moins de 59 ans, revêt une dimension anthropologique, avec une culture, une langue et des problématiques sociales qui lui sont propres. Aussi, par-delà les éventuelles difficultés attachées à l’usage des implants cochléaires ou des dépistages néonataux de la surdité, l’auteur prône l’intégration des personnes sourdes dans une société « qu’ils n’ont pas créée et qui n’a pas été créée par eux » en favorisant le bilinguisme (l’apprentissage conjoint de la langue des signes et du français oral). En effet, ce choix pédagogique, trop peu appliqué dans les faits, doit permettre de concilier les besoins d’intégration des personnes sourdes avec le nécessaire respect de leur identité, laquelle est une « manière singulière » d’être au monde, qui les autorise à « parler avec le corps et comprendre avec les yeux ».
Julien Jacob