
Police : questions sensibles, sous la dir. de Jérémie Gauthier et Fabien Jobard
Deux sociologues français du centre Marc-Bloch à Berlin tentent de comprendre les causes de la crise que traverse la police française depuis les années 2000. Alors que les polices allemandes et du nord de l’Europe, sous l’impulsion de leurs politiques, ont mis en œuvre une « stratégie de désescalade » préventive, fondée sur le dialogue avec les populations et autres acteurs sociaux, la police française a développé une doctrine d’emploi « focalisée » sur la réaction immédiate, souvent violente, aux troubles à l’ordre public, elle-même marquée par une « militarisation » excessive de sa « police quotidienne », avec l’usage du Flash-Ball. Les tensions qui affectent les rapports entre la police et la population française s’expliquent par l’usage intempestif du contrôle d’identité, soumis à la culture du rendement chiffré et seul moyen de reconquérir « certains quartiers », lequel s’effectue, en pratique et en toute illégalité, selon des « grilles de lectures racialisées » et discriminatoires, héritées de la période coloniale. Par ailleurs, sous l’effet d’une survalorisation de la « virilité », l’institution de la police peine, en France, à mettre en valeur ses effectifs féminins, perçus comme incapables d’assumer le rapport de force, forcément « physique », imposé par « les populations cibles » à l’occasion des opérations menées sur la « voie publique ». Malgré ces constats amers et documentés, des « chantiers » à venir permettraient de moderniser l’action policière en France et de refonder sa légitimité institutionnelle pour tous les citoyens de ce pays.