Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

Notes de lecture

Dans le même numéro

L’esprit démocratique du populisme de Federico Tarragoni

mai 2021

Avec cet ouvrage, l’auteur prend la position de ceux qui pensent que, malgré son apparence de mot-valise utilisé à tort et à travers, le populisme désigne bien quelque chose. Donald Trump, Jean-Luc Mélenchon, le mouvement Podemos en Espagne, le référendum sur le Brexit en 2016, le Rassemblement national en France, Viktor Orbán en Hongrie, etc. : tous sont régulièrement taxés de populismes, alors même qu’ils représentent des traditions idéologiques et historiques différentes. Pour comprendre, l’auteur va d’abord faire un tri conceptuel, avant de constuire un idéal-type du populisme, selon la sociologie de Max Weber.

Si concept il peut y avoir, il doit être formé à partir des trois populismes historiques : le populisme russe des narodnichestvo (1840-1880), le People’s Party étatsunien (1877-1896) et les populismes au pouvoir en Amérique latine à partir de 1930, comme le péronisme en Argentine, et, depuis les années 2000, Hugo Chávez au Venezuela ou Evo Morales en Bolivie.

Le populisme apparaît alors comme une idéologie de gauche, radicalement démocratique et même révolutionnaire, qui intervient dans des moments de crise : « Un contexte d’augmentation des inégalités sociales, de corruption des partis au pouvoir et de dégradation considérable (ou d’inexistence) des droits sociaux. » Ce contexte engendre en effet « l’apparition de mouvements populaires interclasses », même si ce sont surtout des membres des classes populaires et des citoyens précarisés issus des classes moyennes. Le populisme intervient précisément lorsque des citoyens aux revendications différentes se rejoignent et s’identifient à un peuple mobilisé contre l’oligarchie qui lui a confisqué ses droits. Mais il faut aussi que ce peuple s’incarne dans un leader, dont le charisme l’autorise à être le porte-voix des revendications.

Selon l’auteur, ce populisme n’a été bien souvent qu’éphémère et transitoire. En effet, quand il a réussi à s’institutionnaliser, il a fait face à une contradiction : en même temps qu’il donnait des libertés nouvelles à ses électeurs, il avait tendance à en réduire d’autres, « affaiblissant, du même coup, les médiations collectives entre la société et l’État ». Les populismes ont ainsi pu dériver vers le césarisme, avec un chef autoritaire, ou vers le fascisme. Mais, pour l’auteur, ce n’est pas une fatalité : il plaide ainsi pour un populisme de gauche, anti-souverainiste, cosmopolitique et démocratique.

La Découverte, 2019
372 p. 22 €

Marcellin Bouton

Étudiant en Master de philosophie à Bruxelles, Marcellin Bouton s'intéresse aux sciences sociales et à la théorie politique.

Dans le même numéro

L’idée libérale en question

Force structurante de notre modernité, le libéralisme concentre ces dernières années toutes les critiques. Mais lorsque certains fustigent la société du tout marché, l’individualisme et l’égoïsme contemporains, l’élitisme, les inégalités ou l’autoritarisme, est-ce bien à l’idée libérale qu’ils en ont ? La démocratie peut-elle se passer du libéralisme ? C’est à ces questions que s’attache ce dossier, coordonné par Anne-Lorraine Bujon. Le libéralisme y apparaît d’abord comme une tradition plurielle, capable de se renouveler et de se combiner avec d’autres courants de pensée politique. Timothy Garton Ash le définit comme une méthode plutôt qu’un système : « une quête interminable pour déterminer le meilleur moyen de bien vivre ensemble dans les conditions de la liberté ». À quelles conditions, et dans quelles formes nouvelles peut-on défendre aujourd’hui l’idée libérale ? À lire aussi dans ce numéro : l’Allemagne après la réunification, les pays baltiques, la mémoire selon Ernest Pignon-Ernest, une lecture de Nœuds de vie de Julien Gracq, et la vie de Konrad von Moltke, le délégué de la nature.