
Vagabondages de Lajos Kassák
Trad. par Roger Richard
Né en 1887 dans l’Empire austro-hongrois, serrurier de formation et poète par passion, Lajos Kassák est écrivain, peintre et fondateur de revues de l’avant-garde hongroise. Avant d’accéder à cette reconnaissance, il est, en 1909, un vagabond européen. Vagabonder ou vaguer, c’est-à-dire errer ici et là, fait l’objet d’une stigmatisation et d’une criminalisation progressive depuis la fin du Moyen Âge1, mais est aussi une expérience de l’éloignement du chez-soi et de ses pesantes habitudes prisée par les poètes. Avant Jack Kerouac, mais après François Villon, Lajos Kassák affronte les espaces ouverts, de Budapest à Paris en passant par l’Allemagne et la Belgique, et s’en souvient en 1927, lorsqu’il entreprend son autobiographie.
Bien que parti sans le sou, le vagabond n’est pas, comme on pourrait le penser, un être démuni. Sans jamais préciser comment il s’approvisionne en papier, Kassák dessine, prend des notes et surtout écrit des poèmes qu’il envoie aux rédactions de journaux via une amie restée à Budapest. Homme de réseaux, le vagabond n’a pas coupé les liens avec le pays, qu’il maintient grâce au solide maillage des postes européennes. Il s’insère ensuite dans un autre réseau, tissé au fur et à mesure du voyage : celui des vagabonds, fait de routes, d’asiles et de rencontres.
Les arêtes de ce réseau sont les chemins parcourus, qui esquintent les pieds et abîment l’allure ; les nœud