
Sur un hiver européen
Camille de Toledo tisse un récit aux tonalités crépusculaires pour mettre en scène, à travers un drame familial, l’essoufflement progressif des mythes contemporains.
Comment raconter la capitulation de l’intelligence sensible face à la technique, ce que cette capitulation fait à nos corps et à nos paysages et à nos univers mentaux ? Voilà la question à laquelle s’affronte Camille de Toledo dans son dernier récit, Thésée, sa vie nouvelle. Ce que nous raconte l’écrivain, à travers l’intimité d’un drame familial, c’est l’effondrement d’un mythe devenu trop réel : celui du néolibéralisme. Plus exactement, il nous raconte comment des corps se déplacent, sur fond d’un mythe à la couleur décatie ; comment l’événement néolibéral s’immisce dans l’intime, ce qu’il défait, ce qu’il épuise en nous plus précisément. Le mythe technique fait aussi exploser les familles et les hommes. Thésée est la victime européenne de ce mythe. En ce sens, ce livre s’inscrit dans la lignée des précédents ouvrages de l’auteur. Son œuvre est une réflexion sur l’hiver européen, sur ses mystères et ses fêlures. Que veut dire être européen à l’heure du capitalisme effondré ? Oublier, trahir puis disparaître (Seuil, 2014), explorait déjà le secret d’une famille comme lié à celui du continent. Ici, le lecteur saisit intimement que le monde de l’héroïsme a laissé place à celui de la marchandise. Les success stories du siècle dernier s’essoufflent. Le vide créé par le mercantilisme agite quelque chose dans la mémoire de la Mitteleuropa. Parfois, ce quelque chose prend la forme des passions mauvaises du nationalisme. Parfois, il es