
« Adam, où es-tu ? »
Prêcher à l’époque de l’Anthropocène
À l’ère de l’Anthropocène, les cosmologies se renouvellent. La réalité physique, conçue comme étendue inerte par les Modernes, devient une zone critique dans laquelle notre vie s’enracine. La défense du climat pourrait se nourrir de l’eschatologie chrétienne, où l’amour du prochain se dévoile comme consubstantiel d’un engagement écologique inédit.
Avec raison, Lynn White s’est interrogé sur les responsabilités des Églises chrétiennes dans la crise écologique moderne. Il l’a fait cependant en projetant dans le passé des conceptions de la matière qui se sont formées entre le xviie et le xixe siècle, et qui ont en effet justifié l’indifférence à la destruction du monde2. Or ces conceptions de la matière, ce qu’on pourrait appeler la cosmologie des Modernes (au sens que les anthropologues et non les théologiens donnent au mot « cosmologie »), se sont faites largement en conflit avec la religion chrétienne, laquelle a au contraire cherché à maintenir sa cosmologie propre à l’abri de ce nouveau matérialisme. Il est donc inexact d’attribuer une responsabilité à une religion qui cherchait plutôt à se protéger de cette nouvelle occupation de la terre.
Est-ce à dire que White a eu complètement tort dans son diagnostic ? Hélas non, parce que l’erreur des religions chrétiennes d’Occident à partir de l’époque moderne a été de largement délaisser la question de la matière, du cosmos, du sol, de la terre, de la réalité physique et de l’abandonner en quelque sorte aux sciences, en se réservant de développer une version de plus en plus spiritualisée, moralisée, de la question du salut. Il y avait bien une cosmologie chrétienne – au