La parenthèse désenchantée
Cette enquête interroge les politiques contemporaines de la sexualité autour de l’épidémie du Vih, les représentations populaires, artistiques ou pornographiques, l’offensive masculiniste, le droit à l’indifférence des homosexuels, la loi contre le système prostitutionnel et les violences sexuelles en temps de guerre.
This survey interrogates the contemporary politics of sexuality about the HIV epidemic, popular, artistic and pornographic representations, the masculinist movement, the right to indifference for homosexuals, the law against the prostitution system and sexual violence in wartime.
On a pu parler de « parenthèse enchantée » pour qualifier la période au cours de laquelle la sexualité se serait libérée de certains dispositifs de contrôle et, notamment grâce au droit à l’avortement et à la dépénalisation de la contraception, détachée d’une finalité exclusivement reproductive. Indépendamment des inégalités qui la traversent et des dominations qu’elle a pu reconduire, la libération sexuelle a pour un temps associé les pratiques sexuelles et la croyance – superstitieuse ? – à une émancipation politique. C’est incontestablement l’épidémie du sida qui brise cette alliance fragile en réintroduisant au cœur de la sexualité une conscience de notre finitude à laquelle des jeux innocents cherchaient vainement à nous faire échapper. Il en découle une politique de la sexualité plus désenchantée, plus inquiète, mais aussi plus déterminée. Les contributions qui suivent permettent de suivre certaines lignes de forces contemporaines qui affectent les normes, les représentations et les pratiques de la sexualité : la lutte contre le sida, les transformations de l’identité de genre et les violences sexuelles.
L’amour aux temps du sida
Gabriel Girard est sociologue, ses travaux portent sur la communauté homosexuelle et la prévention du sida1. Il examine la manière dont l’épidémie du Vih a transformé en profondeur l’appréhension de la sexualité dans nos sociétés, notamment en affectant les conditions de confiance et de réciprocité qui en sont les nouvelles normes.
Au prisme de l’épidémie, le sexe s’est fait objet de santé publique, de recherches et de débats publics, contribuant ainsi à déplacer les normes sociales et culturelles de la sexualité. Rappelons que, jusqu’en 1987, la publicité pour le préservatif était prohibée en France, au nom des lois natalistes d’après la Première Guerre mondiale. C’est encore à l’initiative du mouvement associatif que sont élaborées les premières moutures de ce qui deviendra le Pacte civil de solidarité. Mais le sida demeure également la marque d’une inquiétude individuelle et collective dans la sphère de l’intimité et du plaisir, et la séropositivité reste une condition de santé stigmatisée. La réponse aux risques de la transmission sexuelle du virus s’est construite autour d’un nouveau discours sanitaire, en rupture avec les approches hygiénistes et coercitives du passé. Sur ce terrain sensible, les associations et les autorités de santé ont élaboré une éthique sexuelle fondée sur la responsabilité individuelle des actes et des choix préventifs. Le préservatif s’est affirmé comme le symbole de ce paradigme, permettant la protection de soi et de l’autre, indépendamment des pratiques et des orientations. Avec l’arrivée des traitements antirétroviraux, en 1996, on envisage aujourd’hui le Vih comme une maladie chronique (presque) comme les autres, au point parfois d’occulter ce que les discours, les pratiques et les politiques de la sexualité contemporaine doivent aux mobilisations collectives face à l’épidémie.
L’irruption du sida, au début des années 1980, place les autorités de santé face à plusieurs défis. Il s’agit d’abord de bien comprendre l’origine de la maladie et ses modes de transmission. Le Vih, le virus responsable du sida, est identifié en 1983. Le Vih s’attaque au système immunitaire, affaiblissant les défenses de l’organisme jusqu’au stade sida, synonyme de mort pour beaucoup de patients. Les premiers tests de dépistage (1985) vont permettre d’établir si l’on est séropositif, c’est-à-dire atteint par le Vih, ou séronégatif. Les premières années de l’épidémie sont caractérisées par les premières mobilisations associatives et le silence des pouvoirs publics2. Le sida est alors cantonné aux marges du débat politique. Mais dans le même temps, l’incertitude sur l’ampleur de l’épidémie et sa diffusion potentielle à la population générale est un sujet de préoccupation. Du côté des patients et de leurs proches, une mobilisation s’est engagée très tôt, d’abord pour accompagner les malades et la fin de vie. La création d’Aides, en 1984, marque le début d’une implication qui va révolutionner la médecine et la recherche biomédicale.
Pour les premiers acteurs de la lutte contre le sida, l’urgence est d’informer sans stigmatiser. Plusieurs redoutent en effet qu’une maladie transmissible, affectant fortement les homosexuels masculins, les migrants d’Afrique subsaharienne et les usagers de drogue, n’entraîne un regain de stigmatisation dans la société. La démarche se veut alors « généraliste » : les conseils de prévention étatiques visent avant tout des pratiques, comme l’utilisation du préservatif, et non des identités ou des communautés. Cette approche s’inscrit dans un paradigme de santé publique élaboré dès les années 1970, qui vise la responsabilisation individuelle3. À la fin des années 1980, une nouvelle vague militante se structure, plus radicale et critique. Les activistes d’Act Up-Paris vont alors mener d’importantes batailles pour dénoncer la frilosité et l’inertie des pouvoirs publics en matière de prévention.
Le sida joue le rôle de révélateur d’inégalités sociales structurelles. De ce fait, la mobilisation face à la maladie est le terreau des combats pour la reconnaissance sociale des couples de même sexe ou l’accès aux soins des plus précaires (migrants, usagers de drogue). Mais, plus profondément, l’épidémie voit se déployer de nouveaux discours sur la sexualité. Elle est mise en scène et en mots dans l’espace public, à travers des campagnes publiques et associatives de promotion du préservatif. Elle est objectivée, à travers les « enquêtes presse gay » à partir de 1985, les enquêtes sur les comportements sexuels des Français (en 1992 et en 2005) ou l’enquête sur les trajectoires migratoires (en 2012). Mais la lutte contre l’épidémie nourrit également des critiques radicales de l’ordre sexuel, au premier rang desquelles les théories queer.
En 1996, la mise sur le marché de traitements efficaces, les trithérapies, marque un tournant dans l’histoire de l’épidémie. Les traitements permettent aux personnes séropositives de (re)vivre et d’envisager un avenir malgré le virus. À l’échelle du grand public, l’épidémie est moins médiatisée et perd progressivement son exceptionnalité. Le rythme des campagnes publiques de prévention se ralentit. Certains homosexuels revendiquent ainsi une sexualité libérée de la contrainte préventive malgré les risques. Bien que minoritaires, ces comportements polarisent l’attention des acteurs de prévention au tournant du xxie siècle autour du phénomène de barebacking4. Mais les efforts de prévention se heurtent plus généralement à des constructions sociales bien ancrées de la sexualité et du désir.
En France, les discours dominants de la prévention du Vih n’ont jamais eu pour objet d’instiller la peur de l’autre : une telle stratégie aurait été néfaste en termes de lien social et contre-productive en termes de santé publique. Les messages ont, à l’inverse, mis en avant la responsabilité partagée entre les partenaires et l’importance du dialogue dans les décisions préventives. Or c’est exactement ce qui fait de la prévention du Vih un espace d’incertitude. Les notions de confiance et de réciprocité sont au cœur de l’éthique sexuelle contemporaine. Cependant, les relations sexuelles sont indissociables de rapports sociaux complexes, qui mettent en jeu le genre, l’âge, l’identification sexuelle, l’expérience, le sentiment amoureux, la capacité de négocier et/ou de choisir. C’est à l’intersection de ces multiples dimensions que se joue la prise de risque. Et c’est sans doute la limite irréductible des messages de prévention du Vih : ils font l’objet d’appropriation et de traduction par des individus, des partenaires, dans des contextes relationnels et émotionnels évolutifs. Autrement dit, c’est parce que la sexualité échappe toujours à l’entreprise de rationalisation sanitaire qu’elle continue à soulever des défis pour la prévention du Vih.
Au cours des années 2000, l’épidémie de Vih se maintient à un niveau préoccupant, en France, chez les homosexuels masculins et chez les migrants d’Afrique subsaharienne. Malgré les campagnes d’information, la mise à disposition de préservatifs ou l’incitation au dépistage, la dynamique de la transmission est forte : on compte en 2015 autour de 6 000 nouveaux diagnostics annuels5. L’ancrage de l’épidémie dans des groupes minoritaires (auxquels s’ajoutent les usagers de drogue, les travailleuses du sexe, les personnes transgenres, les prisonniers ou les jeunes femmes) est une réalité mondiale, largement documentée.
La santé publique explore alors de nouvelles voies biomédicales. L’utilisation préventive des traitements antirétroviraux pour réduire les risques de transmission sexuelle fait l’objet de recherches et d’évaluations, dont les résultats spectaculaires permettent d’entrevoir la fin de l’épidémie à l’horizon 2030. Dans ce cadre, la prévention et le soin s’articulent étroitement et ces nouvelles stratégies mettent les enjeux d’accès universel aux traitements au cœur des débats.
Cette « pharmaceuticalisation » croissante de la prévention signe un renouvellement du regard sur la sexualité et le risque au temps du sida. Le recours aux médicaments offre ainsi la possibilité d’un acte préventif détaché de l’acte sexuel et des rapports sociaux qui le conditionnent. Plus largement, l’efficacité des traitements en prévention ouvre la possibilité d’une sexualité débarrassée de la crainte de la transmission du Vih. Cependant, qu’on parle de préservatif ou de traitements, la décision d’y recourir repose sur les individus insérés dans des relations sociales. Envisager la sexualité comme un construit social et politique reste donc un incontournable de la prévention du Vih.
Ève Plenel, militante passée par Act Up, la Cimade, Arcat et le Kiosque, coordonne le projet « Vers Paris sans sida ». Elle soutient qu’une politique ciblée sur certaines communautés, à l’encontre de notre tradition universaliste, peut mettre un terme à l’épidémie.
La lutte contre le sida a modifié les politiques de recherche et de santé publique, renforcé les luttes minoritaires, fait progresser le droit, contribué à refonder les institutions matrimoniales et familiales, bousculé le savoir-pouvoir médical et fait de nos corps et de nos sexualités un champ de bataille et de revendication. Mais, au creux de ces transformations politiques favorisées par des batailles menées au nom, ou au prisme, du sida, qu’en est-il de la lutte contre le virus, de sa transmission, de sa diffusion, de sa létalité ?
Depuis dix ans, le nombre de nouvelles contaminations au Vih ne baisse plus en France : environ 6 000 personnes y découvrent leur séropositivité chaque année, plus d’une sur dix au stade sida. Un niveau d’incidence inacceptable dans un pays qui a fait du sida, dès 1987, un « fléau social » et, encore en 2005, une « grande cause nationale ». Un niveau scandaleux quand on sait, depuis 2008, que le traitement antirétroviral restaure l’espérance de vie et empêche la transmission aux partenaires sexuels : par hypothèse, si toutes les personnes qui vivent avec le Vih étaient dépistées et sous traitement, avec des conditions et une qualité de vie acceptables, l’épidémie s’éteindrait à terme. La lutte contre le sida, efficace comme combat politique et social global, a échoué pendant cette dernière décennie dans son but littéral de lutte contre l’épidémie. Quels imaginaires a-t-elle fabriqués qui empêchent de vaincre le sida ? Comment sortir de cette contradiction ?
Contre la stigmatisation de groupes dits à risques, la lutte contre le sida est parvenue à imposer une norme préventive universelle aujourd’hui encore dominante : la transmission du Vih menace tous les individus susceptibles d’avoir des rapports sexuels occasionnels, sans distinction de genre, d’orientation sexuelle, d’origine ou de classe, il faut donc adopter le « réflexe préservatif » dès l’entrée dans la sexualité et le « réflexe dépistage » lorsque l’on souhaite abandonner le préservatif au sein d’une relation durable.
Ce postulat d’universalité de l’épidémie et son corollaire, l’hégémonie du préservatif, ont permis un indiscutable succès qui a évité de nombreuses contaminations. Mais ce succès cache la réalité épidémiologique : nous ne sommes pas tous égaux face au Vih. Certaines populations y sont exposées de façon disproportionnée, en particulier les hommes homosexuels ou bisexuels6 et les personnes originaires d’Afrique ou des Caraïbes, mais qui peuvent s’être infectées en France7. Si les organisations internationales parlent depuis longtemps de « populations clés » et d’épidémie « concentrée », la santé publique française s’accommode encore mal de cette approche populationnelle qui remet en cause autant la responsabilité individuelle de la prévention que l’universalisme républicain.
De plus, l’imposition d’une norme préventive universelle et univoque, centrée sur le préservatif, censée convenir à tous mais reposant sur la responsabilité de chacun, diffuse une injonction individuelle à réussir sa protection, indépendamment du contexte ou du milieu de vie. Elle fait peser sur les populations les plus exposées un sentiment de fatalité, éventuellement assorti de honte ou de mésestime de soi, qui ne concourt ni à l’épanouissement sexuel, ni à la confiance et au bien-être nécessaires pour, justement, adopter des attitudes préventives efficaces. Ces représentations, largement partagées par le corps médical, freinent l’acceptation sociale et l’adoption par les individus de messages différenciés sur la fréquence recommandée du test de dépistage selon les publics, comme d’avancées scientifiquement valides telles que le traitement préventif du Vih8.
La lutte contre le sida à la française est une politique de l’État central. Qu’ils soient militants, scientifiques ou institutionnels, tous les espaces de la politique du sida sont nationaux. Pourtant, la transmission du Vih est bien un problème local : c’est au sein d’une communauté de pratiques ou de vie, dans un milieu déterminé par des conditions d’accès à l’information, aux solutions de protection (préservatif, traitement) et au dépistage, que l’on est susceptible d’être infecté et, le cas échéant, diagnostiqué plus ou moins précocement.
L’épidémie française est concentrée sur certains territoires, en particulier la région parisienne qui se caractérise par l’un des taux d’incidence les plus élevés d’Europe. Paris ne manque ni de services de santé, ni d’associations de prévention, ni de centres de dépistage gratuits, ni d’hôpitaux d’excellence. Pourtant, la capitale concentre à elle seule 20 % des nouveaux cas de Vih pour 3 % de la population française. L’inégalité territoriale recoupe et amplifie les inégalités sociales de santé, moteur de l’épidémie : racisme, précarité, homophobie, sexisme, transphobie… Mais cette situation alarmante s’explique aussi par un désajustement structurel entre les besoins concrets des Parisiens les plus exposés au Vih et la verticalité des institutions porteuses de la lutte contre le sida9.
Enfin, la lutte contre le sida s’est déployée autour de la figure politique nouvelle et singulière du malade : transformateur social, prenant la parole à la première personne, mais aussi et peut-être surtout, dans l’imaginaire collectif, corps marqué, courant dans les rues au cri de « Nous ne voulons pas mourir ! », allongé sur le bitume dans une mare de faux sang ou enchaîné aux bâtiments du pouvoir sous une banderole « Sida : on meurt, l’indifférence demeure. » L’effet de sidération et d’interpellation a permis une mobilisation d’une puissance inégalée qui appartient aujourd’hui, sous cette forme, à l’histoire et au cinéma.
Ce que nous devons exiger, contre la peur persistante de la « bombe virale » et les préjugés sérophobes qui l’accompagnent, ce sont des conditions de vie correctes pour toutes les personnes vivant avec le Vih, à tout âge et d’où que l’on vienne. Ce que nous devons réclamer en urgence, c’est le droit pour les étrangers de vivre et de demeurer en bonne santé en France. Ce que nous devons donner à voir et à entendre, c’est qu’être noir.e ou gay porte des besoins de santé spécifiques. Ce que nous devons crier, en courant sous les fenêtres de ceux qui promeuvent « la santé sexuelle pour tous » pour mieux éviter de penser la santé des communautés, c’est l’impérative nécessité de rester sur la route de la fin du sida et d’accélérer dans les derniers kilomètres.
Après la libération
L’idéal d’une libération sexuelle a inscrit, dans les mœurs et le droit, le principe de l’égalité entre les sexes et entre les sexualités. Pourtant, il demeure de nombreuses et profondes inégalités et dominations liées aux identités sexuelles. Carole Desbarats, membre du conseil de rédaction de la revue Esprit et critique de cinéma engagée dans les questions d’éducation à l’image, examine les représentations féminines du sexe dans les séries télévisées.
Comme on n’est plus forcément dans l’injonction à jouir constitutive de la narration pornographique, d’autres variations se font jour. En 1998, une série pose que la scène sexuelle, pas toujours heureuse et encore moins simple, peut pourtant se révéler joyeuse, centrée sur les femmes et leur plaisir. Sex and the City, créée par Darren Star, montre quatre New-Yorkaises autant occupées à vivre leur célibat qu’à préserver une indéfectible amitié. Ces femmes ont chacune un profil sexuel marqué : l’hédoniste plus que libertine et « cougar » à l’envi, celle qui est obsédée par le mariage et la maternité, la psychorigide séduisante et l’héroïne principale, Carrie (Sarah Jessica Parker) qui se dit « anthropologue du sexe » et travaille à contrecarrer un romantisme toujours résurgent. Dans le premier épisode, elle constate que l’on est « entré dans l’ère de la non-innocence […] à Manhattan, Cupidon s’est fait la malle ». Cela met d’emblée à l’épreuve le solide a priori selon lequel, contrairement aux hommes, les femmes auraient un besoin impérieux de lier sexualité et sentiments. Carrie, elle, tente une expérience : elle inverse les rôles. On l’entend jouir, puis on voit son partenaire émerger des draps, tout rouge de l’effort que lui a demandé le cunnilingus. Il demande son dû et Carrie répond que, désolée, elle a du travail, elle n’a pas le temps ! Et de constater, une fois dans la rue que « ça y est, elle vient de baiser comme un homme ». Comment et à quel prix sortir des stéréotypes qui enferment les femmes dans la scène romantique ?
Contrairement à ce qui se passe dans la narration pornographique, ou même dans le cinéma majoritaire, surtout centrés sur la jouissance masculine, cette question est examinée depuis le point de vue féminin. L’audace du showrunner et de ses six scénaristes femmes se traduit en particulier dans le fait que les héroïnes analysent leur activité sexuelle. Ces trentenaires se livrent à de longues conversations pour, par exemple, aider l’une d’elles à décider si oui ou non elle doit accepter un rapport anal. Le simple fait de verbaliser la scène sexuelle l’éloigne du porno dont la logique utilitaire et la polarisation sur l’organique se dispensent du narratif pour se contenter de dialogues stéréotypés. En effet, même s’il arrive que la sodomie soit représentée dans Sex and the City, la scène sexuelle y est plus transgressive par son alacrité que par l’audace gestuelle10.
Iris Brey a bien montré comment, en ce début du xxie siècle, les meilleures des séries s’attachent à sortir des oppositions binaires (homme/femme, faible/fort, actif/passif) pour ouvrir à une pluralité des possibles11. Les acquis des luttes féministes et l’empowerment des femmes rendant la question de la revanche sur l’autre sexe moins urgente, le récit de la scène sexuelle a besoin de se renouveler. Comment alimenter la dynamique du récit si on présente l’activité sexuelle comme non transgressive ? Comment garder une tenue narrative ?
Peut-être en explorant le territoire de la non-révolution sexuelle, du « normal », du normcore, du neutre, de la banalité. Tel est le royaume de Lena Dunham, qui a conçu la série Girls, l’a écrite, réalisée et interprétée dans le rôle principal de 2012 à 2017. Elle place le premier épisode dans le droit fil de Sex and the City. Shoshanna (Zosia Mamet), l’une de ses quatre héroïnes, s’y présente comme l’héritière des célibataires de 1998. Sauf que l’époque a changé. Maintenant que place est faite aux lesbiennes ou aux sexagénaires transsexuels, restent quand même des tabous à bousculer. Lena Dunham s’attaque frontalement à l’un des plus puissants d’entre eux, l’image lisse, idéalisée et comminatoire du corps de la femme. Elle se montre souvent toute nue dans les scènes sexuelles de sa série. Petite, dodue, avec un visage sympathique, mais ne répondant pas aux canons hollywoodiens, elle accentue délibérément ces « défauts » par une science consommée du costume. Tout comme elle met en scène un corps imparfait jusque dans son vestiaire, elle se dispense des stéréotypes de la chorégraphie fluide des scènes de sexe. Dans Girls, les corps peuvent s’entrechoquer, la position n’être pas confortable ou pas immédiatement réussie et ce n’est pas faute d’inventivité de la part des protagonistes. Le sexe ne va pas de soi. Et cette maladresse, finalement très réaliste, est en phase avec la conception générale de la série. Même si elles vivent de manière relativement protégée à Brooklyn, rien n’est facile pour ces jeunes héroïnes de moins de 30 ans. Pourquoi faire l’amour le serait-il ?
Ne se privant pas de la banalité de ces moments ou de ces gestes qui rendent le « corps idiot », selon l’expression de Roland Barthes, Lena Dunham cherche à obtenir un effet de réel sans se figer dans l’hyperréalisme de la pornographie ou du cinéma académique. Filmer la banalité du sexe passe par la prise en compte minutieuse de ses aspérités. On rejoint alors une autre analyse de Barthes qui, en 1978, affirmait : « Le Neutre ne correspond pas forcément à l’image plate, foncièrement dépréciée qu’en a la Doxa, mais [peut] constituer une valeur forte, active12. » En l’espèce, raconter les petites misères du sexe vues depuis le point de vue féminin (female gaze) confère une réelle existence au plaisir des femmes qui, jusqu’alors, était surtout perceptible à travers un catalogue limité de sons et de mimiques codées.
On ne s’étonne donc pas que, progressivement, la question de la masturbation féminine trouve une place plus grande dans les séries récentes. Elle permet une scène sexuelle assez banale dans la réalité, mais peu vue sur les écrans, sauf lorsqu’elle est proposée comme ingrédient pimenté au plaisir masculin. Se passer d’un homme, ou simplement de l’autre, éloigne encore plus des scènes sexuelles traditionnelles. Fleabag, minisérie de la Bbc, met en scène la vie d’une jeune femme qui fait comme elle peut pour dépasser la perte d’un être proche13. Entre autres, en baisant allégrement. Son auteure et interprète, Phoebe Waller Bridge, s’y filme volontiers en action. Dans l’un des premiers épisodes, face caméra, elle tourne le dos à son compagnon dont nous voyons le visage éberlué, se masturbe et jouit. L’économie de la scénographie permet de se centrer sur le plaisir de cette jeune femme et sur la stupéfaction du jeune homme, avec lequel nous compatissons.
Depuis une vingtaine d’années, de belles séries nous montrent à la fois des personnages féminins complexes et de magnifiques héros masculins, fragiles et « tourmentés », selon l’expression de Martin Brett. On ne saurait l’oublier : il y a presque vingt ans, une saison après Sex and the City, Hbo sortait l’une des plus belles séries qui soient, les Soprano, dans laquelle un maffieux assassin, aussi macho que séduisant (James Gandolfini) consulte un psychanalyste parce qu’il est sujet à des attaques de panique. L’évolution s’opère des deux côtés, ce qui la rend passionnante14.
Hélène Mugnier, historienne de l’art15, se demande ce que l’art fait encore à la sexualité, au-delà de l’érotisme et de la transgression des tabous.
Nombre d’artistes tournent le dos à Éros pour explorer Thanatos, soit une sexualité dépourvue d’érotisme, dans cet entre-deux qui suit la satisfaction du désir. Lucian Freud peint des corps nus imparfaits, endormis, abandonnés. Sophie Calle se transforme en femme de chambre dans un hôtel pour saisir avec son objectif les lits défaits au petit matin. Tracey Emin expose carrément le sien, draps tachés, entouré de mégots et de préservatifs usagés (My Bed, 1998). Ni érotisme, ni provocation dans ces œuvres, mais un regard cru sur une autre temporalité de la sexualité, celle de la « petite mort ». La tension du désir fait place à la solitude, au désenchantement, à la tristesse ou à l’inquiétude. Cette impudeur nouvelle prend le risque du malaise en donnant à voir ce qu’on ne dit pas.
De la réalité privée à la scène publique, l’art d’aujourd’hui déploie une sexualité non plus solaire, mais trouble et obscure. Il expose un terrain sexuel incertain, miné de faux pas, de ratés, de malentendus : No sex last night (Sophie Calle) ou Ballade de la dépendance sexuelle (Nan Goldin). Selon les artistes, le ton passe du trash à la tendresse, de l’angoisse à la mélancolie. Le glamour déserte, les artifices tombent, la débandade menace. Mais le silence, la douceur ou la tendresse qui émergent alors n’en sont que plus saisissants. Ainsi, dans les corps adolescents photographiés par Rineke Dijkstra, l’ambiguïté sexuelle est tenue à distance au profit d’une vulnérabilité à fleur de peau qui désarme le regard.
Dans ces exemples, l’art contemporain fait vivre une sexualité invisible et absente des discours, à rebours de l’hédonisme ambiant. C’est peut-être là sa vraie force poétique. En effet, la banalisation des images ne résout rien de la fascination pour le sujet, pas plus qu’elle n’anesthésie le désir évidemment. Si affranchie et exhibée soit-elle, l’expérience sexuelle n’a rien de banal ni d’évident dans l’existence : elle reste une énigme. Par contraste avec la visibilité publique de nos écrans, la sexualité dans l’art contemporain relève d’une intimité irréductible. Picasso avait prévenu : « L’art n’est jamais chaste, on devrait l’interdire aux innocents ignorants. Oui, l’art est dangereux, ou s’il est chaste, ce n’est pas de l’art. »
Si des hommes tourmentés et attachants apparaissent sur nos écrans, Mélanie Gourarier, chargée de recherche au Cnrs en anthropologie sociale et en ethnologie, montre que la volonté de « libérer » la sexualité féminine peut cacher une offensive masculiniste qui cherche à soumettre les femmes par leur plaisir16.
Dans la compréhension de la (re)production du système de genre, l’occultation du fonctionnement de la sexualité féminine est couramment examinée comme l’un des moyens de la subordination des femmes17. Cette occultation relève d’un processus généalogique qui conduit à constituer la sexualité féminine – et tout particulièrement l’origine et l’expression de ses plaisirs – comme un phénomène qui échappe à la connaissance. En témoigne l’incomplétude des représentations de l’organe féminin dont on dispose ou encore la moindre proportion de femmes à expérimenter la masturbation comparativement aux hommes18. Ainsi, la faiblesse des savoirs sur l’origine des plaisirs féminins est envisagée comme un élément explicatif du maintien de l’hégémonie masculine19. Continent noir, la sexualité des femmes est décrite, à l’échelle de l’histoire et des sociétés, non seulement comme mystérieuse – elle relèverait dès lors de l’ineffable –, mais aussi comme dangereuse et, à ce titre, doit rester contenue. A minima donc, la sexualité féminine fait l’objet d’un traitement différentiel et asymétrique au regard des représentations et de la place accordée à la sexualité masculine.
Pourtant, les commentaires abondent sur les plaisirs féminins : que l’on songe au très beau Bréviaire arabe de l’amour d’Ahmad Ibn Souleiman, écrit au xvie siècle, ou aux travaux précurseurs de psychologie sexuelle de Havellock Ellis et de Wilhelm Reich. Il existe ainsi un art et des techniques permettant de conduire à la jouissance féminine. Cette prolifération des discours sur les plaisirs féminins invalide-t-elle donc l’hypothèse du maintien d’un système de genres qui repose, en partie, sur l’occultation de la sexualité féminine ? Plutôt que d’occultation, le processus en question ne relève-t-il pas davantage de stratégies de privation et d’accaparement ? C’est ce qu’on peut montrer à partir du cas d’un groupe d’hommes hétérosexuels qui se réunissent, principalement en France et aux États-Unis, pour apprendre à devenir des séducteurs d’exception20.
Apparue à la fin des années 1990 en Californie, la Communauté de la séduction participe à l’élaboration d’un discours « masculiniste » qui dénonce une crise de la virilité qui ferait suite aux conquêtes féministes. Condamnés à l’affaiblissement des valeurs et des identités masculines, les hommes devraient reprendre le pouvoir, notamment en s’affirmant dans l’arène de la séduction hétérosexuelle. Dans cette stratégie, la sexualité n’apparaît pas comme l’aboutissement d’une relation, mais comme le moyen d’affirmer sa valeur en tant qu’homme. Savoir faire jouir les femmes est pensé comme « une méthode », parmi d’autres, de la séduction masculine. Les apprentis séducteurs élaborent ainsi un savoir sur la sexualité qui repose sur un répertoire de techniques masculines, tel que le contrôle de l’érection ou le report de l’éjaculation. Dans la mouvance du développement personnel, ils ont pour projet d’apprendre à contrôler leur propre plaisir sexuel pour mieux investir celui des femmes. Leur entraînement comprend un travail sur la concentration et la respiration, par le yoga ou l’hypnose, sur le renforcement musculaire et l’endurance par le sport et une alimentation riche en protéines.
S’ils apprennent à discipliner leur sexualité par des pratiques ascétiques, les apprentis séducteurs désirent « libérer » la sexualité des femmes, ce qui passe par la maîtrise de l’orgasme féminin. À grand renfort de schémas explicatifs qu’ils diffusent sur Internet et lors de conférences, les membres de la Communauté produisent une cartographie de l’anatomie des plaisirs féminins qu’ils cherchent à rationaliser pour mieux systématiser leur action sur le corps des femmes. Pas question de souci de l’autre (sexe), ni de réciprocité, car seul importe l’orgasme féminin : soumettre les femmes par leur plaisir, telle est la nouvelle ruse du contrôle sexuel qui se fait passer pour un mode de libération.
Si l’occultation du fonctionnement des plaisirs féminins est l’un des moyens de la subordination des femmes, la concentration des discours sur leur sexe n’a pas d’effet contraire cependant. Loin de favoriser une émancipation de la sexualité féminine et une autonomisation vis-à-vis du système hétérosexuel, les savoirs sexuels restent principalement élaborés par les hommes et à leurs bénéfices. L’attention à l’orgasme féminin ne relève donc pas seulement d’une injonction et d’un processus de normalisation ; elle est un mode de la différenciation et donc de « l’altérisation » de la sexualité des femmes.
Rémi Baille, étudiant en relations internationales à Sciences Po Lille et stagiaire à la revue Esprit, réagit au succès de la catégorie « beurette » sur les sites pornographiques en France et montre que ces derniers participent d’une domination à la fois sociale, raciale et sexiste.
Véritables repères de navigation, des « catégories » classent les vidéos pornographiques et orientent les internautes vers des scènes définies selon des pratiques, des scénarios, des caractéristiques physiques ou ethniques. Depuis 2014, PornHub, l’un des principaux sites de porno en ligne, publie les statistiques des mots-clés recherchés par les internautes selon le pays21. Le tour du monde des fantasmes fait la part belle à des classiques de la pornographie, les rapports lesbiens et les pénétrations anales. En France, ce sont les « beurettes » qui font l’objet des recherches les plus fréquentes. Le passé colonial de la France, ainsi que son présent malaise avec l’islam, participe à la création d’un certain imaginaire de la femme maghrébine : « la beurette » est un fantasme social autant que sexuel.
La « beurette » est l’alter ego du « beur », figure inventée pour intégrer les « Arabes » dans la République des années Mitterrand. La réussite de ce terme se mesure à son appropriation par différents mouvements (Marche des beurs, Beur FM, etc.). Pourtant, dès le départ, le mot « beur » n’effaçait pas les préjugés hérités de la colonisation et ceux relatifs à l’islam : violence, refus de la modernité, entre-soi, intolérance22. Le passage au féminin en ajoute d’autres : la « beurette » serait enfermée dans une culture répressive, privée de sa liberté et de la jouissance de son corps par la violence présumée des autorités masculines de sa famille, père ou frère(s). Aux hommes virils refusant l’intégration répond la jeune femme, pudique et vierge qui cherche à s’en sortir. L’homme blanc serait investi d’un nouveau fardeau : l’émanciper. Avec le retour des débats sur le voile dans les années 2000, son image connaît un tournant : encore plus aliénée par sa culture, interdite aux non-musulmans, elle suscite d’autant plus de désir.
Avant de crier au « refoulé colonial », rappelons qu’exotisme rimait avec érotisme. Représentée dans les cartes postales dès 1860 comme une femme aux mœurs légères, la « femme indigène », hypersexualisée, tranchait avec les femmes de la bonne société de l’époque23. Sa libération justifiait la « mission civilisatrice » de la colonisation, avec des mises en scène de leur corps dévêtu dans des décors suaves. Une telle vision orientaliste a longtemps servi de repère à l’industrie du X comme pour éveiller le fantasme des Mille et une nuits.
Aujourd’hui, pour s’inscrire dans une hyper-réalité propre à l’identification, les productions pornographiques jouent à la fois sur le rapport à l’islam de France et à la banlieue, selon un triptyque « genre, race, classe ». Professionnels et amateurs capitalisent sur une image sociale et politique qu’Éric Fassin et Mathieu Trachman comprennent comme un désir de domination blanche par la sexualité, trahi dans un film comme Beurettes rebelles : « Le pornographe tend un miroir à l’imaginaire du voile dans la société française d’aujourd’hui24 ». Dans le porno, le voile islamique cache le visage des femmes avant le rapport, pour se retirer au fur et à mesure des ébats, selon une symbolique du dévoilement, douce profanation. Sous le voile, une femme exprimerait sa « vraie nature », perverse et exhibitionniste, et appellerait au voyeurisme. S’il n’existe pas de science du fantasme, la référence à la transgression de l’interdit est assumée. Le renvoi à la domination sociale l’est moins, et les auteurs soulignent la permanence du rappel à la condition de banlieusarde de l’actrice dans les productions plus modestes. Plus qu’une mise en scène du plaisir authentique, le « j’aime ça » et les références à la rémunération impliquent un nouvel asservissement par la notion de « besoin ». Pour Éric Fassin et Mathieu Trachman, la beurette dans le porno est « “mi-pute” (avec “nous”), “mi-soumise” (avec “eux”) ». Dans le porno amateur, la domination est à la fois sociale, raciale et sexiste.
Cette situation n’en finit pas de se dégrader. L’iconographie pornographique est désormais couplée à celle du rap français où la beurette, motivée par la luxure et l’avarice, serait prête à tout pour un peu de confort matériel25. Les inquiétudes de Franz Fanon étaient donc fondées : la domination coloniale atteint son paroxysme lorsque les populations opprimées oppressent à leur tour. Pendant ce temps, l’homme hétérosexuel blanc jouit sans crainte.
Patrice Vibert, professeur de philosophie dans le secondaire et chargé de cours à l’université de Rouen, photographe et chroniqueur musical, dénonce, après Foucault, le mythe de la libération sexuelle en faveur d’une libération du sexe. Après la libération, faut-il donc en finir avec l’identité ?
Si la volonté de libérer la sexualité a été un mot d’ordre des mouvements contestataires au milieu du siècle dernier, il semble qu’il soit devenu inutile dans nos sociétés permissives. La simple existence de l’application Tinder depuis quelques années indique que la recherche de plaisirs sexuels ne souffre plus aucun tabou. Pourtant, cette permissivité coexiste par exemple avec la chasse aux homosexuels en Tchétchénie. Ce pogrom organisé par l’autoritaire dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov rappelle qu’une orientation sexuelle peut encore constituer un motif de condamnation à mort.
L’indignation morale nous pousse à défendre spontanément le droit de ces homosexuels et à lutter contre ces discriminations. Sans l’abandonner, une maîtrise de cette indignation doit aussi nous permettre de ne pas succomber à sa dimension passionnelle et de réfléchir plus précisément sur ce qu’il y a lieu de défendre.
C’est justement ce questionnement qui a conduit Foucault sur le dernier sentier de son parcours, celui des huit années qui séparent le premier et les derniers volumes publiés de l’Histoire de la sexualité. En effet, le premier volume s’achève par une prise de distance par rapport aux luttes pour l’émancipation sexuelle qui s’appuyaient sur la convergence entre psychanalyse et marxisme. La volonté de redonner la parole à la sexualité est l’« ironie de ce dispositif : il nous fait croire qu’il y va de notre “libération”26. » Libérer la sexualité revient à suivre les pas d’un assujettissement plus profond, celui qui nous transforme en sujet sexué/genré : l’homme, la femme, l’hétérosexuel, l’homosexuel, le pervers…
Le chemin que Foucault arpente à partir du deuxième volume n’est pas un reniement. Il s’agit pour lui de retrouver un moment où cette transformation ne s’est pas effectuée, où l’âme n’est pas encore « prison du corps27 ». La stylisation des plaisirs chez les Grecs et les Romains constitue un moment de l’histoire de la subjectivité où l’érotisme était avant tout composé d’actes et de plaisirs et non pas d’identité sexuée et de désirs.
La chasse actuelle aux homosexuels en Tchétchénie nous rappelle cruellement l’importance de cette distinction. Parler d’identité sexuée est en effet le meilleur moyen d’enfermer l’individu dans une identité définie en termes de normalité, de déviance, etc., que l’on tolère ou non cette identité. Par conséquent, il ne s’agit pas tant de libérer le sexe d’un pouvoir qui voudrait l’interdire que de nous libérer du sexe.
L’homosexualité a pu devenir, dans les années 1960-1970, un véritable enjeu politique parce que « le caractère “hétéroclite” du désir homosexuel le rend dangereux pour la sexualité dominante28 ». Reconnaître l’homosexualité revient à fragiliser la norme hétérosexuelle. La relecture deleuzienne de Proust montre plus précisément l’existence de deux types d’homosexualité. L’une d’elle est enfermée dans une identité et engendre l’« homosexuel » comme personnage social, alors que l’autre subvertit la notion même de genre. Subversion de l’identité sexuelle, elle se définit plus comme un polymorphisme, une « transsexualité » qui serait à la base d’un « communisme gay29 ». La volonté émancipatrice de l’homosexualité comme identité est rejetée comme illusoire par Foucault, ce qui permet de comprendre son intérêt pour les nouvelles formes de vie sociale présente dans les communautés homosexuelles de Californie à la fin des années 1970.
Les débats et manifestations liés à la loi autorisant le mariage pour tous en 2013 montrent que nous sommes encore loin d’avoir entendu la leçon foucaldienne. Ils se sont limités à la question de l’égalité, à savoir si les homosexuels devaient avoir les mêmes droits que les hétérosexuels. Cette question fait un premier pas vers la discrimination en désignant un groupe social comme s’il possédait une réalité naturelle.
L’utopie des années 1960-1970 est peut-être loin derrière nous et nos sociétés ne sont toujours pas prêtes à se passer des identités et des rôles sexuels pour s’ouvrir à la prolifération a-normative des plaisirs transsexuels. Plus modestement, il est toujours nécessaire d’œuvrer pour la reconnaissance d’un véritable droit à l’indifférence sexuelle et de s’interroger sur notre volonté d’identifier des pratiques sexuelles à des groupes sociaux.
Il faut rompre avec ce mythe de la libération sexuelle, de l’émancipation des femmes, des homosexuels et des autres sexualités marginales. Leur reconnaître les mêmes droits que les hétérosexuels revient à les enfermer, ainsi que les hétérosexuels, dans des rôles sociaux. Au contraire, soyons foucaldiens et libérons-nous du sexe, ce prétendu oracle qui affirme détenir la vérité de notre être. Cela ne suffira pas à stopper la répression des minorités sexuelles. Mais ce droit à l’indifférence est bien l’utopie qui nous libérera aussi de la prison identitaire.
Des violences
La chasse aux homosexuels en Tchétchénie témoigne de la persistance de violences liées à la sexualité et de la nécessité de les envisager dans une perspective globale, qui intègre les différentes législations nationales, les migrations économiques et les conflits armés.
Milena JakšiĆ est sociologue, chargée de recherche au Cnrs à l’Institut des sciences sociales du politique30. Elle examine ici la manière dont l’État trace les frontières des sexualités licites, relativement à la loi « contre le système prostitutionnel ».
Le 6 avril 2016 constitue une date importante pour l’abolitionnisme français. Après six années de mobilisations législatives et trois années de débats parlementaires émaillées de rebondissements multiples, l’Assemblée nationale adopte la loi visant à « renforcer la lutte contre le système prostitutionnel » qui interdit, pour la première fois en France, l’achat des services sexuels. Les clients, principales cibles de la nouvelle loi, sont désormais passibles d’une contravention de 1 500 euros, doublée en cas de récidive. Autre mesure phare, la loi prévoit l’abrogation du délit de racolage passif, introduit dans le Code pénal français par la loi pour la sécurité intérieure (Lsi) du 18 mars 2003, dans un contexte de « tolérance zéro » à l’égard du crime et de l’insécurité. La garde à vue pour le délit de racolage est envisagée à cette époque comme une mesure visant à « inciter » les personnes prostituées à dénoncer leurs proxénètes auprès des autorités. Cette logique de « répression par le bas » est condamnée à l’unanimité par les associations et par certain.e.s responsables politiques qui partagent le même constat : au lieu de faire reculer le proxénétisme et la traite des êtres humains, la loi de 2003 n’a fait que rendre invisible la prostitution de rue et fragiliser l’accès aux droits des personnes prostituées. La loi « contre le système prostitutionnel » entend, à l’inverse, opérer une rupture importante par rapport à la Lsi qui a fait des personnes prostituées des coupables de trouble à l’ordre public et de séjour irrégulier. Promulguée au nom des principes de « non-patrimonialité du corps humain », de « la dignité humaine » et de « l’égalité entre les femmes et les hommes », son objectif est clair : en inversant la charge pénale, elle vise à dépénaliser les personnes prostituées et à « responsabiliser les clients ». Inspirée du modèle suédois31, sa finalité est donc, à terme, d’éradiquer la prostitution en « asséchant la demande », et en renforçant la lutte contre la traite des êtres humains et le proxénétisme. Enfin, des mesures de protection sont envisagées pour les personnes étrangères en situation irrégulière, sous forme notamment de délivrance d’un titre de séjour à celles et ceux qui s’engagent dans un « parcours de sortie de prostitution ».
La nouvelle loi, adoptée au nom des droits des femmes, opère-t-elle pour autant une réelle rupture avec les logiques sécuritaires ? N’assiste-t-on pas plutôt à l’émergence d’un « féminisme carcéral32 », décrit par l’anthropologue américaine Elizabeth Bernstein comme une évolution conservatrice qui justifie des mesures policières, y compris contre des femmes, au nom des droits des femmes ?
La nouvelle loi doit être comprise à l’aune de l’appropriation de la rhétorique abolitionniste par le champ politique33. Le féminisme d’État épouse en effet la cause abolitionniste dès le début des années 1990, spécialement dans les rangs des « fémocrates » du Parti socialiste. Au tournant des années 2000, ce sont elles qui lancent une série d’initiatives de lutte contre la traite des femmes et l’exploitation sexuelle dans une perspective résolument abolitionniste. Le 6 décembre 2011, à la suite de la publication du rapport de la mission d’information « sur la prostitution en France », qui place en priorité la création « d’un délit sanctionnant le recours à la prostitution », l’Assemblée nationale adopte, à l’unanimité, la résolution « réaffirmant la position abolitionniste de la France ». En 2013, le rapport Olivier maintient cette ligne et propose, outre un accompagnement social des personnes prostituées, des mesures pénales visant à sanctionner les clients. Le 29 novembre 2013, la proposition de loi est examinée en première lecture à l’Assemblée nationale, mais elle ne sera adoptée que trois ans plus tard, après une série de rebondissements et de controverses qui portent autant sur la prostitution que sur le contrôle de l’immigration dite « irrégulière » et la défense de l’ordre public.
Pour les abolitionnistes, très présent.e.s à l’Assemblée nationale comme au Sénat, la prostitution constitue avant tout une violence à l’encontre des femmes et un instrument de la domination masculine. L’argument de la violence, comme élément constitutif de l’activité prostitutionnelle, justifie l’interdiction d’achat des services sexuels. Lutter contre la prostitution revient, in fine, à lutter contre l’asservissement des femmes et pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Certains partisans de cette position, des députés hommes notamment, regrettent qu’une simple contravention soit envisagée à l’encontre des clients. Leur argument est le suivant : si la prostitution est une « autre forme de viol », l’établissement d’une contravention revient à « banaliser le viol ». D’autres estiment qu’une simple contravention ne constitue guère une mesure suffisamment dissuasive. Seuls les membres du groupe Europe Écologie – Les Verts s’opposent catégoriquement à cette mesure en insistant sur la nécessaire distinction entre prostitution libre et subie. Ce qui est en cause ici n’est pas la prostitution en soi, mais les conditions dans lesquelles elle s’exerce. Lutter contre la contrainte ne doit pas conduire à multiplier des mesures pénales, mais à renforcer au contraire l’accès aux droits des personnes prostituées, y compris celui d’exercer leur activité.
Le basculement dans le débat survient lorsque la prostitution est envisagée comme une activité touchant principalement les personnes étrangères en situation irrégulière. C’est ici que la thèse d’un « féminisme carcéral », qui substitue les mesures pénales aux mesures sociales, trouve tout son sens. La nouvelle loi prévoit en effet l’attribution d’un titre de séjour aux seules personnes qui se seraient engagées dans un « parcours de sortie de prostitution ». Le titre de séjour est délivré « sans automaticité », puisqu’il s’agit de s’assurer que les personnes sont réellement sorties de la prostitution. Celles qui, en revanche, auraient continué à se prostituer, pour des raisons diverses, sont exclues du périmètre des droits. Les associations occupent ici un rôle central, puisqu’elles doivent offrir des garanties de cette rupture avec l’univers prostitutionnel. En d’autres termes, ce sont elles qui exercent désormais un contrôle et une surveillance sur des vies (précaires) de femmes. Leurs financements en dépendent.
Que traduit cette nouvelle mesure ? Non seulement le droit des femmes introduit la distinction entre « bonnes » et « mauvaises » victimes, mais le féminisme d’État s’appuie sur l’exclusion de son champ d’action des féminités illégitimes et subalternes, qu’elles soient incarnées par les prostituées ou encore les femmes voilées. La nouvelle loi dresse ainsi une nouvelle frontière entre sexualités légitimes et illégitimes, licites et illicites, et exclut durablement les personnes prostituées du périmètre des droits. Les rares droits auxquels elles peuvent prétendre, comme une allocation temporaire d’attente de 11, 20 euros par jour ou un titre de séjour, sont strictement adossés à leur sortie de la prostitution. Ce conditionnement des droits n’est-il pas en contradiction avec la thèse centrale des abolitionnistes, selon laquelle la prostitution est une violence en soi ? Si les prostituées sont avant tout des victimes, pourquoi alors soumettre leur accès aux droits à une administration de la preuve ?
C’est sans doute dans la guerre que les violences sexuelles sont les plus terribles. Antoine Garapon, magistrat, secrétaire général de l’Institut des hautes études sur la justice et directeur de la rédaction de la revue Esprit, évoque la sexualité comme arme de destruction massive et relais de la domination politique.
Le viol est, depuis toujours, une réalité honteuse de la guerre. Infamante non seulement contre toute raison pour la victime, qui se sent souillée à vie et qui n’atteindra jamais le plein statut de victime – « les hommes meurent en héros, les femmes survivent en coupables34 » –, mais déshonorante également pour l’auteur parce que cette forme de violence dévoile une part de plaisir personnel, impartageable, qui contredit l’honneur du combattant. Encore faut-il qu’il soit membre d’une armée régulière car pour les milices qui tendent à se multiplier, une récente étude a montré que le viol remplissait une fonction de socialisation35. Lorsque les soldats sont recrutés de force, souvent très jeunes, le viol collectif permet de créer une solidarité masculine entre des éléments très hétérogènes, d’âges différents, comportant parfois des enfants soldats. Le contexte de la guerre et la présence d’un plus grand nombre de femmes en situation de vulnérabilité favorisent les comportements prédateurs et opportunistes de la part de soudards incontrôlés.
Mais le viol prend aussi, du fait du conflit, une signification symbolique : le saccage du corps des femmes est une métaphore du pillage de la terre d’un peuple, ou de la revanche pour les souffrances subies. Songeons aux viols, estimés à plus de 250 000, commis par l’Armée rouge sur des Allemandes à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sans parler des viols d’enfants et surtout des viols d’hommes qui sont peut-être une réalité plus refoulée. Le viol en temps de guerre constitue donc une forme de violence particulière, indissociablement collective et personnelle, opportuniste et stratégique, politique et libidinale, privée et symbolique. Ce caractère « mixte » explique que le viol soit le point aveugle de toutes les guerres. Ces violences sexuelles demeurent mal évaluées, rarement chiffrées et, quand elles le sont, doivent être pondérées par un chiffre noir important : moins de 10 % des viols de droit commun sont déclarés en général et seulement un peu plus de 7 % sont poursuivis et jugés.
Viol prédateur, viol d’intimidation pour faire fuir les populations civiles, viol de vengeance, viol « expressif » : ces formes ont probablement toujours existé. Mais le xxe siècle a vu apparaître de nouvelles formes de violences qui font de la sexualité même une arme de guerre. C’est la fonction d’engendrement qui est exploitée par les soldats du Pakistan occidental, par exemple, lorsqu’ils violent entre 200 000 et 400 000 femmes bengalis pour repeupler le Pakistan oriental de musulmans plus « purs » et moins « hindouisés ». La même fonction de transmission forcée d’un patrimoine génétique peut être utilisée pour polluer l’identité ennemie. Ce fut le cas en ex-Yougoslavie, où des Serbes ont pratiqué des viols de masse de façon à mêler irrémédiablement le sang des groupes ennemis, notamment croates. La campagne de viols systématiques a été concomitante de la politique d’épuration ethnique, dont elle était en quelque sorte le double inversé36. D’un côté, les extrémistes « purifiaient » un territoire en chassant tous ceux qui n’étaient pas serbes, de l’autre, ils introduisaient l’altérité honnie dans le corps des femmes se revendiquant d’une autre identité. La violence sexuelle se sert de la loi biologique comme d’un relais de la domination politique.
Le caractère sacré de la sexualité peut aussi être exploité pour profaner l’ordre générationnel en obligeant un homme à violer sa mère ou son frère. La violence n’est plus seulement dans le forçage du consentement, mais dans la destruction symbolique de l’ordre des générations. Enfin, ultime raffinement dans l’horreur, le spectacle de ce viol profanateur peut être imposé au reste de la famille. La violence passe alors par le regard, un regard qui souille et imprime dans la tête de chaque membre – y compris les enfants – des images indélébiles… Le viol criminel se redouble d’un viol de l’imaginaire tant une telle scène bouscule les fantasmes les plus archaïques et enfouis et transgresse les tabous les plus profonds.
De quel préjudice juridiquement réparable la victime de ce terrible spectacle pourra-t-elle se prévaloir ? La simple narration des faits sera cruellement ressentie par elle comme une sorte d’acquiescement à une réalité qu’elle cherche désespérément à refouler. D’autant que, dans une audience de justice, cela revient à prendre le risque de voir sa parole remise en question, ou même à s’exposer à un contre-interrogatoire intrusif. Ce qui rend ce type de violences sexuelles particulièrement pervers, c’est qu’elles s’appuient sur la victime, qui se dégoûte elle-même ou dégoûte ses proches – elle est rejetée par le groupe – pour pérenniser leur effet dévastateur. Dans le même esprit, elles transforment les règles de la justice en instrument de re-victimisation, ce qui découragera les victimes de porter plainte et scellera définitivement leur enfermement intérieur. Éros et Thanatos ne sont plus opposés mais alliés. La sexualité porte la destruction au-delà de la mort, qui est parfois vécue comme un soulagement, en brisant à jamais le souvenir des siens.
Le crime contre l’humanité est un crime contre le langage parce qu’il rend la plainte des victimes indicible. Corps dispersés dans le ciel d’Auschwitz, disparitions qui laissent toujours subsister un doute sur la mort et maintiennent les familles dans le fol espoir d’un retour : la négation est l’opérateur même du crime contre l’humanité. Ici, la négation ne procède pas d’une crémation des corps, mais de la suspicion que la victime a consenti à son malheur car, après tout, elle a aussi pu séduire, voire en retirer du plaisir. Non seulement le crime est nié, mais la culpabilité est rejetée sur la victime.
Cette violence permet au bourreau de prendre pour relais la victime elle-même afin d’étaler la souffrance sur toute une vie – mieux : sur des générations. La victime devient une menace pour son groupe qui craint qu’elle ne soit porteuse d’une impureté contagieuse. Ce nouveau genre de cruauté exploite toutes les dimensions de la sexualité – la souveraineté sur soi, le plaisir, l’intimité, l’engendrement, la construction d’une famille, la fondation d’une génération, l’ordre symbolique – pour les retourner en armes de destruction massive, d’une destruction à la hauteur de sa centralité dans toute société humaine et de sa profondeur dans l’expérience du monde.
- 1.
Gabriel Girard, les Homosexuels et le risque du sida. Individu, communauté et prévention, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2013.
- 2.
Patrice Pinell (sous la dir. de), Une épidémie politique. La lutte contre le sida en France, 1981-1996, Paris, Puf, 2002.
- 3.
Luc Berlivet, « Une biopolitique de l’éducation pour la santé. La fabrique des campagnes de prévention », dans Didier Fassin et Dominique Memmi (sous la dir. de), le Gouvernement des corps, Paris, Ehess, 2004, p. 37-75.
- 4.
Voir G. Girard, les Homosexuels et le risque du sida, op. cit.
- 5.
Françoise Cazein et al. « Dépistage de l’infection par le Vih en France, 2003-2015 », Bulletin épidémiologique hebdomadaire, no 41-2, 2016, p. 745-748.
- 6.
Les hommes ayant des relations sexuelles entre hommes représentent 43 % des découvertes de séropositivité Vih en France en 2015, 52 % à Paris. Dans ce groupe, le taux d’incidence du Vih est 200 fois supérieur à celui de la population hétérosexuelle née en France métropolitaine (Haute Autorité de santé, 2017).
- 7.
Les personnes hétérosexuelles nées à l’étranger représentent 38 % des découvertes de séropositivité Vih en France en 2015. Le taux d’incidence est 70 fois plus élevé chez les femmes et 30 fois plus élevé chez les hommes hétérosexuels originaires d’Afrique subsaharienne. Entre un tiers et la moitié des Africains vivant avec le Vih en Île-de-France ont été infectés après leur arrivée sur le territoire.
- 8.
La prophylaxie pré-exposition est autorisée et remboursée depuis le 1er janvier 2016.
- 9.
Face à cette catastrophe, la Ville de Paris, après avoir lancé la déclaration des « villes sans sida », a décidé, en 2016, de prendre en main l’organisation de la lutte contre le sida sur son territoire pour mettre un terme à la transmission du Vih : www.paris.fr/parissanssida.
- 10.
Même dans des positions complexes, les héroïnes gardent leur soutien-gorge, puritanisme américain oblige.
- 11.
Voir Iris Brey, Sex and the Series. Sexualités féminines, une révolution télévisuelle, Mionnay, Libellus, 2016.
- 12.
Roland Barthes, le Neutre. Cours au Collège de France (1977-1978), Paris, Seuil/Imec, coll. « Traces écrites », 2002, p. 261-262.
- 13.
La série, découverte lors du festival Séries Mania, doit bientôt être diffusée en France par Amazon Prime Video.
- 14.
De plus en plus de femmes conçoivent, écrivent et produisent des séries, avec ou sans partenaire masculin : Eileen Shaken (The L World, 2004), Jenji Kohan (Weeds, 2005 et Orange is the New Black, 2013), Shonda Rhimes (Grey’s Anatomy, 2005 et Scandal, 2012), Michelle Aschford (Masters of Sex, 2013), Jill Soloway (Transparent, 2004), Marta Kauffman (Friends, 1994 et Grace and Frankie, 2015), ainsi que Michelle King (The Good Wife, 2009).
- 15.
Voir Hélène Mugnier, Quand la nature inspire les peintres, Toulouse, Plume de carotte, 2012.
- 16.
Mélanie Gourarier, Alpha mâle. Séduire les femmes pour s’apprécier entre hommes, Paris, Seuil, 2017.
- 17.
Paola Tabet, la Grande Arnaque. Sexualité des femmes et échange économico-sexuel, traduit par Josée Contreras, Paris, L’Harmattan, 2004 et Nicole-Claude Mathieu, l’Anatomie politique. Catégorisations et idéologies du sexe, Donnemarie-Dontilly, Éditions iXe, 2013.
- 18.
Michel Bozon, Sociologie de la sexualité, Paris, Armand Colin, 2013.
- 19.
Armelle Andro et al., « La sexualité des femmes : le plaisir contraint », Nouvelles Questions féministes, vol. 29, no 3, 2010, p. 4-13.
- 20.
M. Gourarier, Alpha mâle, op. cit.
- 21.
www.pornhub.com/insights
- 22.
Nacira Guénif-Souilamas, Des beurettes aux descendantes d’immigrants nord-africains, Paris, Grasset, coll. « Partage du savoir », 1999.
- 23.
Malek Alloula, le Harem, sous-érotisme colonial, Paris, Atlantica-Séguier, 2001.
- 24.
Éric Fassin et Mathieu Trachman, « Voiler les beurettes pour les dévoiler. Les doubles jeux d’un fantasme pornographique blanc », Modern & Contemporary France, vol. 21, no 2, 2013.
- 25.
Karima Ramdani, « Bitch et Beurette, quand féminité rime avec liberté. Représentation du corps féminin noir et maghrébin dans la musique rap et le R’n’B », Volume !, vol. 8, no 2, 2011 (en ligne : volume.revues.org).
- 26.
Michel Foucault, Histoire de la sexualité, tome 1, La Volonté de savoir, Paris, Gallimard, 1976, p. 211.
- 27.
Id., Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p. 34.
- 28.
Guy Hocquenghem, le Désir homosexuel, Paris, Fayard, 2000, p. 179.
- 29.
Mario Mieli, Éléments de critique homosexuelle, Paris, Epel, 2008. Mario Mieli est le fondateur du militantisme gay/transgenre en Italie.
- 30.
Voir Milena Jakšić, la Traite des êtres humains en France. De la victime idéale à la victime coupable, Paris, Cnrs Éditions, 2016.
- 31.
En Suède, la pénalisation des clients, votée en 1998, est entrée en vigueur en 1999 sous l’impulsion des parlementaires féministes engagé.e.s dans la lutte contre les violences sexistes.
- 32.
Elizabeth Bernstein, “Militarized Humanitarianism Meets Carceral Feminism: The Politics of Sex, Rights, and Freedom in Contemporary Antitrafficking Campaigns”, Signs: Journal of Women in Culture and Society, 35 (1), 2010, p. 45-71.
- 33.
Voir Lilian Mathieu, la Fin du tapin. Sociologie de la croisade pour l’abolition de la prostitution, Paris, François Bourin, 2003.
- 34.
Nadine Puechguirbal, « Lever le silence : nouvelles approches des conséquences du viol en Érythrée, République démocratique du Congo, Rwanda, Somalie (1994-2008) », dans Raphaëlle Branche et Fabrice Virgili (sous la dir. de), Viols en temps de guerre, Paris, Payot, 2011, p. 146.
- 35.
Dara Kay Cohen, “Explaining Rape during Civil War : Cross-National Evidence (1980-2009)”, American Political Science Review, vol. 107, no 3, 2013.
- 36.
Véronique Nahoum-Grappe, « La purification ethnique et les viols systématiques. Ex-Yougoslavie 1991-1995 », Clio. Histoire‚ femmes et sociétés, no 5, 1997.