
Pour la libération d’Olivier Vandecasteele, travailleur humanitaire détenu en Iran
Trente-sept organisations humanitaires demandent à l’Union européenne qu’elle apporte son soutien à l’État belge pour venir au secours d’Olivier Vandecasteele, détenu en Iran.
Olivier Vandecasteele, travailleur humanitaire chevronné et respecté, est aujourd’hui pris dans les mailles enchevêtrées d’un filet complexe. Cette toile d’araignée le retient dans un lieu désormais inconnu. Il a été condamné, en janvier 2022, pour un total cumulé de quarante ans de prison pour « espionnage contre la République islamique d’Iran au profit d’un service de renseignement étranger » et « coopération avec un gouvernement hostile, les États-Unis, contre la République islamique d’Iran ». Il a été également été condamné à soixante-quatorze coups de fouet.
Les tractations pour obtenir sa libération contre celle de M. Assadollah Assadi ont été brusquement interrompues. La Cour constitutionnelle ayant demandé une suspension du traité d’échange de prisonniers avec l’Iran en attendant de rendre un avis définitif. L’ancien diplomate est accusé d’avoir œuvré à préparer un attentat contre un groupe d’opposition politique iranien en France. Cette décision de la Cour est intervenue alors que, depuis quelques mois, se répand une violente dégradation de la situation politique et sociale en Iran. Des considérations juridiques de politique intérieure en Belgique et l’isolement du régime iranien, rendent ainsi plus ardue encore toute tractation entre les deux Etats.
L’emprisonnement d’Olivier Vandecasteele s’en prend à l’image symbolique qu’il incarne en tant que professionnel de l’humanitaire. Mais sa situation constitue d’abord et surtout un déni de justice que viennent de rappeler des experts du Conseil des droits de l’homme de l’Organisation des Nations unies. Les conditions de son incarcération, les périodes de disparition forcée dans des lieux de détention inconnus, l’absence de procès équitable devant un tribunal indépendant, les périodes de mauvais traitement « violent le droit international », estiment les juristes.
Dans un tel contexte, et eu égard au profil d’Olivier Vandecasteele, l’Union européenne (deuxième financeur mondial de l’aide humanitaire internationale) a un rôle déterminant à jouer pour sortir de l’impasse de négociations bloquées. Elle doit s’engager et apporter son soutien actif à l’État belge pour permettre de sortir d’un statu quo qui devient gravement préjudiciable à l’état de santé de ce professionnel. En Afghanistan comme en Iran ces dernières années, il a démontré ses qualités humaines et sa capacité à évoluer dans des environnements politiques et culturels parfois très sensibles. L’une des premières avancées auxquelles l’Union européenne pourra contribuer sera d’obtenir la possibilité d’un contact avec une équipe médicale indépendante. Un bilan médical approfondi, dans un contexte de dégradation manifeste de son état de santé et de sortie de grève de la faim, revêt une importance cruciale pour la sécurité d’Olivier Vandecasteele.
Des réalités fondent une telle légitimité à agir au profit d’un acteur humanitaire retenu contre sa volonté : au paroxysme de l’épidémie de Covid-19, en 2020, et malgré les risques potentiels de sanctions de la part des États-Unis d’Amérique, l’Union européenne a fait parvenir vingt millions d’euros d’aide d’urgence à la population iranienne ; en 2022, onze millions d’euros ont été attribués à des programmes humanitaires au profit des plus démunis. L’Union européenne n’est pas indifférente à la situation de la population en Iran. Elle ne saurait l’être à l’égard de celles et ceux qui sont les acteurs de sa solidarité internationale et qui la mettent en œuvre ! Il ne s’agit pas d’exercer un quelconque et discutable chantage à l’aide humanitaire de la part de l’Union. Mais de revendiquer que les projets de solidarité qu’elle permet de déployer traduisent sa capacité à maintenir une forme de dialogue avec l’Iran. Ce dialogue offre la possibilité d’infléchir les postures des autorités iraniennes qui mettent en péril la santé physique et mentale d’Olivier Vandecasteele.
C’est le sens de la mobilisation sans équivoque des trente-sept organisations internationales qui – situation rare – n’ont pas hésité à s’exprimer collectivement pour dire leur volonté de voir la diplomatie européenne agir concrètement et efficacement. Si Olivier n’est pas libéré d’ici-là, le prochain Forum humanitaire européen, qui se tiendra à Bruxelles en mars 2023, offrira l’occasion aux organisations humanitaires, avec l’accord de sa famille, d’interpeler à nouveau l’Union européenne sur le sort d’Olivier Vandecasteele. Toutes les voix issues de la société civile européenne peuvent contribuer à rendre puissante cette interpellation !
Cette tribune est parue dans Libération, le 18 janvier 2023.
Liste des signataires :
Accion Contra el Hambre, Espagne, José Luis Maldonado, Président
ActionAid International, Ana Alcalde, Directrice des programmes et plaidoyer internationaux
Action Contre la Faim – France, Pierre Micheletti, Président
ADRA Germany, Christian Molke, Directeur Exécutif
Aktion gegen den Hunger, Allemagne, Cornelia Richter, Présidente
Arbeiter-Samariter-Bund Allemagne e.V., Edith Wallmeier, Membre du Comité exécutif
Avocats Sans Frontières, Chantal van Cutsem, Directrice générale
Bioforce, Bernard Sinou, Président
CARE Nederland – Reintje van Haeringen, Directeur général
Caritas Czech Republic, Jakub Licka, Secrétaire général
Christian Aid Ireland, Rev Dr Liz Hughes, Présidente
Congodorpen, Jos Van Steenwinkel, Président
COOPI – Cooperazione Internazionale, Claudio Ceravolo, Président
Coordination Sud, Olivier Bruyeron, Président
EU-CORD, Ruth Faber, Directrice exécutive
Finn Church Aid, Mr Tomi Järvinen, Directeur exécutif
Handicap International / Humanity & Inclusion, Manuel Patrouillard, Directeur général
Initiatives et changement, Marina Benedik, Directrice générale
International Rescue Committee, Harlem Désir, Vice-Président pour l’Europe
La Chaîne de l’Espoir, Anouchka Finker, Directrice générale
LM International, Isabella Olsson, Directrice plaidoyer
Médecins du Monde – Allemagne, François De Keersmaeker, Directeur Executif
Médecins du Monde - Belgique, Claire Bourgeois, Présidente
Médecins du Monde – France, Florence Rigal, Présidente
Médecins du Monde – Grèce, Chara Tziouvara, Présidente
Médecins du Monde – Suisse, Dominik Schmid, Président
Oxfam België/Belgique, Eva Smets, Directrice exécutive
People in Need (PIN), Simon Panek, Directeur exécutif
Première Urgence Internationale, Vincent Basquin, Président
Solidarités internationale, Antoine Peigney, Président
SOS Méditerranée, François Thomas, Président
Terre des Hommes, Fédération internationale, Valérie Ceccherini, Secrétaire générale
Triangle Génération Humanitaire, Véronique Valty, Présidente
VOICE, Dominic Crowley, President
Welthungerhilfe, Mathias Mogge, Directeur exécutif
ZOA, Pays-Bas, Edwin Visser, Membre du Comité Exécutif