
Le syndrome de l'Aquarius
Le syndrome de l’Aquarius, du nom de ce navire humanitaire resté en attente d’un port où jeter l’ancre, désigne la manière dont la gestion inhumaine des migrants par les pays européens se retrouve en miniature dans chaque psyché singulière, qui souffre du fait que tout être humain ne puisse trouver une place dans le monde.
Une Maison d’enfants à caractère social (Mecs) de l’une des belles régions de la France devait recevoir en urgence quatre mineurs non accompagnés, parmi une quarantaine qui venait d’être expulsés d’un squat. Une éducatrice est déléguée par l’équipe de direction pour aller les chercher. Arrivée sur les lieux, d’autres jeunes se sont précipités vers elle en lui disant : « Et moi ? » Affectée par la demande de ces jeunes en détresse, elle n’ose pas leur dire qu’ils ne sont pas sur la liste… Revenue sur son lieu de travail, elle éclate en sanglots, s’interroge sur ce qui venait de se passer et sur le sens de son travail dans le système de la Protection de l’enfance.
Au moment où se passe cette scène, en juin 2018, le navire humanitaire Aquarius attend depuis deux semaines en Méditerranée qu’un pays accepte d’accueillir les 630 migrants à son bord. L’Aquarius, puis le Lifeline, mettaient déjà ainsi en évidence sur la scène mondiale la gestion inhumaine des migrants par les pays européens.
Ce qui s’est passé dans la psyché de l’éducatrice résonne avec ce qui se passe en même temps dans la psyché collective en termes de capacité, de logique et de volonté d’accueil. Le monde « produit » des « migrants » en détresse. L’Europe négocie pour se les partager.