
Quelle mémoire de l'esclavage ? (Table ronde)
Pour les participants à cette table ronde, la loi Taubira de 2001 définissant l’esclavage comme crime contre l’humanité a constitué une conquête symbolique majeure, mais elle a échoué à mettre en place des réparations, à réformer les programmes scolaires et à promouvoir une politique culturelle ambitieuse. Les participants se demandent si la loi en question ne fait que reconnaître l’égalité des citoyens de la République au-delà de la race ou si elle participe d’une évolution du droit vers un système victimaire.
Pourquoi faire une loi instituant une commémoration de l’esclavage reconnu comme crime contre l’humanité ? En revenant sur l’origine de ce projet de loi, cette discussion contradictoire permet de comprendre les tenants et les aboutissants des demandes adressées au législateur.
Esprit – La loi Taubira, qui définit l’esclavage comme crime contre l’humanité, a été adoptée par l’Assemblée nationale en 2001. Cinq ans après, quel bilan dressez-vous de l’adoption de cette loi ?
Christiane Taubira – La loi est le fruit d’un travail laborieux mené pendant deux années et demie. Le projet de loi fut déposé en 1998 et la première lecture à l’Assemblée eut lieu en février 1999. Le projet a d’abord soulevé l’enthousiasme, surtout chez les responsables socialistes. Mais très vite, la perspective des conséquences possibles de la loi a gelé cet enthousiasme. Certains faiseurs d’opinion au sein du parti socialiste ont souhaité que le texte proposé soit réduit à un article déclaratoire, dans la lignée de ce qui fut fait pour le génocide arménien. L’article sur la réparation, qui visait à faire évaluer le préjudice et proposer des politiques publiques de réparation, a notammen