
Fragilités démocratiques
Au deuxième chant de l’Odyssée, Télémaque, figé dans l’impuissance, convoque l’assemblée d’Ithaque. Sur l’agora, il a le courage d’exposer sa souffrance devant les autres citoyens. « Je n’ai que mon urgence, le malheur sur ma maison[1]. » La douleur du fils d’Ulysse est balayée par les insultes des prétendants menés par Antinoos (« prince fanfaron, âme emportée »). La séance est levée et Télémaque se prépare à quitter Ithaque. Comme si la délibération était incapable de bousculer l’ordre des choses.
Trente siècles plus tard, le « grand débat national » va-t-il permettre de résoudre la crise et de restaurer un pouvoir d’agir collectif ? Ou bien est-il un moyen habile d’enterrer la colère ? Va-t-il servir à renforcer le pouvoir d’un seul ou la cohésion de notre communauté politique ? Dans quelles conditions les citoyens peuvent-ils participer sans être instrumentalisés ? L’expression directe de citoyens sous les plafonds dorés des préfectures coïncide-t-elle avec le principe républicain du « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » ?
À notre sens, des collections d’individus ne forment pas une assemblée, ni des prises de paroles juxtaposées, une délibération. Du côté des institutions, on croit tr