
Des jeunes sans bercail
La précarité de la jeunesse peine à s’imposer comme un enjeu politique. C’est d’autant plus urgent que la crise de la Covid-19 a frappé de plein fouet une population que l’État a laissée livrée à elle-même.
Kevin avait 20 ans et vivait à la rue depuis trois ans loin de sa famille. Dans un parc, lors d’une marche contre la pauvreté, il nous regardait en se tenant à distance. Nous nous étions approchés et nous avions commencé une conversation. Il était sans bercail, sans famille, sans lien avec les institutions. Il était resté les quatre jours de la marche. Puis, un habitant de Chambéry lui avait prêté son jardin pour qu’il pose sa tente quelques jours. Les semaines étaient passées. Il s’était rendu une fois jusqu’à la mission locale. Un matin, il avait disparu, reparti sur les routes et sous les ponts. Qu’est-il devenu ? Combien de vies comme la sienne ? Combien de Rimbaud sans poèmes ? Comment comprendre qu’on abandonne ces jeunes concitoyens à leur sort de traverses et de misères ?
La question ne date pas d’hier. Le 4 octobre 1988, Jean-Michel Belorgey prend la parole dans l’hémicycle doré de l’Assemblée nationale. Rapporteur du projet de loi créant le revenu minimum d’insertion, il soulève « la grande question » des jeunes. Il propose d’ouvrir le dispositif à ceux qui ont charge de famille et ajoute : « Peut-être le gouvernement pourrait-il aussi faire des propositions en ce qui concerne les jeunes de moins de 25 ans qui n’ont pas réussi à s’insérer et qui ont en quelque sorte épuisé les possibilités qui leur sont offertes au titre des actions spécifiques. Mieux vaut, en effet, ne pas attendre quelques années encore pour leur donner de nouvelle