
États d’urgence
Comment comprendre le recours compulsif à l’urgence qui caractérise notre vie politique depuis plusieurs années ? Si elle est légitime en certaines circonstances, l’invocation de l’urgence permet surtout aux dirigeants de donner le change tout en court-circuitant le débat démocratique.
Nous étions en octobre 2017. L’état d’urgence était en vigueur depuis près de deux ans. À l’échelle du pays entier, une situation inédite. Pour en sortir, le gouvernement propose une loi dite SILT, pour « Sécurité intérieure et lutte contre le terrorisme », qui lui offrait de conserver les mêmes moyens d’action, hors état d’urgence : les « perquisitions administratives » étaient adoucies en « visites domiciliaires », les « assignations à résidence » en « mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance » (Micas). Des modèles d’euphémismes légistiques. L’opposition de droite s’inquiétait de cette sortie de l’état d’urgence, laquelle aurait signifié une baisse de la garde, une retraite, presque un abandon en rase campagne du combat contre les djihadistes. Bien que le nouveau texte n’ôtât ni n’ajoutât rien au régime de la loi de 1955, et sans doute pour rassurer, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, avait eu cette phrase consternante : il n’hésiterait pas à rétablir l’état d’urgence en cas de situation « dramatique1 ». Fallait-il plaider l’incompétence, déplorer un tour de passe-passe communicationnel, voir dans cette réplique absurde la monnaie de la pièce d’attaques qui ne l’étaient pas moins ? Ou prendre au sérieux cette réponse pour tenter de comprendre pourquoi, chez les gouvernants comme chez les gouvernés, l’urgence relève aujourd’hui de l’addiction ? Les régi