
La richesse et la justice
John Rawls et l'économie politique
Le mouvement des Gilets jaunes force à repenser l’articulation par Rawls de la richesse et de la justice sociale. En effet, une société juste ne peut être fondée sur une organisation inefficace des conditions d’existence.
Les sociétés contemporaines sont incontestablement malades ; le mot « populisme » ne suffit pas pour établir un diagnostic, mais il en résume commodément certains symptômes. En France, ce phénomène a pris la forme spectaculaire des Gilets jaunes. On a parfois parlé de soulèvement parce que ces manifestations ne correspondaient en rien à la forme traditionnelle du mouvement social. Leur caractère spontanéiste, le refus de tout leadership, l’addition de revendications hétéroclites, la faiblesse des ressorts idéologiques, rien de tout cela n’est conforme aux représentations et aux modes d’action qui ont marqué l’histoire sociale du xxe siècle. Le pouvoir a été pris au dépourvu et a fait face comme il le pouvait. Mais l’organisation novatrice d’un « grand débat national » n’a pas suffi à cacher qu’il colmatait la brèche en ouvrant les vannes budgétaires. L’argent, en tout cas, fut, sous toutes les formes, au cœur du malaise exprimé sur les ronds-points : l’argent privé, si abondant au sommet et si scandaleusement mal réparti ; l’argent public, mal prélevé et toujours insuffisant pour répondre aux besoins sociaux. Et cette perception semble si communément répandue dans les esprits qu’elle suffit probablement à expliquer un soutien de l’opinion publique allant bien au-delà des manifestants. Paradoxalement, ce mouvement social sans pers