
Quels espaces pour la démocratie ?
La démocratie est toujours associée à l’idée de l’agora, de l’espace clos de la cité dans lequel le peuple délibère, en particulier en période de crise de la représentation, lorsque celle-ci apparaît comme une usurpation. Ce retour à l’agora, cependant, peut se faire aussi bien sur le mode d’une démocratie fermée et xénophobe que sur celui d’une réappropriation concrète de l’espace public : c’est à ces deux mouvements que l’on assiste aujourd’hui.
Un lien originel relie la démocratie à l’espace1. La démocratie renvoie en effet à l’idée ou à l’image du peuple assemblé sur l’agora. Le peuple approuve ou désapprouve les propositions des orateurs politiques ou des magistrats, il choisit parfois ceux-ci, il délibère et vote à main levée. Il y a là une couche profonde de l’expérience politique, grecque, au sens de la polis, comme cadre originel de la démocratie.
On peut sans doute chercher un lien plus « originel » encore dans la constitution même de la cité. Heidegger notait ainsi dans ses séminaires sur Hegel :
Ce qu’est la polis, nous en faisons l’expérience dans Homère, Odyssée, livre VI, vers 9 et suivants : « autour de la polis il éleva [fit élever] une enceinte, et il bâtit des maisons, et des temples pour les dieux, et il fit le partage des terres ».
La polis est un espace délimité, distinct d’un « dehors », et au sein duquel les citoyens vaquent à leurs occupations, au commerce, aux rituels et à la discussion publique des problèmes. « Ce milieu est proprement le temple et la place du marché, sur lequel l’assemblée des politai a lieu2. »