
L’illusion souverainiste
Le souverainisme manifeste un désir démocratique. Mais ce désir occulte le droit international, qui entérine la reconnaissance de la souveraineté par les autres États, le droit constitutionnel, qui garantit le pluralisme du peuple souverain, ainsi que le droit social, qui témoigne de l’exigence de solidarité nationale et européenne.
À la veille de l’élection présidentielle, le débat politique français, tel qu’il se déroule dans les grands médias, est si vide qu’on pourrait croire que la France est un pays intellectuellement sinistré. C’est dans ce vide et dans l’étroitesse nationale que prospère la rhétorique de la souveraineté, tantôt sous la forme d’un appel qui reste incantatoire à la « souveraineté européenne » (sans proposition de réforme), tantôt sous la forme d’un souverainisme d’un nouveau genre, particulièrement stérile, qui propose de rester dans l’Union européenne tout en y pratiquant une politique de l’égoïsme national, de l’incivilité et de l’obstruction. Tous les camps s’en trouvent frappés.
Alors même que les ressources du projet d’une démocratie sociale et écologique se renouvellent dans des productions théoriques majeures, et que l’audience rencontrée par les combats européens d’un Raphaël Glucksmann atteste une attente politique en souffrance, la gauche politique ne s’est pas seulement amenuisée à une portion congrue de l’électorat : elle semble n’avoir d’identité que fantomatique. Du côté socialiste, elle s’est évaporée dans un vague libéralisme de centre-droit sans idées ; du côté écologiste, elle ne parvient pas à se définir politiquement ; du côté de La France insoumise, elle s’est embrumée dans un confusionnisme gazeux, mêlant le programme d’un keynésianisme national à une rhétorique « antisystème » peu discernable des ressentiments de la droite illibérale, dont elle part