
Reprendre le contrôle ? Relances et ambiguïtés de la souveraineté
Transférée du roi au peuple, la souveraineté a subi un processus de dés-absolutisation. Mais si les soulèvements actuels renouent avec cette exigence, c’est aussi pour répondre à un sentiment légitime de dépossession démocratique.
Comme d’autres piliers de l’organisation politique moderne du monde, la souveraineté n’a cessé d’être « en crise ». Le juriste Carl Schmitt, qui définit la souveraineté par la capacité à décréter l’état d’exception et à suspendre l’ordre juridique normal, écrit ainsi en 1963 : « L’ère de l’État est à son déclin1. » Selon lui, la figure classique de l’État souverain était secouée par les mouvements révolutionnaires transnationaux des années 1960, par la constitution d’un nouveau droit international, par la « déterritorialisation » liée aux échanges économiques, etc.
Mais la souveraineté a paru se reconfigurer, voire se renforcer à la faveur d’autres « crises ». Ce fut le 11-Septembre et la réaffirmation unilatérale de la puissance américaine, se déliant de bon nombre d’obligations et conventions internationales pour mener la war on terror. Ce fut le Brexit, à contre-courant du mouvement historique de la construction européenne. Ce sont encore les « reprises en main » d’Internet par l’État chinois ou, dans une moindre mesure, russe. C’est enfin la crise sanitaire, qui a suscité des appels non seulement à une « relocalisation » industrielle, mais à la reconquête d’une forme de « souveraineté nationale et européenne2 ».
Gageons donc que nous n’en avons pas fini avec la souvera