
Eschyle et le visage des noyés
Le roi d’Argos, face au choix qui lui est donné d’offrir l’hospitalité ou de la refuser, avoue : « Je ne sais que faire ; l’angoisse prend mon cœur ; dois-je agir ou ne pas agir ? […] J’ai besoin d’une pensée profonde qui nous sauve. » Ainsi, dans Les Suppliantes d’Eschyle[1], Pélasgos craint-il la « souillure » que pourrait rejeter, sur la cité qu’il gouverne, l’accueil de cinquante princesses « barbares » en fuite et en danger de viol collectif, voire d’extermination. Les jeunes femmes sont accompagnées de leur père et de cinquante suivantes : une interminable et encombrante caravane du désespoir.
Qu’est-ce donc un Noir ?
La seule pensée profonde qui sauve, ce sera celle du peuple, à qui Pélasgos laisse le choix et l’entière responsabilité de statuer et d’ouvrir ou non la cité à l’inconnu et au désordre inévitable d’une telle adoption. Peuple qui, au mitan de la pièce et hors scène – Eschyle veut que le s