
Le trésor perdu de la révolution polonaise
Pionnier de l’opposition polonaise dès 1956, l’historien Karol Modzelewski évoque son identité, son rapport à la classe ouvrière et à l’internationalisme, le mythe de Solidarité, ainsi que le tournant néolibéral des années 1990.
Le 15 avril 2019, la revue Esprit recevait Karol Modzelewski à l’occasion de la sortie de son livre, Nous avons fait galoper l’histoire[1] pour l’interroger sur l’histoire de la Pologne. Il s’est éteint le 28 avril. Pionnier de l’opposition dès le mouvement de 1956, Karol Modzelewski avait rédigé en 1965, avec son ami Jacek Kuroń, une Lettre ouverte au Parti ouvrier unifié polonais (POUP), une analyse marxiste révolutionnaire du système communiste qui leur valut la prison et dont l’influence marqua une génération de jeunes contestataires en Pologne et au-delà. Avec les mouvements étudiants à l’université, notamment autour d’Adam Michnik, ils furent à nouveau arrêtés et condamnés à trois ans et demi de prison. En 1980, Karol Modzelewski rejoignit les grévistes des chantiers navals de Gdańsk et participa à la naissance du nouveau syndicat indépendant Solidarność, dont il fut le porte-parole en 1980-1981 et élu délégué du comité de Wrocław : « ce mouvement était l’incarnation du mythe auquel j’avais cru dans ma jeunesse », écrit-il dans ses mémoires. Il se retira assez vite des responsabilités politiques directes, pour devenir un grand historien du Moyen Âge, auteur de recherches originales sur les origines slaves de l’Europe[2]