Nos aveuglements face au réel. Introduction
Le capital produit essentiellement du capital
Depuis une vingtaine d’années, la « marchandisation du monde » fait l’objet d’une critique aussi virulente qu’impuissante. Ici même nous avons, non sans faire référence à la pensée de Michael Walzer, rappelé que la logique marchande ne peut être imposée à tous les types de « biens » et que la santé, l’éducation et la citoyenneté ne relèvent justement pas de celle-ci1. Mais il aura fallu attendre que la crise financière de 2008 produise des effets sociaux tangibles, et inédits par leur gravité, pour que cette question revienne au premier plan et que l’on s’interroge sur les liens de la démocratie et du marché. Encore cette crise n’est-elle que l’aboutissement (et, pour certains, seulement l’ultime avatar) d’une longue période de dérégulation économique inaugurée par les chocs pétroliers des années 1970. À l’aune des trois dernières décennies, la crise apparaît plus comme un horizon quotidien que comme une rupture dans l’ordre normal des choses. Cette « normalisation de l’exceptionnel » incite à reposer le problème du capitalisme et de son mode de fonctionnement en dehors du cadre décrit ou plutôt prescrit, s