Nul n'est prophète en son pays
L’hommage qui a suivi la disparition d’Aimé Césaire n’a-t-il pas témoigné du malentendu qui menace désormais sa défense de la « négritude » ? S’il voulait opposer la fierté d’une histoire à un insupportable racisme blanc, Césaire ne l’entendait nullement comme la célébration d’une particularité mais comme une voie d’accès à l’universel, qui restait, par-dessus tout, sa perspective.
Principe d’une saine politique antillaise : ouvrir les fenêtres. De l’air. De l’air.
L’éloge funèbre est le mode d’expression par excellence du malentendu, involontaire ou parfois délibéré. Parce qu’entre autres choses, cette expression est des plus sensibles à « l’air du temps ». Et, lors du décès d’Aimé Césaire, l’air qui soufflait depuis un certain temps déjà (et qui soufflera encore longtemps, je le crains) était au noirisme. Or le « nègre fondamental » – qui, tout au long de sa vie, avait témoigné à maintes occasions du malaise qu’il éprouvait devant bien des interprétations de l’idée de négritude qu’il avait forgée avec quelques compagnons – ne se voulait surtout pas noiriste. « Parlons-en des Nègres ! » – et, de fait, il en a beaucoup parlé – mais ne parlons pas de négrisme ; cela a toujours été sa ligne de conduite.
L’ambivalence d’une pensée
L’affirmation de la négritude n’a ainsi pas été dans l’esprit de son principal artisan le fondement d’une théorie ou d’une ontologie – comme le disent imprudemment de trop nombreux thuriféraires de l’écrivain et homme politique martiniquais – mais avant tout une réaction sensible à l’intolérable domination coloniale et à son consubstantiel racisme, une sorte de mouvement d’humeur, ou une simple « attitude existentielle » comme le suggère Jean-Paul Sartre1, et à la fin la « métaphore littéraire2 » de ce que Césaire a toujours affirmé être sa « passion de la justice3 ». Écoutons ce que le poète lui-même en a dit dans divers entretiens :
Je parle de négritude pour répondre au raciste… Vous m’appelez nègre et bien nègre je suis et… le nègre vous emmerde.
Ou, de manière plus analytique :
Si les Nègres n’étaient pas un peuple, disons de vaincus, enfin un peuple malheureux, un peuple humilié, etc., renversez l’Histoire, faites d’eux un peuple de vainqueurs, je crois…, qu’il n’y aurait pas de négritude. Je ne me revendiquerais pas du tout de la négritude, cela me paraîtrait insupportable4.
Et :
Je suis pour la négritude d’un point de vue littéraire et comme éthique personnelle, mais je suis contre une idéologie fondée sur la négritude5.
C’est donc bien un appétit insatiable de principes valables pour tous (la justice, l’égalité, la fraternité, etc.) qui met en branle la dynamique césairienne. Il s’ensuit une volonté sans limites de chercher et de trouver l’Homme partout, en soi et en tous les hommes. La pensée de Césaire penche ainsi nettement du côté de l’universalisme (ce que nombre de ses successeurs, Édouard Glissant en tête, ne manqueront pas de lui reprocher). En témoignent les magnifiques vers du Cahier d’un retour au pays natal, si souvent cités, où le poète dit les Nègres
et déclare que s’il
Mais la parole césairienne confirme aussi la vérité générale que dans un système social aussi inégalitaire qu’une colonie, où sévissent un fort racisme et un puissant ethnocentrisme de la part des colons, le dénigrement de leurs cultures ne laisse pas aux colonisés d’autre possibilité pour parvenir à l’égalité qu’ils revendiquent que de faire reconnaître la particularité et la dignité de leurs identités bafouées ; quand bien même la représentation que se font de celles-ci la plupart des dominés est, pour une large part, celle qui leur a été assignée par les dominants7. Et que dans un tel contexte – où le préjugé de la pureté raciale vient insulter l’universalité du métissage et dont Glissant dit dans Mémoire des esclavages8 que « le tout [y] est mal embouché » – il semble indispensable de « passer par l’exaltation légitime et dévorante des composantes », en l’occurrence de la composante nègre.
Dès lors, au fond des interprétations de sa pensée qui plongeaient Césaire dans le malaise se trouve assurément la tentation de faire des identités collectives des données de nature, donc des réalités absolues et anhistoriques. Une tentation devant laquelle Césaire semble lui-même parfois vaciller, comme c’est le cas, par exemple, dans un entretien qu’il a accordé au Magazine littéraire9 au cours duquel il affirme sans nuance la « nature africaine », la « vérité profonde africaine de l’être » des Martiniquais, pour reprocher à ceux-ci de la trahir sans cesse. On est alors loin du seul caractère de métaphore de la Négritude et de son rapport à l’Afrique que nous rappelions plus haut. Mais si le chantre de la négritude définit celle-ci comme « la conscience d’être noir, simple reconnaissance d’un fait…; affirmation… d’une fidélité à un ensemble de valeurs noires10 », il n’ignore pas le plus souvent cependant que ce fait « est fait », qu’il est uniquement le produit d’une histoire de souffrances et de luttes. Et il ne méconnaît pas davantage que ces valeurs ne sont pas les émanations nécessaires d’une essence raciale – à l’inverse de ce que tend à soutenir Léopold Senghor – mais qu’elles ont été constituées dans cette histoire par la liberté d’hommes qui ont fait celle-ci. N’a-t-il pas déclaré : « Ma conception de la Négritude n’est pas biologique, elle est culturelle et historique11 »? Bref pour lui, comme pour Jean-Paul Sartre, ce n’est pas la race qui fait le racisme mais le racisme qui crée la race.
On peut certes aujourd’hui regretter que Césaire, des deux dimensions de la démarche par laquelle il historicise son concept de négritude : la rétrospective et la prospective selon ses propres termes, n’ait pas privilégié davantage la seconde et en soit souvent resté à l’identification nostalgique, à un paradis africain perdu et mythique ainsi que, surtout, à un devoir de fidélité envers des valeurs qui seraient propres aux seuls nègres. Et on peut ainsi rejoindre les fortes critiques que Frantz Fanon adressait à la Négritude dans l’admirable conclusion de Peau noire, masques blancs :
Non, je n’ai pas le droit d’être un Noir. Je n’ai pas le devoir d’être ceci ou cela. Si le Blanc me conteste mon humanité, je lui montrerai, en faisant peser sur sa vie tout mon poids d’homme, que je ne suis pas ce « Y a bon Banania » qu’il persiste à imaginer. Je me découvre un jour dans le monde et je me reconnais un seul… devoir : celui de ne pas renier ma liberté au travers de mes choix. Je ne veux pas être la victime de la Ruse d’un monde noir. Ma vie ne doit pas être consacrée à faire le bilan des valeurs nègres… Le nègre n’est pas, pas plus que le Blanc12.
Mais pour peu qu’on le fasse, il ne faut cependant pas oublier que, selon la belle formule d’Ernest Renan, l’admiration est historique et que si l’on peut faire siennes de telles critiques, l’on doit aussi comprendre l’ardente obligation ressentie en leur temps par Césaire et ses compagnons de mettre « le nègre debout ». À ceux qui viennent après eux la tâche de poursuivre le chantier qu’ils n’ont pu achever.
La tension du particulier et de l’universel
Faire reconnaître qu’« il est bel et bon d’être nègre », donc la dignité d’une identité particulière dont il nous semble désormais inutile d’expliquer – après Césaire – qu’elle n’est pas « raciale » mais historique, sans que cette reconnaissance ne conduise à un particularisme qui en dernière instance ferait obstacle à la réalisation de la fin visée, celle de la fraternité universelle, continue d’être le gros œuvre du chantier qu’il nous reste à accomplir.
Or, force nous est de constater que la tension qui déchire durablement le couple formé par la légitime revendication d’une particularité « nègre » et la nécessaire assomption de l’universelle condition humaine a été jusqu’à présent plus escamotée que réduite. Et ce même chez les meilleurs auteurs, comme par exemple dans l’admirable préface – « Orphée noir » – que Sartre donna à l’Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française éditée par Léopold Sédar Senghor13.
On sait que pour le philosophe il existe une dialectique qui doit nécessairement assurer le passage du moment de la négativité par laquelle le nègre s’affirme contre le racisme blanc (« puisqu’on l’opprime dans sa race et à cause d’elle, c’est d’abord de sa race qu’il lui faut prendre conscience »), le fameux « racisme antiraciste », à celui de la positivité de l’« unité finale qui rapprochera les opprimés de toute couleur dans le même combat14 ». Affirmer cela – sans qu’aucune inquiétude ne vienne tempérer le propos – revient à se voiler la face devant l’évidence que le dépassement dont la nécessité est postulée n’a rien de fatal mais qu’il requiert l’énergie des individus, qu’il n’est jamais définitivement acquis mais qu’il constitue une entreprise sans fin, toujours à recommencer. C’est tomber dans le dogme d’une prédestination de la « race » à se nier elle-même.
Nous disposons aujourd’hui, soixante ans après que la prophétie sartrienne eut été énoncée, d’assez de recul dans le temps pour pouvoir juger que la dialectique en question est durablement grippée. Cette prophétie ne cesse pourtant pas d’être répétée. Ainsi sa logique d’un dépassement automatique de la « race » est reprise de nos jours dans tant et tant des argumentaires prétendant justifier la demande que soit reconnue l’existence d’une « identité noire ». Par exemple, quand en opposition à l’accusation d’essentialisme qui est souvent adressée à cette demande, il est soutenu – comme nous l’avons plusieurs fois entendu dans un colloque franco-américain auquel nous participions récemment15 – que celui-ci est un mal nécessaire qui passera, une contrainte momentanée qui s’effacera dès lors que la réclamation présentée commencera à être entendue. Mais, dès lors que celle-ci serait couronnée de succès, qui pourrait imaginer que le provisoire ne deviendra pas définitif ? Qui oserait et saurait déracialiser demain ce qu’il accepte de racialiser aujourd’hui ? Car on le sait bien : on ne change pas les stratégies – comme les équipes – qui gagnent ! Et puis, dès lors que l’on reconnaît déjà que l’essentialisme, qu’il soit négriste ou autre, est indéfendable, pourquoi ne pas rompre avec lui sans plus attendre ?
Plus inquiétant encore : aujourd’hui, lorsque le schéma dialectique sartrien finit par être mis de côté, c’est pour adopter une démarche qui va un cran plus loin dans l’escamotage que nous avons regretté. Cette démarche repose sur le principe qui veut que l’affirmation particulariste de valeurs identitaires, par exemple « nègres », et l’exigence universaliste de l’égalité de tous les individus, de quelque identité qu’ils puissent être, soient – sans condition – toujours compatibles entre elles. Ainsi avec ce principe, qui est en passe de devenir dans la France contemporaine un cliché central du discours politiquement correct, la tension de l’Universel et du Particulier n’aurait plus à être dépassée puisqu’elle serait tout simplement niée. Il n’y aurait plus rien à penser, ni à dire, à son sujet. Circulez ! Et pourtant il est de trop nombreux « faits polémiques », de trop nombreuses particularités qui viennent heurter ce que, en l’absence d’un long développement, on doit appeler l’« intuition » morale universelle – de l’excision des fillettes à l’esclavage domestique et à bien d’autres encore, dans « le monde noir » comme sous toutes les latitudes – pour que l’on puisse succomber à un tel optimisme.
C’est qu’en vérité les discours qui mettent en avant ce principe arrêtent leur raisonnement juste devant le point où il devrait commencer, à savoir juste avant la « question préalable » des conditions de possibilité de la compatibilité postulée : comment et à quel prix établir cette harmonie qui n’a rien de préétablie ? Une question qui, à notre sens, ne peut avoir, en première approximation, qu’une seule réponse : en construisant dans la société où l’on vit, à partir d’une prise en considération critique et sans exclusive des différentes traditions culturelles qui y sont présentes, un corps de valeurs et de normes qui, transcendant l’ensemble de ces traditions, soumet chacune à un contrat qui s’impose à toutes et que, par-delà les différences individuelles et de groupe, chaque individu doit partager.
Nous voilà donc revenus à la nécessité de rassembler et d’organiser le corps social autour d’une visée d’universalité. Mais nous disons bien « visée » car nous ne croyons pas que le corps de valeurs et de normes que nous venons de dire nécessaire soit déjà là, disponible sur « le marché des biens symboliques », comme s’il existait de toute éternité (ou, du moins, depuis « le miracle grec » revu et corrigé par la philosophie des Lumières et ce qui serait sa plus haute incarnation : la Révolution française de 1789) et que le modèle républicain français en serait comme l’étalon déposé au Pavillon de Sèvres. Il reste à conquérir, dans une incessante négociation et redéfinition qui, à partir de la prise en compte raisonnée et critique des différences culturelles que certains voudraient fantasmatiquement refouler, se développerait de manière diversifiée au cœur même de nos institutions. C’est-à-dire à travers un dialogue permanent entre les cultures concernées (une véritable interculturalité), qui, à en juger par la vivacité des débats « de société » faisant régulièrement la une de l’actualité française, ne peut manquer d’être conflictuel, mais où chacun doit s’engager en étant convaincu que rien n’est a priori non négociable – avant un libre examen de la raison – et en acceptant l’éventualité d’importants changements dans son propre credo, bref en étant ouvert à une dynamique de transformation mutuelle, au lieu de se complaire dans ses particularités, aussi grandioses ou douloureuses soient-elles. Comme le dit fort bien le sociologue britannique d’origine jamaïcaine Harry Goulbourne, il s’agit de
soumettre toutes les cultures, sans exception, à la critique afin de créer quelque chose d’entièrement nouveau [qui] impliquera d’abandonner certains aspects de chacune au profit des aspects bénéfiques de toutes16.
Dès lors il nous semble que dans l’idée largement partagée selon laquelle l’universel est nécessairement au bout d’un enracinement particulier ou, pour le dire comme un des meilleurs intellectuels martiniquais, que « la possession du particulier est la méthode nécessaire d’accession à l’universel17 » il peut y avoir l’illusion d’une autosuffisance de tels enracinements. Ainsi si nous sommes prêts à affirmer – selon une brillante formule aujourd’hui très en cours, qui est en réalité une demi-vérité et une demi-habileté – que « l’Universel c’est le Particulier sans les murs », c’est à la condition impérative de ne pas ignorer que pour l’atteindre il faut abattre les murs, tous les murs.
La résolution du dilemme qui nous occupe passe donc par un élan vers des normes si ce n’est universelles du moins universalisables (car on ne fait jamais que cheminer vers l’Universel sans pouvoir jamais prétendre être définitivement parvenu jusqu’à lui) et donc par la construction d’un universalisme concret qui, à l’inverse de son équivalent abstrait, ne dissimule pas derrière des professions de foi générales et en apparence généreuses la prétention d’un particulier, l’Occident, à régenter universellement. Mais l’élan en question ne peut avoir pour mode opératoire que la mise en tension, dans une confrontation sans concession, des différentes traditions dont chaque collectivité participe.
Le génie de Césaire est d’avoir su assumer cette nécessité dans ses relations avec de nombreuses autres cultures que la sienne, y compris avec celle de la puissance coloniale dont il a toute sa vie combattu la prétention à l’hégémonie et où il a pourtant osé puiser les « armes miraculeuses » qui lui semblaient utiles pour ce combat. Cette ligne de crête passant entre appropriation délibérée et opposition résolue – qui justifie amplement l’emploi répété que nous avons fait ici de la notion de dialectique – désigne une porte étroite à travers laquelle la plupart des successeurs du poète n’ont pas su ou pas voulu s’engouffrer. D’ailleurs, nombre d’entre eux, avant qu’ils ne deviennent les thuriféraires d’après-obsèques que nous avons évoqués en débutant notre réflexion, ne voyaient-ils pas dans le périlleux chemin emprunté par le héraut de la Négritude, la voie d’une complaisance coupable à l’égard de la domination coloniale ?
Ainsi, là où Césaire commençait à organiser la collision interactive et donc féconde des divers que Glissant, par la suite, mettra de manière systématique en lumière (et aussi en obscurité) dans son exploration du chaos du monde, beaucoup d’intellectuels antillais d’aujourd’hui jugent préférable de s’enfermer dans les exclusions qui sont censées permettre la préservation d’une identité « propre ». Il n’y a là « à dire vrai qu’un exorcisme volontariste » – comme l’a déjà noté Suvélor – car
le nationalisme qui alors surgit ne fonctionnant donc plus dans le dépassement (le partenaire-adversaire étant refusé) mais comme valeur unique de refuge, son discours est condamné par là même à fonctionner… comme essentialité figée18
et, ajouterons-nous, stérile.
Décrocher le politique du culturel
De l’exigence que les principes régissant le vivre-ensemble des membres d’une société donnée soient construits dans et par la mise à distance des systèmes de valeurs particuliers des groupes constitutifs de cette société découle l’injonction que soit fermement refusée toute tentative de superposer l’ordre politique à l’ordre culturel en prétendant aligner l’identité politique jugée légitime sur l’identité culturelle postulée authentique19. Or – si l’on fait retour à Césaire et à son « pays natal – quand on observe attentivement la vie politique martiniquaise, c’est à une évolution qui va à l’inverse de ce refus que nous assistons (comme c’est également le cas en Guadeloupe).
La confusion des revendications
Dans la plupart des décolonisations, on a observé une politisation délibérée et croissante de l’expression de ce qu’avait déjà d’objectivement politique l’affirmation culturelle des peuples dominés, qui avait souvent été fondatrice de leur révolte anticoloniale. On a donc, dans ces situations, assisté à un décrochage progressif de l’action politique par rapport à cette affirmation, qui, de manière concomitante, a été en s’amenuisant. Aux Antilles françaises, au contraire, on doit noter aujourd’hui un renforcement et une autonomisation du discours identitaire culturel, et ce au détriment d’une véritable réflexion politique. En forçant un peu le trait, ce discours tend à absorber le tout de la revendication « anticoloniale », ne laissant pratiquement exister d’expression politique nationaliste que l’affirmation d’une spécificité culturelle, et même est porté à se répandre dans les milieux départementalistes sous la forme modérée de ce qu’on peut appeler un localisme.
Il est à cet égard frappant de remarquer la faiblesse générale, en termes de perspectives politiques, des grands débats qui agitent de nos jours les sociétés antillaises ou leurs « diasporas » en « Métropole20 » et, plus encore, la confusion intellectuelle qui règne souvent dans ces débats. Tout semble se passer, en effet, comme si les mots n’y avaient plus de sens que flottant et que leur signifiant pouvait porter, sans aucun souci de cohérence, des signifiés contraires. Un état de choses auquel, comme nous allons le voir, la suprématie de la problématique identitaire n’est pas étrangère.
Ainsi, on continue d’exiger l’égalité de tous les citoyens et l’on pense pouvoir parvenir à celle-ci en revendiquant, au titre d’une identité ou d’une histoire particulière, la mise en œuvre aux Antilles du principe d’une « préférence locale » (notamment en matière d’emploi) qui est le strict opposé de cette égalité. Et ce, de plus, sans se soucier de ce que l’application de ce principe dans l’Hexagone serait rédhibitoire pour les Antillais installés sur le sol métropolitain.
Toujours au titre du souci de la même identité, certains proclament la nécessité d’une nouvelle souveraineté politique dont, par ailleurs, ils ne semblent guère préparer le projet, même quand ils sont en position institutionnelle de le faire : c’est le fameux « l’indépendance et après on verra » de l’actuel leader du principal mouvement indépendantiste martiniquais, député et actuel président du conseil régional de la Martinique et, avec lui, de bien d’autres personnes. C’est qu’en définitive ils attendent peu ou prou les moyens matériels de l’exercice de cette souveraineté des finances de la puissance à laquelle elle serait arrachée ; ce qui reviendrait à réintroduire le ver de la dépendance dans le fruit de ce qui est voulu comme une autonomie. Ce paradoxe a pu étonner au point d’amener des intellectuels très éloignés de la sensibilité départementalise à y voir l’expression d’un « assimilationnisme nationaliste21 ».
La demande de réparation du crime de l’esclavage – une exigence qui découlerait nécessairement de l’histoire propre des pays antillais comme une « ardente obligation » – est de plus en plus souvent avancée pour tenter de légitimer toutes sortes de revendications particularistes : de la réclamation d’une « préférence locale », déjà évoquée, jusqu’à celle, tout à fait singulière, que l’on a vu surgir il y a quelque temps en Martinique d’une légalisation automatique et sans frais des nombreuses occupations sans titre par des personnes privées des cinquante pas géométriques22 ! Tel qu’il est alors effectué, le rappel du pan le plus douloureux de l’histoire propre sert, selon les termes que R. Suvélor employait il y a déjà vingt-cinq ans,
[d’]alibi et justification de l’assistance : l’aide devient, dans l’aliénation nouvelle, comme la juste compensation, la réparation monétaire de l’injure subie, en somme un nouvel esclavage de la nourriture reçue sous sa forme moderne (l’argent)23
et fait ainsi offense à l’impératif de dignité par lequel, entre autres choses, est fondée la demande de réparation. De plus, il contrevient encore plus fondamentalement à ce qui peut asseoir la légitimité de cette demande en perdant de vue que celle-ci n’est légitime que dans la mesure où, loin de répondre à une exigence particulariste, elle obéit au principe de l’universalité des droits humains, puisque le crime qu’il s’agit de réparer a été précisément un déni de l’égalité en droit de tous les individus24. Encore une fois, comme l’a dit le poète, c’est pour la faim universelle, pour la soif universelle… qu’il convient de parler et d’agir.
Et ainsi de suite…
La faiblesse et la confusion dont nous ne venons de donner que quelques exemples sont largement responsables de l’incapacité généralisée que l’on constate à ce que dans le débat public soient collectivement pris à bras-le-corps nombre des principaux problèmes que continuent d’affronter les populations qui vivent dans ou qui procèdent des sociétés antillaises : de la régression continue de l’appareil productif de celles-ci et du renforcement concomitant de ce qui est aujourd’hui dénoncé, de tous côtés, comme un assistanat castrateur jusqu’aux fléaux sociaux que sont, par exemple, le développement de la délinquance meurtrière, de la toxicomanie ou de graves épidémies, en passant par la persistance de rapports de genre fortement inégalitaires et d’une puissante homophobie, sans oublier la montée de l’intolérance à l’égard de tous ceux qui viennent d’ailleurs (à commencer par les voisins de la Caraïbe) et de bien d’autres difficultés encore.
En divergence de la négritude
L’inflation de l’identitaire culturel dont nous venons d’indiquer un certain nombre d’effets pour la réflexion et l’action politiques représente une volte-face par rapport aux orientations fondamentales de la pensée césairienne ; loin de la poursuite du chantier dessiné par ces orientations, c’est à la fermeture de celui-ci que l’on est convié. Il y a, en effet, dans l’évolution que consacre cette inflation, une rupture manifeste – qui n’a pas été encore assez soulignée – avec l’œuvre de Césaire et de ses premiers compagnons. Car, si – en opposition, mais aussi en continuité, avec la politisation des faits de culture qu’opère l’assimilationnisme colonial – les tenants de la Négritude ont été les premiers à mettre en avant la spécificité culturelle de leurs peuples pour contester le règne métropolitain, ils n’ont pas pour autant rabattu, à la différence de ce que feront leurs successeurs, les vœux de l’appartenance politique sur les postulats de l’identité culturelle. Ainsi, de manière générale, la politique césairienne a débordé de beaucoup la stricte démarche identitaire, et même – à ne considérer que cette démarche, puisqu’elle constitue la principale cible de notre présente réflexion – l’action culturelle qui a été menée dans le cadre de cette politique est restée durablement marquée par le vœu de l’universel. Que l’on songe, par exemple, à ce qu’a été du temps de sa splendeur le festival municipal de Fort-de-France – la ville dont Césaire a été durant un demi-siècle le premier édile – et le rôle qu’y a joué, dans ses premières années, l’homme de théâtre français Jean-Marie Serreau.
Au plan strictement politique, il nous semble que le point essentiel sur lequel les revendications des mouvements culturels d’aujourd’hui diffèrent de celles de la Négritude en son état initial tient à un changement profond de l’humeur collective des sociétés antillaises. Le cri de la Négritude était porteur de l’immense espoir d’une refondation sociale et politique générale et en ce sens, comme cela a déjà été dit et même rappelé, il élevait l’identité affirmée en un passage vers « l’aurore de l’universel ». Les affirmations et réclamations identitaires actuelles, quant à elles, paraissent se contenter de tirer à l’extrême les conséquences du désenchantement local né de l’échec du projet d’égalité qui soutenait l’espoir dont il vient d’être question (au point qu’on peut avoir le sentiment d’une sorte de résignation face au naufrage de ce qui serait considéré comme ayant été une vaine espérance). À grand renfort d’exhortations à l’authenticité dont, par exemple, l’Éloge de la Créolité déjà mentionné abonde, elles font alors de l’affirmation de l’identité revendiquée une fin en soi qui n’est tempérée que par le vœu pieu d’une « harmonisation consciente des diversités préservées », une « diversalité25 ». Les discours identitaires antillais tendent alors à n’être plus qu’une drogue, plus ou moins douce, administrée pour apaiser les brûlures de la désillusion départementale ; c’est en ce sens que nous les dirions constituer désormais « l’enchantement d’un désenchantement ».
L’évolution singulière de la revendication politique antillaise vers un « tout culturel » a, à l’évidence, partie liée avec le fait que la dynamique anticoloniale n’a pas conduit à la Guadeloupe ou à la Martinique à l’avènement d’une nouvelle souveraineté politique, dont la perspective semble s’être grandement éloignée. On comprend que, dans une telle situation, une fraction importante de l’intelligentsia « anticolonialiste » antillaise et ses alliés politiques tentent aujourd’hui de conquérir – faute d’une souveraineté institutionnelle que les dures nécessités de la dépendance économique et sociale paraissent interdire – une « souveraineté identitaire » qui, à l’ombre de cette dépendance, leur conférerait un pouvoir certain sur la société locale (et, peut-être, même au-delà de celle-ci). Et l’on doit alors se demander si, sous le triomphe de l’identitaire culturel, ce ne sont pas les intérêts sociaux et politiques des couches ayant assuré ce triomphe qui pointent.
Ainsi, si tel était le cas, les actuelles revendications identitaires antillaises ne constitueraient plus une stricte riposte anticoloniale, comme l’ont si manifestement été celles du mouvement de la Négritude. Mais elles porteraient avant tout les stratégies d’élites désireuses d’occuper l’espace de pouvoir qu’elles jugent mériter dans des systèmes sociaux qui, quand ces stratégies atteindraient éventuellement leur but, resteraient, par ailleurs, foncièrement inchangés et, même, se maintiendraient dans le cadre « national » existant. Il en résulterait que, comme dans une sorte de jeu de chaises musicales, les occupants des hautes positions de ces systèmes pourraient, au moins en partie, changer, mais que la structure profonde des places sur laquelle reposent ces derniers perdurerait fondamentalement à l’identique. Les stratégies en question seraient d’autant plus réalistes qu’au même moment la puissance tutélaire aurait compris que la reproduction, nécessairement innovante, de la vieille dépendance passe par une décentralisation poussée de la gestion politique des « outre-mer » et la reconnaissance, largement financée, des « différences » culturelles de ceux-ci. Une essayiste, dont la fermeté de ton nous est coutumière, n’est pas loin de tenir cet ensemble d’hypothèses pour vérité lorsqu’elle parle, dans un vibrant plaidoyer pour Césaire et une critique virulente du mouvement de la Créolité, de « tous les mensonges multiculturalistes en échange d’un peu de servitude volontaire qui prend le relais colonial26 ».
En définitive, avec l’évolution des mouvements identitaires antillais que nous avons tenté d’analyser, nous n’aurions donc pas tant affaire à la mise à mort de toute pensée et de toute action politiques au profit de l’affirmation culturelle qu’à l’érection totalitaire de celle-ci en une stratégie politique élitaire, dont la mise en évidence nous révélerait in fine, comme en prime, la vérité cachée de ce que nous avions perçu, en première approche, comme « l’enchantement d’un désenchantement ».
*
Dans le cas antillais mais aussi bien en dehors de lui, avec ce qu’il est convenu d’appeler, sur le ton d’une légèreté mal venue, la « mode des identités » ou, plus exactement, la montée en puissance contemporaine des affirmations identitaires dans les ensembles politiques « multiculturels » (mais quels sont ceux qui ne le sont pas ?), c’est donc, selon nous, la valeur de l’égalité comme fondement des luttes sociales et politiques qui est radicalement mise en cause. Il semble bien en effet que cette montée en puissance ait partie liée avec le sentiment qui se répand un peu partout aujourd’hui que l’égalité citoyenne est une vaine espérance ou, pire encore, une illusion dangereuse. Et que le temps serait ainsi venu de préférer à l’utopie de l’idéal égalitaire républicain le réalisme d’une reconnaissance équitable des droits « communautaires ».
Quoi qu’il en soit des intentions des promoteurs d’un tel aggiornamento, dont nous n’avons pas de raison de douter qu’elles puissent être chez certains ou même chez beaucoup sincèrement émancipatrices, il ne fait pas de doute pour nous qu’à l’heure de la réalisation complète de ces intentions il y aura beaucoup d’appelés mais peu d’élus, ainsi que semblent déjà l’indiquer de manière exemplaire bien des expériences d’« action affirmative ». Comme quoi il est encore une fois manifeste que les revendications identitaires sont devenues davantage l’auxiliaire de la « circulation des élites », chère au vieux Pareto, que l’instrument d’un grand bouleversement égalitaire.
Nous avons la ferme conviction, pour notre part, que le Rebelle Césaire n’a jamais endossé une telle évolution.
- *.
Sociologue, chercheur au Cnrs, il a codirigé avec Patrick Weil notre dossier consacré aux Antilles, Esprit, février 2007.
- 1.
Jean-Paul Sartre, « Orphée noir », préface à Léopold Sédar Senghor, Anthologie de la nouvelle poésie nègre et malgache de langue française, Paris, Puf, 1948, p. XL.
- 2.
J’emprunte cette expression à Bénédicte Monville (Aimé Césaire, « Disparition d’un poète politique », Rue 89, 19 avril 2008).
- 3.
Jacqueline Leiner, « Entretien avec Aimé Césaire », en introduction à Tropiques, Paris, rééd. Jean-Michel Place, 1978, p. XXI.
- 4.
Ibid.
- 5.
Cité par Lilyan Kesteloot et Barthélémy Kotchy, Aimé Césaire, l’homme et l’œuvre, Paris, Présence africaine, 1993, p. 203 et repris par J. Leiner, Aimé Césaire, le terreau primordial, Tübingen, Günter Narr Verlag, 1993, p. 163.
- 6.
Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, Paris, Présence africaine, édition de 1956, p. 26 et 28.
- 7.
Ainsi, de l’aveu même de Césaire, l’Afrique dont il se réclame avec ses compagnons est une Afrique qui a été apprise dans les écrits de l’ethnologie coloniale (notamment ceux de l’Allemand Léo Frobenius, aujourd’hui très contestés). Au point que certains analystes ont pu parler à propos de la Négritude d’« une vision blanche d’une essence noire » : « La Négritude accepte l’image que l’Occidental se fait de l’Afrique pour la marquer d’un signe positif alors que l’Occidental la marquait d’un signe négatif, mais il n’y a là qu’un simple changement de valeurs, c’est toujours une Afrique d’hommes blancs… Il s’agit bien d’une réinterprétation de l’Afrique à travers les catégories logiques et affectives de la mentalité occidentale », Roger Bastide, « L’acculturation formelle », America latina (Rio de Janeiro), juillet-septembre 1963, p. 6.
- 8.
Édouard Glissant, Mémoire des esclavages, Paris, Gallimard, 2008, p. 54.
- 9.
Magazine littéraire, 34, novembre 1969.
- 10.
J. Leiner, Aimé Césaire, le terreau primordial, op. cit.
- 11.
Cité par L. Kesteloot et B. Kotchy (Aimé Césaire, l’homme et l’œuvre, op. cit., p. 236) et repris par J. Leiner (Aimé Césaire, le terreau primordial, op. cit., p. 165). Quant à la double valence contradictoire – essentielle et historique – de la notion de négritude que l’on trouve, à des degrés divers, chez tous les auteurs qui se réclament de celle-ci, c’est ici l’occasion de souligner que le langage de ces auteurs est principalement poésie et qu’au niveau de cette dernière, la raison raisonnante perd ses droits au profit de « la démence précoce, de la folie flambante, du cannibalisme tenace » (Aimé Césaire, Cahier d’un retour au pays natal, op. cit., p. 59) et que, donc, l’idée même de contradiction est alors abolie ; la Négritude est ainsi « l’unité vivante et dialectique de tant de contraires » (J.-P. Sartre, « Orphée noir », op. cit., p. XLIII). Sur la relation nécessaire entre poésie et Négritude, voir l’analyse – à notre sens, définitive – que Sartre lui a consacrée tout au long d’« Orphée noir ».
- 12.
Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Paris, Le Seuil, 1952, p. 205-206 (c’est moi qui souligne).
- 13.
J.-P. Sartre, « Orphée noir », art. cité.
- 14.
Ibid., p. XIII-XIV. C’est la confiance en cette dialectique qui fait écrire à Sartre qu’« humiliés, offensés les noirs fouillent au plus profond d’eux-mêmes pour retrouver leur plus secret orgueil et quand ils l’ont rencontré, cet orgueil se conteste lui-même : par une générosité suprême, ils l’abandonnent […] car la Négritude n’est pas un état, elle est pur dépassement d’elle-même […] passage et non aboutissement, moyen et non fin dernière […] C’est au moment où elle se renonce qu’elle se trouve… où elle accepte de perdre qu’elle a gagné… Il [l’homme de couleur] est celui qui marche sur une crête entre le particularisme passé qu’il vient de gravir et l’universalisme futur qui sera le crépuscule de sa négritude ; celui qui vit jusqu’au bout le particularisme pour y trouver l’aurore de l’universel » (ibid., p. XLII et XLI). Pour une analyse de l’accueil que les intellectuels du « monde noir » firent à ce texte, voir notre article « Orphée mal entendu », Les Temps modernes, numéro spécial « Témoins de Sartre », 2, octobre-décembre 1990, p. 531-533.
- 15.
« France Noire-Black France, History, Politics, and Poetics » (Paris, 6-7 juin 2008), notamment dans la bouche d’un collègue de l’université Columbia, Mamadou Diouf et, de manière plus attendue par nous, de Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires de France (Cran).
- 16.
“New Issues in Black British Politics”, Information sur les sciences sociales, 31-2, juin 1992, p. 369 (notre traduction).
- 17.
Roland Suvélor, « Éléments historiques pour une approche socioculturelle », Les Temps modernes, Paris, numéro spécial « Antilles », 441-442, avril-mai 1983, p. 2196.
- 18.
R. Suvélor, « Éléments historiques pour une approche socioculturelle », art. cité, p. 2200.
- 19.
Les lecteurs qui souhaiteraient connaître davantage nos raisons pour ce refus, notamment dans le cadre d’une discussion de l’idée de nations antillaises, peuvent consulter nos publications suivantes : « L’ethnicité comme nécessité et comme obstacle », dans Gilles Ferréol (sous la dir. de), Intégration, lien social et citoyenneté, Lille, Presses du Septentrion, 1998, p. 137-165 et « La nation au miroir des expériences caraïbéennes », dans Michel Seymour (sous la dir. de), États-nations, multinations et organisations supranationales, Montréal, Liber, 2002, p. 415-427.
- 20.
Par exemple, un texte comme le célèbre Éloge de la Créolité de Jean Bernabé, Patrick Chamoiseau et Raphaël Confiant, Paris, Gallimard, 1989, qui prétendait avoir valeur de manifeste et qui a, de fait, suscité d’importantes discussions (au moins en Martinique) ne consacre pourtant, comme nous avons déjà eu l’occasion de le dire ailleurs, qu’un court développement, de peu de relief, aux rapports de la Créolité et du Politique. Nous avons ainsi souligné que le contenu de ce développement se résume uniquement à « un pancaribéanisme convenu et à un démocratisme affiché, que vient compléter une prise de distance attendue vis-à-vis du “marxisme primaire” » (M.Giraud, « De la Négritude à la Créolité : une évolution paradoxale à l’ère départementale », dans Fred Constant et Justin Daniel [sous la dir. de], 1946-1996. Cinquante ans de départementalisation outre-mer, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 388).
- 21.
Cette formule est tirée du Manifeste pour un projet global que Patrick Chamoiseau, Gérard Delver, Édouard Glissant et Bertène Juminer ont proposé il y a quelques années.
- 22.
Il s’agit de la bande de terre littorale qui, appartenant nécessairement au domaine public, ne saurait être aliénée. La taille de cette bande est en France mesurée en « pas » qui, après avoir été dits « du Roi » sous l’Ancien Régime, sont, depuis la Révolution, qualifiés de « géométriques ».
- 23.
R. Suvélor, « Éléments historiques pour une approche socioculturelle », art. cité, p. 2200.
- 24.
Pour une analyse beaucoup plus développée qu’ici des apories de la réclamation de cette réparation, voir notre article « Le passé comme blessure et le passé comme masque. La réparation de la traite négrière et de l’esclavage pour les peuples des départements français d’outremer », Cahiers d’études africaines, XLIV (1-2), 173-174, mai 2004, p. 65-79.
- 25.
J. Bernabé et al., Éloge de la Créolité, op. cit., p. 55.
- 26.
Annie Le Brun, Statue cou coupé, Paris, Jean-Michel Place, 1996, p. 15.