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Portrait du consommateur en travailleur

juillet 2015

#Divers

« Quand c’est gratuit, c’est vous qui êtes le produit. » Les promesses de l’économie collaborative ne doivent pas nous aveugler sur ses dangers. Car elle repose, in fine, sur le travail du consommateur, souvent informel et non régulé, et sa soumission à l’évaluation par les autres.

La consommation collaborative est souvent présentée en insistant sur sa dimension responsable et militante, ou sur l’astucieuse débrouillardise de ceux qui se sont lancés. Dans un cas comme dans l’autre, elle introduit une nouvelle intelligence des biens et des usages, en rupture avec les pratiques parfois absurdes de la société de consommation. Quelle fraîcheur ! Et aussi quel soulagement : il serait donc possible d’échapper aux figures imposées de la consommation de masse, de renoncer au fétichisme de la marchandise et à ses œuvres, de s’extraire enfin de la mécanique implacable des vieilles économies keynésiennes qui carburent à la demande ?

Dans l’enthousiasme, on en viendrait presque à oublier que les économies réalisées permettent le plus souvent… de consommer davantage. À terme, la sharing economy nous aidera peut-être à sauver la planète, mais sa fonction centrale aujourd’hui reste de dégager du revenu. Dans le même ordre d’idées, j’aimerais explorer en quelques pages une autre de ses dimensions économiques négligées : le travail.

Car comme le disent les économistes, there is no free lunch : rien n’est gratuit. Les économies réalisées pour les uns, les revenus générés pour les autres, ne sortent pas du néant. Certes, une grande partie de la valeur créée vient de l’information fournie (et des garanties offertes) par les plates-formes numériques qui organisent la mise en relation. Mais elle ne s’y réduit pas. Il y a, pour chacune des parties engagées dans l’échange, une activité, des tâches, parfois un labeur, qui s’apparentent au travail, sans entrer pour autant dans les catégories juridiques et comptables qui définissent le travail formel. Lisible pourtant au cœur de la formule « consommation collaborative », l’existence de ce travail est oubliée, comme évacuée. Elle mérite pourtant d’être interrogée, car elle permet d’éclairer certains points aveugles de ces nouvelles pratiques.

Rester poli

Commençons par la mettre en perspective. Car il y a à la fois, dans ce travail du consommateur, quelque chose de radicalement nouveau et de très ancien.

Du point de vue de la science économique, la consommation collaborative s’inscrit dans les reconfigurations radicales des chaînes de valeur opérées avec l’internet. De la même façon que le Web 2.0 brouille la frontière entre les figures de l’auteur, du lecteur et de l’éditeur, les modèles économiques des plates-formes numériques jouent sur la permutation, la disjonction, le déplacement des lieux de valeur. Le producteur et le consommateur changent de place et occupent des positions inédites au sein de la chaîne de valeur, les cartes sont rebattues, les règles du jeu changent.

Les plus intéressantes de ces reconfigurations s’organisent autour d’une offre gratuite, avec une disjonction entre la figure du consommateur (l’utilisateur d’un service) et celle du client (celui qui paie ce service). Un adage geek le résume avec une certaine brutalité : « Quand c’est gratuit, c’est vous qui êtes le produit. » Les grandes plates-formes numériques ont en commun d’enrôler l’utilisateur et de valoriser sa présence, ses mouvements ou les traces de ces mouvements. Elles nous offrent un service inégalé (moteur de recherche, réseau social, catalogue intelligent), mais tirent profit des opérations que nous accomplissons sur leur territoire.

Les gestes des internautes sont au centre de ces nouvelles chaînes de valeur. Le meilleur exemple en est certainement Amazon, qui garde en mémoire nos recherches pour affiner son offre, la personnaliser (quand nous revenons chez eux), établir, à destination des autres chalands, des liens entre des produits (« les lecteurs de cet ouvrage ont également acheté… »), et met en valeur nos talents de critique et nos capacités d’évaluation. Nous ne sommes pas de simples clients d’Amazon : nous devenons, à la seconde où nous entrons sur son site, ses collaborateurs.

Les plates-formes de la consommation collaborative poussent cette logique jusqu’au bout, en centrant leur proposition de valeur sur la rencontre entre deux personnes : ce qui fait surgir la valeur, c’est le geste symétrique de celui qui offre de partager l’usage d’un bien (son appartement, sa voiture, son canapé, ou encore une machine) et de celui qui, moyennant finance, va saisir cette opportunité. Cette rencontre est possible dans le monde physique, mais elle est rare et reste localisée : c’est le classique coup de main entre voisins. La plate-forme permet de s’affranchir de cette contrainte du lieu par une rencontre virtuelle entre inconnus. Mobilisant ce que Nicolas Colin et Henri Verdier nomment, d’un terme emprunté à Toni Negri, la « multitude1 », elle permet de mettre en scène une offre d’une profondeur et d’une ampleur considérables, et de l’amener à la rencontre d’une demande elle-même riche et variée. La plate-forme, ainsi, donne corps à la valeur de la rencontre entre l’offre et la demande : elle permet à cette valeur de s’actualiser en une transaction.

Mais cette actualisation n’est qu’une partie de l’histoire. Car la rencontre n’est pas seulement virtuelle, mais aussi réelle. Tout ne se joue pas en un clic, et on retrouve vite la pesanteur du monde physique. Pour celui qui offre le partage (et en tirera un revenu), il faut bien sûr un effort d’entretien ou des frais afférents (typiquement, faire le ménage ou la lessive pour un appartement), mais aussi un travail de mise en scène du bien (rédaction de l’annonce, pricing, benchmarking), des échanges de messages, la gestion d’un emploi du temps ; c’est aussi du temps immobilisé pour un rendez-vous, éventuellement un détour pour prendre un passager ; c’est enfin l’acceptation d’une part de risque et de contrainte. Rien de surprenant : un peu de revenu en plus suppose quelques efforts. Mais on notera que la plupart de ces éléments se retrouvent symétriquement chez le consommateur. Celui-ci devra à l’évidence se déplacer – parfois fort loin – pour accéder au véhicule, dans le cas d’un partage de voiture ; il devra faire un travail de veille, de recherche, de sélection et de prise de contact sur la plate-forme. L’un comme l’autre, soucieux de l’évaluation qui sera faite de leur bien ou de leur personne, auront à cœur de « bien se tenir ». Pour donner un exemple concret, l’utilisateur d’un appartement proposé sur Airbnb se montrera plus attentif à laisser les lieux dans un état décent que le client d’un hôtel. Celui ou celle qui voyage grâce à Blablacar fera preuve de davantage de politesse et s’efforcera de participer à la conversation.

On peut bien sûr envisager ces efforts sous le registre de la civilité, du lien social. Mais ils s’écartent de la simple politesse – fût-elle celle d’un invité qui force un peu la note, ou d’un hôte qui tient à se montrer hospitalier – par le simple fait qu’ils sont guidés par la perspective d’une évaluation, et que si les deux parties veulent s’engager facilement dans de futures transactions, elles ont intérêt à soigner leur image. Comme le précise Blablacar,

à chaque fois que deux membres se rencontrent lors d’un covoiturage, ils s’évaluent sur le site et construisent ainsi leur réputation. Cela signifie que, avant de prévoir votre voyage, vous pouvez lire les avis des autres membres et bénéficier de leur expérience.

On comprend parfaitement que le site aide ainsi ses utilisateurs à savoir à qui ils auront affaire : c’est une partie de sa valeur ajoutée. Par ailleurs, le contrôle social ainsi formalisé contribue très probablement à la qualité du service. Mais il faut en saisir les conséquences : la perspective de l’évaluation renvoie directement à certaines pratiques managériales. On notera que même si les entreprises requièrent et valorisent le savoir-être et la bonne présentation, leurs exigences en la matière sont rarement aussi fortement et aussi directement formalisées que celles qui conditionnent les transactions « collaboratives ». En un sens, chacune des parties engagées dans une transaction « collaborative » gère une relation client.

Mais chacun n’est pas logé à la même enseigne. Le conducteur d’un véhicule ou le propriétaire d’un appartement reste relativement maître du jeu puisque c’est principalement son bien qui sera évalué. Mais le consommateur construit et met en jeu, en quelques heures, ce qui s’apparente à son « employabilité », sa capacité à être recruté dans de futurs échanges.

Il y a ici une asymétrie fondamentale, qui doit être relevée dans toutes ses conséquences. Face au capitaliste qui dispose de son bien, le consommateur dispose de son sourire. Sous les apparences de la sociabilité cool et décontractée se met en place une relation inégalitaire. Je ne voudrais pas noircir outre mesure cette situation, mais elle doit être relevée. Elle fait écho au grand retour des « emplois de service », c’est-à-dire à des formes de domesticité publique ou privée où l’on est jugé sur son comportement et son apparence, beaucoup plus que sur ses compétences ou sa contribution à une production. L’usine, il y a cent ans, avait libéré les filles de la campagne des humiliations de la vie de bonne à tout faire. Sous des formes plus policées, elles sont de retour dans les métiers d’accueil, les centres d’appel, les services à la personne, toutes les activités où la règle numéro un est de rester poli. Les consommateurs collaboratifs – à des degrés variables en fonction des marchés considérés – vivent eux aussi, sans forcément en avoir conscience, ce retour discret du sourire et du dos courbé. Par un hasard étrange, ce ne sont pas les plus riches d’entre nous qui montent dans les voitures des autres2.

Il y a ici un déplacement subtil de la place du travail. On pourrait le résumer ainsi. À des emplois dégradés, qui ne permettent pas un plein accès aux biens de consommation, correspondent des formes de consommation intégrant une part de travail. Ces emplois dégradés, tout comme la part « laborieuse » de ces nouvelles formes de consommation, sont pour l’essentiel des activités de service, rémunérées en numéraire, dans le cas de l’emploi ; en nature, dans le cas de la consommation. Votre travail ne vous permet plus de vous payer une voiture ? Vous allez pianoter sur un clavier, marcher, sourire, prendre de votre temps, et pour ce temps, ces compétences, ces efforts et ce sourire, on ne vous donnera pas de l’argent mais un service.

Le métier de vivre

Tous les échanges de l’économie collaborative ne se laissent pas réduire à cette équation évidemment simplifiée. Réserver un appartement sur Airbnb pour passer un week-end à New York n’est pas la même chose que de se lever à six heures du matin pour faire Montluçon-Châteauroux. La valeur ajoutée du travail du consommateur n’est pas la même, au regard des sommes échangées en numéraire. Mais dans nombre de situations, cette part est significative. En tout état de cause, une mise à nu de ce qui se joue au cœur de ces échanges, quand ils sont dictés par la nécessité, me paraissait nécessaire.

Les questions posées par le travail des consommateurs ne s’arrêtent pas à ces nouvelles formes de l’aliénation. Elles concernent aussi l’intégration des échanges collaboratifs au reste de l’économie. Les enjeux sont variés. La principale distinction oppose le travail formel et le travail informel. Les questions posées par le travail informel, a fortiori quand il se dissimule à l’intérieur de la consommation, tournent autour de la mesure, du droit, du risque et du fisc.

Le consommateur a toujours travaillé. Aller au marché, choisir ses légumes, ramener son cabas, c’est du travail. Pour l’accomplir on mobilise du temps et des compétences, on fait un effort. Joindre un plombier, l’accueillir, lui expliquer la situation, surveiller l’exécution de sa mission, le rémunérer, c’est aussi du travail : dans une grande entreprise, chacun des verbes utilisés dans la première partie de cette phrase définit un métier, une fonction, parfois un département.

Mais au quotidien, on rabat ce travail sur le difficile et banal métier de vivre. Il n’entre pas dans les comptes du plombier ou du marchand des quatre-saisons, ni dans ceux du consommateur. Il n’est pas valorisé : sa valeur n’est pas mesurée.

Elle existe pourtant, cette valeur, et il est possible de l’estimer à l’aune des substituts offerts par l’économie formelle, de la livraison de vos courses par votre supermarché à la compensation officielle du temps perdu, en passant par le secteur florissant de la « logistique du dernier kilomètre ». Quand vous commandez sur l’internet un objet un peu encombrant, on vous propose le plus souvent plusieurs modes de livraison : à domicile ou en point relais, ce n’est pas le même tarif. La différence donne une estimation de ce que vaut votre travail. Pas grand-chose, me direz-vous : pour moins d’une dizaine d’euros, il faut se déplacer, perdre du temps à faire la queue, porter un objet parfois lourd…

La valorisation de ce travail, la mesure et l’optimisation de sa valeur composent une contre-histoire économique de l’époque industrielle. Ce qui se passe aujourd’hui autour des grandes plates-formes numériques est la poursuite d’un mouvement discret mais puissant, d’un flux économique qui après avoir cheminé sous la surface surgit au grand jour.

Les formes de consommation qui ont émergé ou se sont développées au xxe siècle mobilisent fortement le consommateur, qui pourrait tout aussi bien être défini comme un coproducteur du service ou du bien qu’il acquiert. Au supermarché, vous accomplissez les gestes de l’ancien garçon de boutique. De retour de chez Ikea, vous vous faites menuisier-assembleur. Contactant un service après vente via un service télématique, ou réalisant une transaction en ligne, vous faites un travail de saisie et d’orientation qui aurait mobilisé, il y a trente ans, une standardiste, et il y a vingt ans, quelques minutes de temps d’un salarié de back-office. Ce travail du consommateur ne se limite pas à la consommation. En saisissant votre déclaration d’impôts par internet, vous faites une partie du travail de saisie qui était il y a quelques années encore le fardeau de l’administration fiscale.

Ce travail est parfois identifié, mesuré et valorisé : à Bercy, on cherche ainsi à accélérer le passage aux déclarations en ligne, car ce sont des centaines de milliers d’heures de travail qui sont ainsi économisées. Chez Ikea, c’est une histoire un peu différente. Ce n’est pas seulement pour le plaisir de vous faire travailler gratis que l’entreprise suédoise préfère les cartons aux meubles déjà montés, c’est aussi parce qu’ils sont sensiblement moins chers à stocker et à transporter. Au supermarché, le travail du consommateur est une partie de l’équation économique, mais l’essentiel est surtout l’abondance de l’offre.

Le travail du consommateur n’est donc pas, pour ceux qui l’organisent, qu’une façon de faire du profit ou de réduire les charges3. Le consommateur en profite d’ailleurs directement : quand on sort sa perceuse-visseuse pour monter une étagère Billy, on a conscience de payer en nature une partie du prix du meuble. En un sens, cet apport est même plus évident, et plus facile à mesurer (une heure de travail plus une bouteille de mercurochrome et un pansement, disons quinze euros) que celui que nous consentons en renseignant nos données personnelles sur un site, ou que les diverses activités de services qui se cachent sous les échanges cool et cordiaux de la consommation collaborative.

La question de la mesure ouvre sur celle de la représentation de ce travail, dont les enjeux sont considérables. Contributeur non salarié d’Ikea ou de Bercy, vous ne serez pas autorisé à vous syndiquer, à faire valoir votre contribution, à la faire revaloriser le cas échéant, à discuter conditions de travail, risques et santé au travail (c’est pourtant vous qui vous blessez en montant cette s… d’étagère). Et si vous vous faites vraiment mal en montant votre étagère, que vous avez un accident en covoiturage, ou que porter votre valise jusqu’au point de rendez-vous vous donne un tour de rein, vous n’aurez pas l’idée d’en faire un accident du travail.

Qui, d’ailleurs, réglemente votre travail ? Il y a de fortes chances pour que, opposant décidé au travail du dimanche, vous soyez vous-même dans ce cas !

Les risques du travail informel

Plus problématique et vous concernant moins directement, la présence de plus en plus envahissante des clients dans les chaînes de valeur peut poser problème à ceux qui travaillent formellement au sein des organisations. Car si le retour que vous donnez sur un service ou un bien, les suggestions que vous faites, les contraintes occasionnées par votre participation à un service ont une valeur, ils ont aussi un impact à l’intérieur de l’organisation. Prenez Ikea : une vis oubliée dans un paquet, si le monteur est dans l’atelier d’à côté, ce n’est pas grave. Si c’est vous le monteur, c’est grave. La place du client en bout de chaîne se traduit donc par une pression sur celui qui met les vis dans le paquet. Ailleurs, ce seront les remarques d’un de ces clients-coproducteurs qui amèneront à réviser tel process, à faire évoluer tel service ou tel bien – car le travail du consommateur a tendance à remonter dans la chaîne de valeur, jusqu’à la conception.

Tant mieux pour nous, consommateurs. Mais mettons-nous dans la peau de nos collègues de l’intérieur de l’organisation. Où sont les lieux de discussion entre services – le « service externalisé » dans lequel œuvre la multitude engagée dans un travail informel et les services internes de l’entreprise, voués au travail formel ?

La confrontation problématique entre travail formel et travail informel, la réorganisation du travail formel autour de la contribution des consommateurs sont en passe de devenir des enjeux majeurs au sein des organisations. Nous ne pouvons guère ici qu’effleurer le sujet, mais il pèse de tout son poids dans le quotidien des salariés. Il serait illusoire de croire que la consommation collaborative échappe à ces risques : les effets de prescription du travail formel par le travail informel sont encore plus nets quand les deux parties se situent dans l’informel. Et la question des lieux de discussion, et des instances qui dictent les règles du jeu est avivée par la présence des plates-formes, qui jouent le rôle du régulateur. Or le règlement intérieur de Blablacar n’est pas une convention collective : personne ne l’a négocié.

Terminons par une réflexion d’ordre plus général, avec une interrogation sur l’avenir d’une économie où la consommation collaborative aurait trouvé une place significative.

Cela posera à terme un problème social et fiscal. La mise en place de nos systèmes sociaux et de puissants services publics est inséparable de la formalisation croissante des économies. C’est l’une des dimensions de la croissance qu’ont connue les nations industrialisées au xxe siècle. Celles-ci ont fait passer du côté de l’économie formelle nombre de tâches et d’activités productives qui, auparavant, étaient du côté de l’économie informelle – à commencer par une bonne part de la production agricole, qui n’était pas mise sur le marché, mais aussi la confection, nombre de services, l’épargne, etc. Cette formalisation de l’économie a permis la création d’une base fiscale sur laquelle se sont édifiés les services publics et les systèmes sociaux des sociétés modernes.

Le développement de l’économie collaborative s’inscrit à contre-courant de cette histoire. Inévitablement, la question se posera de formaliser ces échanges et d’assujettir les parties prenantes qui s’y engagent – sauf à se résigner à y voir des passagers clandestins, utilisateurs de services (les routes, par exemple) qu’elles ne contribuent pas à financer à hauteur des bénéfices qu’elles en retirent.

On peut aussi renverser la perspective et se projeter plus loin : la société du futur devra sans doute apprendre à représenter autrement la valeur des échanges qui font la richesse commune. On pense naturellement aux débats sur la pertinence du Pib, ou aux interrogations rémanentes sur la fragilité et l’étroitesse des assiettes fiscales. L’essor de l’économie collaborative est une incitation supplémentaire à avancer dans ce débat. Il est d’autant plus important de reconnaître dans cette nouvelle forme de consommation une part – discrète, difficile à mesurer et à représenter – d’activité.

  • *.

    Directeur de ParisTech Review. Voir son article « L’innovation locale, entre expérience et idéologie », Esprit, mars-avril 2015.

  • 1.

    Voir Nicolas Colin et Henri Verdier, l’Âge de la multitude. Entreprendre et gouverner après la révolution numérique, 2e édition, Paris, Armand Colin, 2015.

  • 2.

    Sur la sociologie de la consommation collaborative, où la dimension générationnelle a une dimension économique, voir ce rappel à la réalité : Kevin Roose, “The Sharing Economy Isn’t About Trust, It’s About Desperation”, New York Mag, 24 avril 2014. Ou, en français, cette mise au point de Monique Dagnaud, « L’économie collaborative, ou comment le vent de la confiance a changé de direction », ParisTech Review, 28 mai 2015.

  • 3.

    Pour une analyse remarquable de ses diverses formes, voir Marie-Anne Dujarier, le Travail du consommateur. De McDo à eBay, comment nous coproduisons ce que nous achetons, 2e édition, Paris, La Découverte, 2014.