
Les mères pour la paix
La question politique du lien de maternité
Partout dans le monde, là où des hommes disparaissent à cause de crimes d’État, des mouvements de mères pour la paix font leur apparition. Cette forme particulière d’engagement reste pourtant un impensé des théorisations féministes. La relation de maternité serait-elle porteuse de modalités d’action politique spécifiques ?
Il n’y a pas de mouvements de « pères de disparus » ou de « Pères pour la paix » équivalents en forme, en action et en nombre, aux associations de mères de disparus, ou de Mères pour la paix. L’histoire de ces dernières est assez méconnue, car sans doute perçue comme trop banale, et assignée à un rôle féminin maternel trop suspect d’« essentialisation », à l’encontre du constructivisme cher à l’essentiel des théorisations militantes contemporaines. Il y a eu bien sûr des mouvements intellectuels mixtes et pacifistes, notamment après la Première Guerre mondiale. Portés par de grands penseurs (on pense au philosophe Alain en France), ils posent la paix comme valeur absolue. Mais la forme de militantisme qu’ils promeuvent consiste surtout, au-delà de quelques grandes manifestations, à écrire une œuvre qui « engage autrui à s’engager ». Nul équivalent, en termes d’action de terrain et de fidélité têtue jusqu’à la mort, à ces associations de femmes qui se sont formées, notamment depuis les années 1970, là où des régimes assassins et des guerres atroces massacrent les populations de tous sexes et âges. Les femmes sont de mani&e