
Beckett, 27 juillet 1982, 11 h 30 de Michel Crépu
J’ai fait la connaissance de Michel Crépu à la revue Esprit, peu avant sa rencontre avec Samuel Beckett au bar de l’hôtel PLM Saint-Jacques. Ainsi ai-je pu à la fois me réjouir de serrer la main de quelqu’un qui avait serré celle de Beckett, et m’étonner que l’entretien n’amenât pas l’heureux élu à répandre un flot de mots. Une trentaine d’années plus tard, il saisit l’occasion de nous en dire plus long, nous lui emboîtons le pas et les surprises se succèdent. De la rencontre (peu après la première de Catastrophe), tout ce que nous apprenons, c’est que Crépu, alors attelé à un mémoire universitaire sur les rapports entre les œuvres de Beckett et de Bram Van Velde, en prit prétexte pour s’adresser au grand Sam et que celui-ci voulut bien lui confirmer de vive voix n’avoir rien à ajouter à ce qu’il avait mal écrit sur le peintre. Des paroles furent tout de même échangées dans ce bar, mais nous ne les connaîtrons pas. L’invité, une fois seul, rédigea certes un compte rendu, mais il le mit si bien « à l’abri » qu’à ce jour, il n’est pas encore parvenu à le dénicher. Il y aurait de quoi être déçu si Crépu attablé avec Beckett n’avait eu la révélation de la douceur de ses yeux et si, récemment, il ne s’était avisé (ce qui l’incita à revisiter son 27 juillet 1982) que de son grand-père Marcel, une sorte de Malone, émanait une douceur comparable. Et de nous confier : cette douceur « a joué son rôle souterrain au long de toutes ces années où je ne