
Une si douce accoutumance. La dépendance aux bulles, cases et bandes dessinées de Frédéric Chauvaud
Préface de Pascal Ory
La bande dessinée permet de réfléchir sur la condition humaine et de vivre, par procuration, toutes sortes d’émotions, négatives ou positives, de l’esprit de vengeance à l’extase.
Il n’avait jamais été question d’addiction à la bande dessinée. Frédéric Chauvaud, bien connu en histoire de la criminalité et du corps brutalisé, s’y lance avec brio, mais tout en douceur.
Il distingue deux grands types de personnes dépendantes : les auteurs et les lecteurs. Les créateurs sont des passionnés qui s’enchaînent à leur création. Corto Maltese ne peut vivre sans Hugo Pratt ; Lucky Luke sans Goscinny ; l’inverse est difficile aussi. La vie des artistes est orientée par leur art : « La bande dessinée, produit culturel, est, si l’on voulait exagérer, une passion dévorante qui conduit du plaisir à une forme de compulsion. » Il faut dire que l’élargissement du lectorat n’a d’équivalent que l’abondance des titres. Frédéric Chauvaud s’intéresse particulièrement à la bande dessinée franco-belge. Le seuil des 5 000 titres a été dépassé en 2018 et, en trente ans, le nombre d’albums a été multiplié par huit. La boulimie du lecteur peine à suivre.
C’est sans doute face à cette concurrence que les éditeurs ont trouvé la parade qui provoque l’addiction : la série. Jouant sur la familiarité et sur l’attente, les périodiques placent les lecteurs en état de suspension. Les témoignages ne manquent pas de cette poussée de fièvre qui agite les jeunes filles lectrices de La Semaine de Suzette entre 1905 et 1925, les jeunes de l’époque Pilote (1959-1974) ou les adultes amateurs de À suivre (1978-1997). Quand viennent les albums, les