
NVL, no 232
La revue NVL consacre son numéro de juin 2022 à la considération portée aux animaux dans la littérature jeunesse. À l’heure où la souffrance animale et la maltraitance des animaux interpellent de plus en plus notre conscience, mais restent tristement d’actualité, Florence Gaiotti, qui coordonne ce numéro spécial, nous prévient d’emblée : « Il ne faut […] pas tomber dans un travers qui consisterait à penser d’une part que seule notre époque prend en considération les animaux et que d’autre part l’anthropomorphisme empêche toute pensée et toute prise en considération de l’animal. » Comment présenter les animaux et leur vie intérieure autrement que par le truchement de l’anthropomorphisme et du langage humain ? Si quelques livres s’y sont essayés et montrent les animaux pour eux-mêmes en nous faisant pénétrer dans leur monde sans le rendre similaire au nôtre, l’anthropomorphisme semble encore toutefois largement dominer. Mais décrier l’anthropomorphisme, n’est-ce pas le confondre avec l’anthropocentrisme ? L’anthropomorphisme est seulement un type de mimésis utilisé pour raconter une histoire de fiction. Il s’agit de faire comprendre aux enfants que les animaux sont nos « alter égaux », selon la belle expression d’Anaïs Perrin, par exemple en montrant l’animalité des humains et l’humanité des animaux. Les mammifères sont largement représentés dans la littérature jeunesse, mais les mollusques, les insectes ou les poissons le sont beaucoup moins, reflétant la hiérarchie implicite que nous créons entre les espèces en fonction de leur proximité avec nous. Claudine Charamnac Stupar conclut ainsi : « Dans ces romans qui intéressent les ados, il y a toujours une forme d’anthropomorphisme mais qui excite nos capacités imaginatives à la fois pour mieux comprendre l’autre, animal, dans son altérité profonde et pour conduire une réflexion et une évolution propres à nous sortir de notre impasse mortifère. » La littérature jeunesse a un rôle important à jouer, non seulement auprès des enfants, car s’adresser à ces derniers, c’est préparer un avenir de compassion, mais aussi auprès des adultes qui en sont les médiateurs. La belle image d’Eduarda Lima qui fournit la couverture de la revue montre toutes les espèces de dos qui se tiennent enlacées ; l’oiseau est perché sur l’éléphant et le petit enfant humain serre contre lui un chien et un pingouin. Le dessin s’intitule La Révolte : elle est ici profondément pacifique et montre que l’avenir passe par la solidarité entre toutes les espèces.