
Souveraineté, l’obsession des nations de Nicolas Leron
En contrepoint des grands discours souverainistes, l’ouvrage de Nicolas Leron fait des propositions pour construire une puissance publique européenne, tout en conservant la souveraineté des nations.
Le terme de souveraineté est si souvent utilisé qu’il en vient à perdre toute consistance. À gauche comme à droite, il est devenu une forme d’incantation, censée garantir la maîtrise de son propre destin. L’ouvrage de Nicolas Leron prend ses distances avec cette inflation des usages et réoriente la réflexion depuis les enjeux de souveraineté vers ceux de démocratie. Ce dont souffre l’Europe aujourd’hui, ce n’est pas d’un déficit de souveraineté, mais bien plutôt d’une impuissance démocratique.
Pour défendre sa thèse, il revient à la définition même de la souveraineté comme juridiction de dernier ressort. En ce sens, on ne peut prétendre diviser la souveraineté entre les États-nations et l’Union européenne : la souveraineté ne peut être partagée. Or les défis auxquels sont confrontées les sociétés européennes aujourd’hui nécessitent bien une action à l’échelle continentale. Nicolas Leron propose donc de laisser la souveraineté là où elle se trouve aujourd’hui, dans les États, pour penser la construction d’une véritable puissance politique européenne.
Comprenant la démocratie comme la capacité collective à agir sur la réalité commune, il insiste sur la question des moyens de cette action. En effet, si le Parlement européen possède effectivement une compétence budgétaire, le budget de l’Union européenne, qui oscille autour de 1 % du produit intérieur brut, condamne le Parlement à la faiblesse.
La refondation doit donc être radicale. Pour une réelle capacité d’agir à l’échelle de l’Europe, il faut articuler deux niveaux de puissance publique et de démocratie, ce que Leron désigne comme la « double démocratie européenne ». Évitant les travers du fédéralisme comme le repli sur les souverainetés nationales, ce nouveau modèle s’appuierait sur des réformes comme un revenu universel européen, la suppression de la règle des 3 % de déficit, un programme Erasmus de bien plus grande ampleur ou encore la refondation du système parlementaire.
Alors qu’il faut penser la sortie de la crise sanitaire avec le défi écologique, mais aussi face aux troubles internationaux, l’Union européenne se trouve à une croisée des chemins : continuer d’accroître une concurrence néfaste entre les États ou bien mettre en place une fiscalité européenne. En contrepoint des grands discours souverainistes, l’ouvrage de Nicolas Leron fait des propositions pour construire une puissance publique européenne, tout en conservant la souveraineté des nations.