
L’Arabie des Saoud de Malise Ruthwen
Traduit par Étienne Dobenesque
De l’Arabie saoudite, souvent au centre de l’actualité internationale pour le pire plus que pour le meilleur, nous savons tous certaines choses : de la puissance financière due au pétrole à la doctrine wahhabite devenue hégémonique dans une partie du monde musulman, de la dynastie tribale et patriarcale et de ses successions obscures au pèlerinage parfois mouvementé de La Mecque, de son interventionnisme politique dans les pays arabes, voire au-delà, à sa capacité de nuisance à l’intérieur et à l’extérieur. Le tout régulièrement complété par la chronique des scandales, comme récemment l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien d’Istanbul, les exécutions de masse au sabre, les bombardements intensifs au Yémen… Le grand intérêt de ce livre vient de sa description incroyablement documentée du « système » de domination et de contrôle (politique, social, économique, moral, anthropologique, culturel et religieux) mis en place par le régime saoudite. Les informations de toutes sortes (garanties par près de 400 notes) n’empêchent pas un récit très vivant, qui éclaire aussi le système successoral complexe du lignage royal, les retombées négatives du pèlerinage sur l’environnement urbain et les espaces naturels, les rapports (pas toujours au beau fixe) entre les oulémas wahhabites rigoristes et un pouvoir obligé de faire des concessions à la modernité (femmes autorisées à prendre le volant), sans oublier le sort peu enviable fait aux chiites, dont il est devenu « impur de serrer la main »… L’ouvrage s’ouvre sur une longue analyse des raisons du meurtre de Jamal Khashoggi à Istanbul : Ruthwen confirme qu’il était devenu une menace politique dangereuse pour Mohammed ben Salman, le maître du pays dont les naïfs pensaient qu’il était prometteur d’ouverture, y compris aux droits au-dedans et au-dehors.