Do not follow this hidden link or you will be blocked from this website !

Notes de lecture

Dans le même numéro

Armes de destabilisation massive, de Pierre Gastineau et Philippe Vasset

octobre 2018

#Divers

En mars dernier, le cabinet d’avocats panaméen Mossack Fonseca, qui s’était trouvé au cœur du scandale des Panama Papers en avril 2016, a annoncé qu’il cessait ses activités en raison des dommages irréversibles causés à sa réputation par ces révélations. Depuis dix ans, nous découvrons à intervalles réguliers dans la presse des « fuites » géantes de données confidentielles révélant des pans cachés de l’activité de banques ou d’agences de renseignement. Ces ­révélations (trente-cinq en dix ans, sur un rythme qui s’accélère) sont présentées au public par des consortiums de journalistes qui explorent et exploitent des masses de documents considérables. De belles opérations de journalisme d’investigation… Sauf qu’on ne sait pas toujours d’où viennent ces fuites de données, qui ne sont pas toutes le fait de courageux lanceurs d’alerte, choqués par certains procédés illégaux des entreprises pour lesquelles ils travaillent. Ces opérations sont en réalité la face la plus visible d’un large mouvement d’offensives et contre-­offensives portant sur des données sensibles dans le cadre de conflits entre grands groupes internationaux ou entre États. Les affaires spectaculaires de divulgation de données des équipes de campagne, lors des élections américaine et française, montrent la possibilité de peser sur l’issue des élections et pose par conséquent la question de ­l’objectif politique des intrusions. À côté de lanceurs d’alerte isolés et désintéressés (Edward Snowden, Bradley Manning…), un Julian Assange a réussi à retenir l’attention et à recueillir de précieuses données sur sa plateforme (Wikileaks), mais sème le trouble sur ses motivations depuis qu’il dépend de la protection russe, via l’ambassade équatorienne à Londres, pour éviter l’extradition en Suède. Mais, surtout, d’autres acteurs beaucoup plus discrets opèrent aussi dans ces parages. Car il faut des moyens, des équipes, des infrastructures pour mener des opérations de longue portée. Et des États, comme la Russie, en ont fait une technique de renseignement à part entière. Journalistes spécialisés dans les questions du renseignement, les deux auteurs nous invitent à les suivre dans une enquête sur le versant invisible des spécialistes du hacking et de la cyber-sécurité. On découvre avec eux l’activisme des Russes, la dextérité des Israéliens, la montée en force des Indiens… Pour ne pas nous perdre dans des descriptions techniques ésotériques, ils nous font faire la connaissance des acteurs qui expliquent le développement de ces fuites tout au long d’une chaîne : les intrigants, les cambrioleurs, les stratèges, les receleurs, les blanchisseurs, les profiteurs… On comprend alors que les fuites de données font désormais partie de l’arsenal de la recherche du renseignement, des politiques d’influence des États, des batailles juridiques entre acteurs économiques. Cela ne réduit en rien le mérite des justiciers solitaires qui ont alerté le grand public sur la collecte massive des données ni l’intérêt du travail de fourmi des journalistes qui exposent des données d’intérêt public. Mais, cela étant admis, vouloir la transparence, c’est aussi comprendre le fonctionnement des révélations et le fait que leurs finalités peuvent échapper aux médiateurs qui les reçoivent.

 

Fayard, 2017
3 p. 19 €

Marc-Olivier Padis

Directeur de la rédaction d'Esprit de 2013 à 2016, après avoir été successivement secrétaire de rédaction (1993-1999) puis rédacteur en chef de la revue (2000-2013). Ses études de Lettres l'ont rapidement conduit à s'intéresser au rapport des écrivains français au journalisme politique, en particulier pendant la Révolution française. La réflexion sur l'écriture et la prise de parole publique, sur…

Dans le même numéro

L’hostilité djihadiste

Le terrorisme djihadiste pose une question de confiance à la démocratie. Comment comprendre que des jeunes soient séduits par cette idéologie et s’engagent dans la violence ? Quel rôle y joue la religion ? Le dossier, coordonné par Antoine Garapon, observe que les djihadistes sont bien les enfants de leur époque. À lire aussi dans ce numéro : Mai 68 en France et en Pologne, le populisme du mouvement 5 étoiles, une critique de l’Université, ainsi que des commentaires de l’actualité politique et culturelle.