
Le Corps de la passion, d'Emma Aubin-Boltanski
Ce livre est la micro-anthropologie d’un terrain investi par la croyance, la vie de Catherine Fahmi, une mystique maronite libanaise qui, depuis son appartement transformé en lieu sacré, incarne la Vierge et le Christ, et délivre des messages divins. Les références académiques sur la résurgence du spirituel dans les années 1980 qui sont mobilisées (Michel Foucault, Michel de Certeau, Max Weber ou encore Bruno Latour) ne retirent rien à la poésie de la légende de « sainte Catherine ». Ainsi l’autrice articule-t-elle subtilement anecdotes biographiques et analyses théoriques : l’objectivation de la Vierge et la théorie de l’acteur-réseau, le concept de « corps utopique » et l’épreuve de l’extase (corps malmené, tailladé, crucifié), etc. L’enquête de terrain et les liens de confiance tissés entre Emma Aubin-Boltanski et les proches de la prétendue sainte offrent à la problématique du corps souffrant une dimension plus intime. L’autrice formule des hypothèses sur les raisons biographiques de son mysticisme : en particulier son mariage (forcé) avec un musulman converti et les difficultés rencontrées lors de ses deux premiers accouchements. Ce livre rappelle également les liens entre mystique et pouvoir. Catherine est instrumentalisée par les institutions mais continue d’inquiéter la hiérarchie ecclésiale par son autonomie. La mystique crée un culte alternatif quand les religions établies peinent à rassembler autour des Écritur