
Réflexes primitifs de Peter Sloterdijk
Dans ce manifeste pro-européen, Peter Sloterdijk pose la question philosophique qui, pour Kant, résume toutes les autres : qu’est-ce que l’homme ? Au regard de la tradition, « l’être dont la nature veut qu’il soit victime de ses erreurs ». Remontant jusqu’aux philosophies grecques et indiennes, le philosophe allemand rappelle combien nous nous sommes définis par ce qu’il appelle « l’idéologie de l’erreur », un « pacte à demi conscient, à demi inconscient entre les menteurs et ceux que l’on abuse ».
La société s’envisage elle-même comme une scène d’affrontement entre « ceux d’en haut » et les autres : l’un et l’autre camp, inévitablement, sont engagés dans une logique de méfiance et de haine partagées. Aujourd’hui, les élites peinent à dissimuler « l’indifférence que leur inspire ce souci du bien commun qu’on leur prête officiellement ». Leurs détracteurs, quant à eux, las de cette imposture, se tournent finalement vers le populisme, une « tromperie alternative ». Dans cette guerre idéologique où la vérité est piétinée, les mass media jouent un rôle décisif : ils « n’ont pas pour fonction première d’informer, mais de produire des épidémies fondées sur les signes ».
Face au réalisme politique, les « cyniques », qui se moquent du réel et plus encore de la morale, triomphent. Ils incarnent une « force pure », qui avance comme