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Notes de lecture

Dans le même numéro

Le Jungle de Calais, de Michel Agier et al.

juil./août 2018

#Divers

Dans la Jungle de Calais, Michel Agier, anthropologue spécialiste des migrations, réunit une équipe composée de chercheurs, d’étudiants et de militants associatifs qui nous présente différentes grilles de lecture pour comprendre la réalité du camp de Calais et son caractère symptomatique d’une histoire des migrations globales. Le Conseil européen ­d’octobre 1999 à Tampere met en place une « sous-­traitance de la gestion de la migration et de l’asile aux pays de l’Afrique et du Moyen-Orient ». S’ensuit une politique de contrôle et de stigmatisation des migrants qui dure encore. En témoigne, à Calais, le bras de fer entre les associations et l’État pour le démantèlement ou non du hangar de Sangatte, jusqu’aux destructions successives des campements depuis 2009, justifiées par l’alliance entre « humanité et fermeté ». Michel Agier et son équipe s’emploient à montrer différentes facettes, très concrètes, de la Jungle : son architecture et son urbanisme, les conditions – glaciales en hiver – de vie dans le hangar de Sangatte entre 1999 et 2002, la segmentation de la Jungle en quatre zones d’habitation principales, comprenant restaurants et commerces, mais aussi des infrastructures scolaires, religieuses, culturelles… S’oppose ainsi la cité fondée sur un « ordre autoritaire » et une « efficacité sécuritaire » au bidonville, « esthétique du désordre » liée à la mobilité inhérente de ses habitants, mais riche en sociabilité. La vie quotidienne s’articule entre les migrants, les pouvoirs publics et le tissu associatif et citoyen. La Jungle, en 2015-2016, est devenue particulièrement autonome : un marché informel de l’immobilier se met en place, certains restaurants sont devenus des lieux de convivialité, où l’on programme des films et de la musique. Les activités économiques se structurent autour du marché aux puces ou de l’activité de passage des migrants en Grande-Bretagne. Néanmoins, une grande partie du temps est consacrée à l’attente pour avoir accès aux denrées essentielles (nourriture, vêtements, sanitaires). Les relais communautaires comme les associations sont essentiels aux processus de solidarités communes. La destruction de la Jungle depuis 2016 répond à la stratégie gouvernementale : une répression policière alliée à une promotion de l’asile en France, selon une distinction entre le « bon » réfugié et le « mauvais » migrant. Une fois ­dispersés, notamment dans les centres d’accueil et d’orientation, les migrants sont alors plus exposés aux contrôles et aux harcèlements systématiques des autorités. Il faudrait pouvoir agir au niveau supranational où se jouent les migrations et sortir de la politique de l’exception et de l’exclusion qui fut caractéristique à Calais : « Avec ce camp-bidonville, les migrants s’inventaient eux-mêmes la ville hospitalière en France que le gouvernement leur refusait. »

 

PUF, 2018
224 p. 19 €

Marie Justice

Étudiante en master de droit économique à Sciences po Paris.

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