HABITER
LE PROPRE DE L’HUMAIN
Après la nouvelle traduction publiée il y a deux ans par les éditions du Seuil du Traité d’architecture d’Alberti (voir Esprit, octobre 2005) qui défend l’idée que la maison privée représente avant tout « l’espace le plus privé de l’espace public », il est toujours utile de redonner toute sa signification à la réflexion sur l’habiter. Car « l’habiter ne peut être réduit à une seule des dimensions spatialisantes de l’humain, celle qui relève de la confection d’un chez-soi ». En effet, loin de se réduire à l’habitation, à l’espace privé (au double sens d’une « privatisation » et d’une « privation » de l’espace public), l’habiter a de multiples dimensions indissociables de savoirs multiples, mais aussi d’échelles diverses (du local aux flux hors échelle et du régional au global et au monde). Les textes regroupés ici permettent de prendre « les » mesures et la pluralité d’un habiter auquel l’impératif écologique a redonné son sens (voir des approches géographiques, anthropologiques, sociologiques de l’habiter, mais aussi des articles sur « l’habiter dans » : « dans » le désert, « dans » le monde périurbain, « dans » les flux, « dans » les quartiers gays, « dans » les camps de réfugiés, etc.). À ce panorama des « habiters » fait écho l’ouvrage collectif consacré au philosophe Henri Maldiney dont Gilles Deleuze, les phénoménologues et bien des artistes ont reconnu l’importance. Maldiney, proche de L. Binswanger et d’Erwin Straus, précise ici ses interrogations sur la notion d’« ouvert » (à propos de laquelle il se distingue de Heidegger) et insiste sur le rôle du rythme pour comprendre celle-ci. Ce qui le conduit, lui qui a écrit sur des poètes (Du Bouchet, Ponge) et des peintres (Cézanne, Tal Coat), à valoriser les liens de l’art et de l’existence : « Qu’est-ce qui constitue une forme ? Le rythme est la condition selon laquelle la forme est forme. Dans une œuvre d’art, il n’y a qu’une forme, le rythme qu’elle est, qui commande toutes les autres, qui les détermine toutes. Une œuvre d’art est unique parce qu’un rythme est unique. » Plusieurs entretiens et textes du philosophe accompagnent des articles sur la musique, la mort, la psychiatrie de l’enfant, l’architecture, autant de domaines où cette pensée joue un rôle majeur.
O. M.
O. M.