
Vous avez dit « tiers-lieu » ?
Les espaces de coworking qui se multiplient en France incarnent-ils de nouvelles formes de « tiers-lieu » ? Zones neutres facilitant la mise en contact pour certains, symptômes de la liquéfaction du marché du travail pour d’autres, ils imposent des logiques économiques qui peuvent exclure les plus fragiles.
« Coworking », « fab’lab », « jardin partagé », « habitat autogéré », « atelier populaire », « boutique associative », etc. : partout se multiplient en France, aussi bien en ville que dans les villages, des endroits où l’on peut entreprendre avec d’autres des activités marchandes ou non.
De quoi s’agit-il ? De « tiers-lieux ». L’expression figure sous la plume du sociologue américain Ray Oldenburg dans son ouvrage The Great Good Place1. Pour lui, l’Américain des suburbs ne connaît que son logement – le premier lieu – et son bureau, l’usine ou la boutique – le second lieu. Il lui manque, pour sa socialisation ordinaire, un troisième lieu où il rencontre d’autres personnes et constitue avec elles une communauté momentanée, incomplète, qui esquisse une relation civique, appelée ou non à perdurer. Ces lieux sont des cafés, des salons de coiffure, des bibliothèques et des librairies, des jardins partagés, des ateliers de réparation, des ressourceries, des friches d’artistes, des maisons de service au public, etc. Bref, ce sont des lieux où, en plus de leur fonction habituelle, se déroulent des rencontres spontanées, imprévues et agréables.
Déjà au xviiie siècle, des personnes se rencontraient dans des cafés, des clubs, des salons, des sociétés savantes, des académies régionales, y refaisaient le monde et élaboraient les idéaux ré