
Les Lumières à l’âge du vivant de Corine Pelluchon
Depuis quelques années, les penseurs des Lumières sont mobilisés tous azimuts. La montée en flèche du fanatisme religieux et des nationalismes donne une actualité nouvelle à leur critique de l’intolérance, comme à leur défense des capacités rationnelles de l’individu. Toutefois, c’est plus généralement sur le mode polémique que se manifeste, surtout en France, la référence aux Lumières. L’anthropologie philosophique sur laquelle est érigé leur projet politique et social est aujourd’hui attaquée de toutes parts. À droite, leur profession d’universalisme et leur ambition cosmopolitique sont remises en cause par les élans nationalistes ; à gauche, elles sont rejetées par les contempteurs de l’impérialisme occidental et par les défenseurs des minorités culturelles, ethniques ou sexuelles, qui ne voient dans la prétention à l’universalité qu’un hégémonisme déguisé.
La gravité des questionnements et l’âpreté des débats dans lesquels est engagé l’héritage des Lumières rendent plus difficile encore l’établissement d’un diagnostic lucide à leur sujet. Ce dernier paraît pourtant indispensable à la vitalité intellectuelle de notre époque, ainsi qu’à sa bonne santé démocratique. Les Lumières ont si profondément influencé la culture européenne que les penseurs, les décideurs et les citoyens ne peuvent plus faire l’économie d’une mise au point critique, qui permettrait de déterminer ce que nous tenons à en conserver et ce que nous prétendons en rejeter.
C’est à une telle m