
Casting sauvage, de Hubert Haddad
Auteur d’une œuvre abondante et variée, Hubert Haddad nous offre un portrait de Paris d’une rare subtilité, avec pour guide une danseuse (Damaya) qui, suite à un accident, ne peut plus exercer son art et survit en cherchant des figurants pour l’adaptation de la Douleur de Marguerite Duras. Son casting consiste à regrouper une centaine d’hommes et de femmes maigres, anorexiques, autant dire des paumés, des marginaux qui acceptent d’être rasés pour cent euros la journée. Elle erre dans la ville, appareil photographique àla main, et traque des corps efflanqués, hésitants, fatigués qui exprimeront, dans le film, la détention, les privations et la survie. Elle boite mais sa démarche chaloupée laisse deviner un corps éduqué pour la danse. Au fur et à mesure de ses recherches de figurants, elle croise des personnages qui donnent au temps son épaisseur compassionnelle : un ancien comédien terré dans sa péniche et abandonné à l’alcool pour oublier l’amour de sa vie, un petit voleur qui lui arrache son appareil photo, un étudiant en écologie qui lui explique d’où vient le mot « musaraigne », un jongleur des rues filiforme qui lui dit, en acceptant sa proposition, que les « gens de la rue sont tous un peu des déportés »et que le hasard lui fera revoir… Elle se souvient aussi de la fusillade du Bataclan et de son amant du jour d’avant, un dénommé Amir que la police recherche. Tout se brouille dans sa tête, son accident, le terrorisme, le film. Le jongleur vêtu d’un pyjama rayé surgit dans la rue et la voyant triste, lui murmure à l’oreille : « Courons à l’onde en rejaillir vivant ! »La vie est une chorégraphie improvisée.