
Les Saprophytes. Urbanisme vivant
Entretien avec Amandine Dhée
Un collectif de jeunes architectes, paysagistes et designers, les Saprophytes (du nom d’un végétal, un champignon en particulier, qui s’alimente d’organismes en décomposition), après dix ans de pratiques, demande à Amandine Dhée, qui a également publié la Femme brouillon (La Contre-Allée, 2017), de recueillir leurs impressions et d’exposer leurs convictions, doutes et rêves. Ces professionnels constituent un « collectif, horizontal, qui fusionne » leurs compétences et « s’ouvre aux citoyens ». Faire avec peu mais bien, faire avec les gens sans brader son propre savoir-faire, avancer à plusieurs sans se perdre dans un anonymat flou, en somme, s’enrichir de pratiques en enrichissant celles d’autrui, voilà le credo de ce collectif actif et réactif. Appeler dans des cas « difficiles » (lieux détruits par la désindustrialisation, habitations déglinguées par la pauvreté chronique, équipements de guingois, terrains vagues à transformer en jardins, espaces publics délaissés, etc.), Les Saprophytes écoutent, s’installent sur place, proposent, réalisent avec celles et ceux qui veulent visser, clouer, agencer, découper, construire… Le chantier s’improvise, les idées circulent, les actions s’entrechoquent, les propos s’opposent parfois, le banquet et la fête réconcilient, la vie poursuit cahin-caha son chemin. Ce n’est pas le bilan d’une expérience, juste des intuitions et des désirs, des possibles et des difficultés : « Ici, pas de point final, pas de point moral. » Chaque membre du collectif avance à son rythme et « mature ». Aucune prétention, mais une vision organique des choses, des lieux et des gens. Le glossaire imagé retient « animal » (« pond des œufs, broute la pelouse, crée du lien »), « immersion » (« s’immerger pour nourrir l’urbanisme en (éco)système ») ou encore « urbanisme concret » (« penser par le faire, avancer pas à pas en testant les idées qui émergent du groupe, mettre les projets à l’épreuve du site et d’usagers, les territoires se construisent dans le temps, au gré des expériences collectives »). Nous voilà rassurés, la technocratie new-look n’est pas totalement hégémonique.
Thierry Paquot