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Notes de lecture

Un monde de bidonvilles. Migrations et urbanisme informel de Julien Damon

février 2018

#Divers

On les croyait résorbés depuis la « Nouvelle société » de Jacques Chaban-Delmas mais, près d’un demi-siècle plus tard, les bidonvilles en France s’incrustent le long des voies ferrées, dans les plis des villes, aux abords des centres commerciaux. Ils sont petits et mêlent cabanes bricolées et caravanes. En plus des personnes sans domicile qui survivent dans des conditions indignes, des Roms qui font l’objet de méfiance, des migrants qui sont pourchassés, il y a, selon l’étude annuelle de la Fondation Abbé-Pierre, 12 millions de personnes « non ou très mal logés ». Ce ne sont pas des « bidonvillois », mais des personnes en grande précarité. À l’échelle planétaire, selon les critères retenus par les institutions internationales, l’on compte au moins un milliard de « bidonvillois ». « Les bidonvilles stricto sensu sont décrits comme des habitats précaires en tôle, en bois, en matériaux de récupération, présentant une sur-occupation, une densité importante, une absence de toute desserte, une connexion sauvage aux réseaux. La situation d’occupation foncière est massivement irrégulière, mais parfois régulière, lorsqu’un propriétaire est à l’origine du bidonville et en tire profits. » Aucun continent n’échappe à la « bidonvillisation » qui régresse sans toutefois disparaître, car la population urbaine continue à croître inexorablement. L’analyse fouillée et documentée de Julien Damon montre que tout bidonville en cache un autre : certains sont centenaires et ont bénéficié de l’amélioration des conditions de vie de leurs occupants au fil du temps, au point de ressembler à un quartier populaire de la ville, d’autres peinent à offrir un minimum de confort à leurs habitants, en particulier l’accès à l’eau potable et aux latrines. « En dix points, le bidonville présente ces dimensions et qualificatifs que les brochures aiment attribuer à la ville durable : piétonne, dense, numérique, modulaire, écologique, participative, innovante, dynamique, mixte et recyclable. » Bien sûr, le bidonville ne préfigure pas l’éco-quartier d’une smart city ! Sans idéaliser la situation, quelques bidonvilles innovent, tant d’un point de vue architectural qu’urbanistique. Souvent, ce sont ceux qui bénéficient d’une sécurité foncière garantie par les pouvoirs publics et où les associations d’habitants œuvrent pour une démocratie locale. Il y a là une leçon du bidonville à formuler et à diffuser.

Thierry Paquot

Seuil, 2017
116 p. 11 €