Pas de cadeau pour Obama
En ce 20 janvier 2010, le président Obama n’a pas reçu de cadeau pour le premier anniversaire de son entrée en fonctions. La victoire du républicain Scott P. Brown à l’élection sénatoriale du Massachusetts a semé la déroute dans le camp démocrate. Certains reprochent au président – qui était personnellement intervenu pour soutenir la candidate démocrate Martha Coakley – d’avoir mené une politique trop à gauche, notamment sur la réforme de la santé ; d’autres, au contraire, fustigent ses compromissions et ses tentatives d’amadouer les républicains, comme lorsqu’il a salué le vote de la sénatrice républicaine Olympia Snowe en faveur de la proposition de loi du comité de finances du Sénat sur cette même réforme. Si de nombreux électeurs du Massachusetts ont exprimé leur opposition à la réforme de la santé, l’élection de Scott Brown ne s’est pas jouée uniquement sur le terrain des policies, mais également sur celui de la politique au sens large, de la manière dont les électeurs se représentent ceux qui les gouvernent.
Le local et le fédéral se sont en effet parfaitement imbriqués lors de cette élection. La candidate Martha Coakley a fait une campagne de pure forme après avoir remporté haut la main la primaire démocrate, assurée de posséder de nombreux soutiens politiques (notamment celui de la famille Kennedy) et financiers. Depuis le début de l’année, cependant, cette passivité, perçue comme de l’arrogance (le mot qui revient dans les articles est entitlement, le sentiment d’avoir droit à quelque chose, de le tenir pour acquis) lui a fait rapidement perdre les 19 points d’avance qu’elle avait encore sur Scott Brown à la fin du mois de décembre. Brown a fait une campagne populiste, l’accusant d’être une créature de l’establishment démocrate de l’État adoubée par le clan Kennedy et le président Obama.
Car Obama est lui aussi apparu, dans cette élection, comme un pur produit de la machine washingtonienne, qui a rarement bonne presse chez les électeurs américains. Aux États-Unis, le pouvoir use vite, de plus en plus vite, et cette défaite électorale en est une preuve supplémentaire. Que les électeurs aient voté pour le candidat républicain parce qu’ils trouvaient Obama trop à gauche – la réforme de la santé devrait coûter un trillion de dollars répartis sur les dix prochaines années – ou trop centriste – parce qu’il n’a pas suffisamment sanctionné Wall
Street et n’a pas fait de la création d’emplois la priorité de sa première année de gouvernement – c’est avant tout le mot « Washington » qui les a fait changer d’avis, un mot qui, accolé à « Beacon Hill » (le quartier huppé de Boston où se trouve le siège du gouvernement du Massachusetts), a figuré en bonne place dans les discours de Scott Brown. La rhétorique de Scott Brown était à bien des égards proche de celle du candidat Obama, ressemblance que le nouveau junior senator du Massachusetts a du reste revendiquée, en déclarant que ce qui avait fait élire Obama il y a un an et demi pouvait aujourd’hui être un moyen de combattre sa politique.
Et Scott Brown en aura les moyens. Il devient en effet le « 41e » sénateur républicain, celui qui fait voler en éclats la majorité de blocage dont disposaient les démocrates. Le débat s’est déjà engagé sur la date de son investiture ; il souhaite être investi le plus tôt possible afin de pouvoir bloquer le vote de la loi sur la réforme de la santé. Et, si les démocrates retardent la procédure pour voter sans lui, cela ne fera que donner à nouveau l’image d’une « machine gouvernementale », incarnée par le président, prête à tout pour faire adopter le programme pour lequel, malgré tout, le Massachusetts l’a élu il y a dix-huit mois, en lui accordant plus de 60 % de ses voix.