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Enquête

mars/avril 2014

#Divers

Donnons d’abord la parole à Daniel Lindenberg. Historien des idées, sensible aux transferts conceptuels d’un univers géographique à l’autre, il rappelle l’importance de la grande tradition russe qui se manifeste simultanément sur les plans intellectuel, littéraire et philosophique. Faut-il s’en étonner ! Le nihilisme russe, qui ne cesse de s’opposer à l’Europe et à l’esprit occidental au nom d’une autre spiritualité, oscille entre la prise en compte de la vacuité du monde et la nécessité de le renverser, et donc de faire la révolution. Le nihilisme se montre ici biface : il associe une force négative et une force active, un mélange qui a vite fait de produire de la violence contre soi et contre les autres. Dans cette configuration, la dimension politique du nihilisme est mise en avant, ce qui ne doit pas faire oublier la volonté de peintres russes comme Kandinsky ou d’un courant comme le suprématisme de représenter l’irreprésentable, à savoir le vide1. Dans la plupart de ces cas, la gnose joue un rôle décisif en raison de sa radicalité (si l’univers a été créé mauvais, il faut le renverser2).

Daniel Lindenberg – Au xviie siècle, un tremblement de terre a ébranlé l’orthodoxie russe. Je veux parler du raskol (« schisme » en russe), autrement dit de la dissidence des « Vieux Croyants ». Ainsi se sont eux-mêmes désignés les fidèles et les membres de la hiérarchie qui ont refusé les réformes « modernisatrices » de Pierre le Grand dans le domaine de la foi. Les « fols en Christ » qui parsèment l’œuvre de Dostoïevski sortent tout droit du raskol.

Entre Tourgueniev et Camus

Le chemin qui mène de la théologie à la politique dans la Russie du xixe siècle passe ainsi par la disqualification d’une Église qui n’est qu’un rouage du despotisme, ce qui entraînera celle de toutes les institutions politiques et sociales, et finalement de l’idée même de civilisation. Seule la science doit guider l’humanité, à l’exclusion de tout élément moral ou spirituel. La littérature et l’art sont condamnés comme des diversions nuisibles à l’impératif de la destruction universelle, au même titre bien entendu que la religion3. C’est ainsi que le mot de « nihilisme » fera son apparition et deviendra une obsession majeure des intellectuels russes, avec le roman de Tourgueniev Pères et fils (1862), puis européens, avec les Essais de psychologie contemporaine de Paul Bourget (1882), dont Nietzsche sera un lecteur attentif. Le nihilisme russe redeviendra un enjeu central du débat intellectuel après la révolution russe de 1917. Beaucoup y verront une clé pour comprendre les origines du bolchevisme. C’est en particulier le cas du philosophe émigré Nicolas Berdiaev, qui publie en 1938 les Sources et le sens du communisme russe et est un contributeur régulier d’Esprit. Ce livre sera une source essentielle pour Albert Camus lorsqu’il réfléchira sur la généalogie du terrorisme d’État et du nihilisme contemporain.

L’auteur de l’Homme révolté avait été initié à l’histoire du nihilisme russe par l’anarcho-syndicaliste Nicolas Lazarévitch (1895-1975), rencontré à Combat en 1946. Mais il était préparé à en tirer la leçon, car depuis son diplôme d’études supérieures passé sous la direction de Jean Grenier, il n’avait cessé de s’intéresser de très près à l’histoire de la gnose et à toutes les hérésies, en particulier antinomistes, issues du christianisme4, comme le montre sa pièce Caligula, bourrée d’allusions gnostiques, et qui retiendra l’attention de Gershom Scholem, le grand historien de la kabbale, ce qui ne saurait étonner. Par ailleurs, sa Lettre à un ami allemand (1943-1944) ne peut se comprendre que sur l’arrière-plan de ce « nihilisme allemand » analysé en 1941 par Leo Strauss, et dont il se détache après en avoir subi la tentation. Ce congé deviendra définitif avec les articles recueillis dans Actuelles II, et surtout avec l’Homme révolté, où les deux sources, allemande et russe, du nihilisme (et donc des « terrorismes d’État » qui en découlent) sont décryptées.

Philosophe et historien de la philosophie, soucieux de saisir les ressorts du nihilisme contemporain dans ses derniers travaux5, peu enclin aux théories progressistes sans jamais céder à la nostalgie conservatrice d’un retour en arrière, Rémi Brague rappelle ici les ferments européens d’un nihilisme qu’il fait remonter à la fin du xviiie siècle, aux années finissantes de l’Aufklärung et donc juste avant la Révolution française, mais il souligne lui aussi le rôle du nihilisme russe avant d’aborder le personnage philosophique le plus central, Nietzsche.

Rémi Brague – Le mot de nihilisme est, comme on sait, vieux de plus de deux cents ans, puisqu’il fut forgé à la fin du xviiie siècle, en France comme en Allemagne6. Mais c’est Nietzsche qui l’a installé au centre de la pensée européenne, d’où il ne devait plus bouger. Il le présentait, dans un fragment que l’on avait placé en tête de la Volonté de puissance, comme « debout devant la porte, le plus inquiétant de tous les invités7 ». Un invité indélicat, donc, qui ne se contente pas de frapper à la porte, mais n’hésite pas à y coincer son pied. Plus grave, dans le cycle russe parcouru par la notion, entrée en littérature avec Tourgueniev (1862), il a connu une transposition concrète chez les révolutionnaires des années 1870-1880 dont l’activité culmina en 1881 avec l’assassinat du tsar Alexandre II. Plus tard, Hermann Rauschning considéra le nazisme comme une révolution du nihilisme, et Leo Strauss, dans une conférence prononcée aux États-Unis en février 1941, l’analysa comme une manifestation du « nihilisme allemand8 ».

Depuis lors, l’intelligentsia européenne a perdu l’habitude de considérer le nihilisme comme quelque chose de grave. Le nihilisme ne fait plus peur. L’avant-garde y voit un jeu cérébral à jouer entre initiés, loin du vulgaire. D’aucuns l’accueillent même d’un cœur léger, et y cherchent bien plutôt la garantie de la paix : pourquoi se battrait-on ? Pourquoi tuerait-on pour des causes auxquelles on ne « croit » pas ? Augusto del Noce a même forgé le syntagme « nihilisme gai » (comme on dit « avoir le vin gai ») pour caractériser une position radicalement non tragique, et dans laquelle on peut, si l’on y tient, reconnaître celle de son compatriote et collègue philosophe Gianni Vattimo9.

Or il se pourrait qu’un fait nouveau soit en train de se mettre en place, depuis quelques décennies, à pas de loup, et que le nihilisme prenne une figure autrement plus sérieuse. La gaieté serait même un symptôme de plus du danger qu’il représente. Les périodes de décadence d’une civilisation, en effet, peuvent, voire doivent être des plus agréables, puisque les contraintes fondatrices sont levées et que chacun peut vivre dans l’illusion de « faire ce qu’il veut ».

Le moment nietzschéen

Évoquer Nietzsche, ce n’est pas le statufier (tâche au demeurant impossible !) mais en prendre la mesure contemporaine. C’est donc saisir à distance les forces et les faiblesses de sa pensée, comme le fait Paul Valadier10, l’un de ses interprètes des années 1970 au cours de laquelle le gauchisme deleuzien, Heidegger et les catholiques en rupture de ban s’arrachaient Nietzsche. C’est aussi rappeler, histoire de lever des malentendus inévitables, que la thématique de « la mort de Dieu » n’est pas l’origine du nihilisme et que celui-ci a déjà dans les années 1880 une longue histoire. Reconnaître la perte de « la valeur de la valeur », que ce soit Dieu (dans l’ordre théologique), l’or (dans l’ordre économique) ou le Beau (dans le registre esthétique), c’est admettre que l’on s’est tourné vers des croyances valorisant une méta-valeur, une méta-physique, pour mieux se détourner du monde sensible, des sens, du corps et de la vie. La théologie comme la métaphysique valorisent les arrière-mondes pour mieux mettre entre parenthèses le « monde ». Telle est la signification première du renversement nietzschéen des valeurs, qui ne se résume donc pas à la mort de Dieu. Jean Granier, un lecteur trop méconnu de Nietzsche11, l’affirme avec force :

Le nihilisme signifie que Dieu est mort : c’est-à-dire que l’ensemble des idéaux et des valeurs qui garantissaient la domination et la décadence trahit le néant qui en était le fondement caché12.

La mort de Dieu est une invitation à rappeler que le processus de décadence, indissociable d’une domination, d’une force (celle d’un pouvoir religieux ou non), avance caché depuis longtemps et qu’il n’est mis à nu qu’à la fin du xixe siècle. Jean Granier poursuit :

On voit que la mort de Dieu ne correspond nullement à un simple constat psychosociologique concernant les progrès de l’athéisme dans le monde moderne ; elle désignerait encore moins la reprise du thème chrétien de la mort et de la résurrection de Dieu. Quand Nietzsche la proclame par la bouche de Zarathoustra, il entend résumer des réflexions qui lui ont révélé le sens et la genèse de l’idéologie dont la modernité expérimente, dans une crise planétaire, la nullité radicale. L’angoisse moderne est bien, ainsi, angoisse devant l’abîme d’une vie qui, privée maintenant de ses buts et de ses valeurs, apparaît fatalement absurde : « Les valeurs supérieures se déprécient. Les fins manquent ; il n’est pas de réponse à cette question : “À quoi bon ?” ».

(Volonté de puissance, II, 43)

Après le moment nietzschéen, qui révèle ce qui sous-tend le processus de décadence qui conditionne le nihilisme européen, le moment philosophique de l’après-guerre a été porté par la thématique de l’absurde et la pensée de Camus. Le risque est de laisser croire que ce temps de l’absurde fut seulement celui d’une époque marquée par la guerre. Une relecture de Kafka et de Blanchot s’impose dans ces conditions, comme le propose ici Jérôme de Gramont. Mais on ne peut oublier le rôle de Camus, devenu le penseur contemporain par excellence, un penseur qui ne croit plus comme Sartre que la dialectique hégélienne a des vertus et que la fin de l’histoire (au sens progressiste) est devant nous13. Camus, ce n’est pas seulement le théâtre de l’absurde, le non-sens, c’est la nécessité d’y répondre en se tournant vers ce qui allège le monde. Au-delà de ces relectures, J. de Gramont s’arrête sur la lutte de Jacob avec l’ange.

Jérôme de Gramont – Chacun est fils de son temps, et il est des temps sombres, certains plus sombres encore, la chose est entendue. Ce constat suffit-il pour qu’une génération soit jetée dans un tourment d’histoire, et une autre sauvée ? Le nihilisme a cent masques. Que l’un d’entre eux tombe, hideux, et le péril prend d’autres apparences. L’ouvrage de Michel Henry de 1990, par son seul titre, Du communisme au capitalisme. Théorie d’une catastrophe14, donne à penser. Ce qui devait nous arracher à la crise nous y entraîne par un autre tour d’histoire. Donnons-en un autre exemple : nous pouvons bien espérer de la technique qu’elle nous délivre de la misère, et sans doute le devons-nous, attendant d’elle la maîtrise de la nature et la réalisation, sinon de notre bonheur, à tout le moins des conditions de notre bonheur. Il nous faut pourtant prendre la mesure de la catastrophe possible liée à l’ère de la technique, ce que Heidegger savait décrire comme la dévastation de la terre. Nihilisme veut dire aussi : peut-être ne serons-nous jamais tout à fait à l’abri, et dès lors : nous ne le serons jamais.

L’écrivain témoigne d’une exposition au désastre, et l’histoire en donne bien des preuves. Il faut nous rendre à cette idée, que le témoignage porte sur le danger autant que sur ce qui sauve. Songeons ici à Kafka. Qu’il devance l’horreur qui bientôt va s’abattre sur l’Europe et détruire les siens nous aide à penser qu’il nous devance encore (Deleuze l’avait noté : l’écrivain est parfois comme une montre qui avance). Les pages publiées sous le titre de la Muraille de Chine présentent ce projet assurément salutaire, à bien des égards justifié, d’assurer la défense d’un pays par la construction d’une vaste enceinte qui le protégerait des invasions barbares. Mais le récit montre aussi que de toute évidence les nomades du Nord sont déjà là, sur la grande place de la capitale, à quelques pas du Palais impérial. Comment, eux pourtant si loin des frontières, ont-ils pénétré jusqu’ici, voilà qui n’est pas dit, mais ils sont là. « La muraille de Chine est la défense qu’on désire d’abord élever contre le désert15. » Nous souhaitons tracer des frontières, identifier des thèses, marquer un territoire, et placer la menace au dehors et seulement au dehors.

D’où vient que ce projet, mené à bien par les plus grands architectes du temps, échoue ? De ce qu’un tel partage des lieux, des terres, des thèses, est voué à l’impossible. Nous rêvons d’affirmer d’indestructibles valeurs comme si elles étaient des choses encore plus pérennes que la Grande Muraille de Chine ou les pyramides. (Mais le sens n’a pas la solidité des pierres. Il a plutôt la fragilité de ce qui nous est confié et n’existe plus que par nous.) Ou bien, nous rêvons d’en finir avec le nihilisme en l’enfermant dans une définition dont il suffirait de prendre le contre-pied, mais cela est encore faire son jeu. « Pour en finir avec le nihilisme » – et si une telle formule, trop alerte, trop naïve, était justement ce dont il fallait se garder ? Pour en finir avec Dieu (le jugement de Dieu), les juifs, les pauvres, le nihil et les nomades du Nord (qu’importe le nom, pourvu que le geste soit là, de chasser des villes, reconduire aux frontières, dresser des lignes de partage) – voilà le rêve et la folie. Le nihilisme est lié à l’être autant qu’au néant (Heidegger), à la science autant qu’à la barbarie (Husserl), au jour autant qu’à la nuit (Blanchot). Nous rêvons d’un dépassement du nihilisme, de franchir la ligne critique, mais peut-être est-ce là l’impossible. Le nihilisme est une possibilité d’histoire, et nous ne pouvons jamais en finir avec le possible.

Ici, plus que jamais, il faut se garder de toute parole trop simple (au risque de n’être pas compris). Commencer par tenir deux paroles au lieu d’une, nourrir deux pensées à la fois : une certitude et une incertitude. Leur alliage ôte l’autorité dont se pare le dogmatique, mais elle retient de baisser les bras et les mots, et de renoncer à poursuivre notre métier d’homme, même là où la fatigue est la plus grande. Songeons cette fois à la lutte si énigmatique de Jacob avec l’ange. Qu’il doive lutter jusqu’à l’aurore, Jacob n’en doute pas un instant, mais de cette lutte elle-même et avec qui il la mène, il ne sait rien. De ce combat avec quelqu’un dont le nom dans le récit biblique demeure tu, nous savons l’issue et qu’il fut un combat avec Dieu, mais Jacob cette nuit-là ne le sait pas. Évoquant l’épisode, Blanchot dit de Jacob qu’il « se heurte au Dehors inaccessible16 », ce qui ne dissipe aucunement l’énigme. Mais qu’il y ait bénédiction, jusque dans la nuit, et alors même que Jacob est blessé, vaincu, rendu à l’extrême faiblesse de celui qui ne peut plus marcher sans boiter, voilà ce que nous pouvons retenir. Qu’on n’attende pas de ce récit, d’aucun livre, d’aucun penseur, même les plus grands, qu’ils nous disent comment mener à bien la lutte que nous avons à mener, ici et maintenant, celle qu’il nous faut inventer. Mais qu’on retienne ce signe, au milieu de tant d’autres qui semblent nous convaincre de la ruine de notre histoire d’hommes : jusque dans la nuit de ce combat avec un inconnu, jusque dans le néant, jusque dans la défaite même, une bénédiction peut être reçue. Ce ne sont pas des royaumes et des armées dont Jacob a besoin pour vaincre cet adversaire inconnu avec qui il se mesure, c’est d’accueillir celui qui à la fois le blesse et le bénit. Nous pouvons bien tout perdre, être dépossédés de tout bien et de tout pouvoir d’affirmer, ramenés à notre nudité d’homme, cette nudité est capable d’« une affirmation qui est joie, qui dit silencieusement la joie et la force de l’homme nu et dépouillé17 ». Le nihilisme est cette nuit dont nous ne désespérerons pas.

Disons-le autrement, tout autrement, d’une manière qui ne doit plus rien aux pages que nous venons de lire mais voudrait les accompagner aussi loin que possible dans l’expérience du désastre : un Dieu nu, en mourant sur une croix, a pris notre place, la dernière place possible. Depuis il n’y a plus de lieu ou de temps qui ne puisse devenir bénédiction.

Patočka, Ricœur, Lévi-Strauss

On voit bien que le nihilisme ne se résume pas au moment nietzschéen des années 1880. En effet, les nihilismes d’hier renvoient à des formes de pensée et de comportement qui permettent de saisir les nihilismes contemporains qui ne sont pas toujours tristes, malheureux, confrontés au néant et à l’absurde. Là encore, Jean Granier est un excellent guide pour s’aventurer dans le labyrinthe d’une œuvre nietzschéenne au demeurant fragmentée.

Sortir du nihilisme exige d’en parcourir les étapes, car il y a bel et bien une histoire du nihilisme. Évoquons-les rapidement pour mieux saisir en quoi elles nous concernent encore aujourd’hui. Il y a d’abord un prélude au nihilisme qui est le pessimisme, celui qui se manifeste à la fin du xixe siècle dans le spleen romantique et la pensée de Schopenhauer qui, non sans lien avec le bouddhisme, valorise le non-être par rapport à l’être. Mais ce pessimisme est un nihilisme incomplet car « il se refuse à révoquer en doute leur fondement idéal et remplace Dieu par le culte des idoles ». Des idoles que l’on peut nommer : « Fanatisme, sectarisme, totalitarisme, trois types de fuite dans le nihilisme incomplet. » Plus avant, les deux foyers de ce nihilisme incomplet ne sont pas sans nous choquer :

Il s’agit d’une part de la lutte entre la tradition religieuse et les libres penseurs qui n’ont éliminé le Dieu du christianisme que pour conserver plus pieusement encore la morale chrétienne.

Ici, c’est Kant qui est visé, l’homme de la morale et de l’impératif catégorique. L’autre menace est tout simplement le socialisme : Nietzsche n’a pas lu Marx, mais

il a bien vu les dangers de la sacralisation nihiliste de l’histoire et du progrès ainsi que du moralisme révolutionnaire, ici déguisée en apologie du bonheur collectiviste et obligatoire.

Arrêtons-nous un moment : qu’en est-il aujourd’hui du moralisme et du culte du progrès ? Au nihilisme incomplet succède le nihilisme passif

qui s’accompagne d’une abdication complète du vouloir. Maintenant l’absence de fondement est devenue une évidence centrale et universelle, et toutes les anciennes valeurs sont englouties dans ce gouffre. Au lieu de mobiliser la volonté pour créer des valeurs nouvelles, on démissionne.

Là encore, arrêtons-nous sur l’époque présente, les analogies ne manquent pas !

Troisième étape : le nihilisme actif qui est celui des incendiaires :

Les décadents à la fois les plus farouches et les plus clairvoyants réclament un sabordage universel des valeurs ; ils ne se contentent plus d’assister à la ruine des anciens idéaux, ils s’en font eux-mêmes les incendiaires. La fête de l’anéantissement, la rage du terrorisme sont leur dernière chance18.

Le terroriste comme figure du nihilisme actif, cela ne fait-il pas un peu penser à notre époque où les incendiaires provoquent des contre-incendies peu démocratiques (Guantánamo) ? Reste une dernière étape, celle du rebond qui veut dépasser tous ces nihilismes qui sont « autant de capitulations devant le néant révélé par la mort de Dieu », celle d’un nihilisme qualifié de « classique » ou d’« extatique » qui est celui d’un dernier homme lui-même destiné à atteindre le surhomme.

Des pensées qui n’ont pas voulu écrire des suites à Nietzsche s’inscrivent dans le cadre de cette généalogie du nihilisme pour tenter d’y répondre. « Face au nihilisme », telle est la posture de Jan Patočka, ce phénoménologue proche de Husserl et de sa Krisis, qui est l’auteur avec Václav Havel de la Charte 77 à Prague. Face à Hegel et à son idée d’une fin de l’histoire, idée partagée avant la guerre de 1914 par le président Masaryk que Patočka critique dans nombre de ses textes (la critique porte sur la guerre comme moyen de parvenir à la paix), face à Nietzsche, face à Heidegger, Patočka tente une ouverture qui le ramène à l’histoire la plus concrète et la plus violente, celle des tranchées de 1914. Jean-Loup Thébaud propose ici de réévaluer la réflexion de Patočka qui se présente comme une forme de « résistance » impliquant une pensée et une action d’ordre éthique. Mais, en cela indissociable du cadre propre à ce dossier, Patočka se pense comme un Européen, c’est-à-dire comme marqué par la crise du sens dont les tranchées de 1914 sont la marque sanglante.

Jean-Loup Thébaud – Paul Ricœur fut l’un des premiers penseurs français à s’intéresser à Patočka. Dans la décennie 1980, celle où cherchait à s’affirmer une réflexion « post-totalitaire », au moment où Prague et Gdansk se profilaient comme les nouvelles capitales de la philosophie, Ricœur ne pouvait qu’éprouver de la fraternité avec un auteur comme lui issu de Husserl, en débat avec Heidegger, et dont l’empreinte chrétienne, certes moins marquée que chez lui, demeure sensible.

Mais s’il y avait un point où Ricœur et Patočka pouvaient ajuster leur visée, c’est bien sur le refus du nihilisme, sur la résolution de ne pas céder à Nietzsche, le « convive de pierre ». Ricœur a consacré un texte à méditer la réponse de Patočka au défi du philosophe de Sils-Maria : « Jan Patočka et le nihilisme19 ». La lecture de Ricœur détecte avec sûreté ce qui, dans les derniers textes de Patočka, emporte sa réflexion sur le nihilisme jusqu’au « point d’hérésie », notamment dans le dernier chapitre des Essais hérétiques20, « Les guerres du xxe siècle et le xxe siècle comme guerre ». L’intérêt marqué que nous portons aujourd’hui aux Essais hérétiques ne doit pas nous faire oublier, en effet, que Patočka fait face au nihilisme depuis ses premiers textes, dont certains ont été rassemblés sous le titre la Crise du sens21. L’article qui ouvre ce volume et lui confère son orientation s’intitule : « La conception de la crise spirituelle de l’humanité européenne chez Masaryk et chez Husserl ».

Masaryk, Husserl : ajoutons la date, 1936. Tout est dit. Tout est dit parce que nous comprenons que ce texte s’inscrit dans la trace des célèbres conférences prononcées par Husserl à Prague en novembre 1935 à l’invitation de Patočka, qui donneront matière à former plus tard la décisive et historique Krisis. Parce que nous comprenons qu’il s’agit aussi de l’héritage du « père de la nation » Masaryk. Si l’alliance de ces deux noms peut nous surprendre, elle va au contraire de soi pour Patočka. L’un comme l’autre osent dévisager le nihilisme de l’époque, ils le font à des titres divers, avec des moyens différents, mais pour Patočka il ne peut être question d’ignorer leur parenté, leur commun ébranlement devant l’ébranlement du sens et leur commun refus de « céder sur leur désir ». Une formidable anecdote nous montre Patočka recevant des mains de Husserl en 1935, dans sa demeure, un pupitre de lecture reçu lui-même des mains de Masaryk son aîné, à Leipzig, quelque soixante ans plus tôt. C’est grandiose – grandiloquent dirions-nous peut-être aujourd’hui, comme un tableau d’Hernani.

Si l’héritage est revendiqué, Patočka ne se prive pas pour autant de rouvrir le testament et de le modifier profondément. Masaryk diagnostique la crise dans un « suicide » qu’il rapporte à un subjectivisme moderne des valeurs et trouve un recours dans un nouveau platonisme. Husserl quant à lui propose la phénoménologie comme solution : elle seule abrite la capacité de redonner vie et sens à un monde de significations, avec le retour au « monde de la vie » (Lebenswelt).

Aux yeux de Patočka, il s’agit de corriger l’un par l’autre (ni objectivisme ni subjectivisme), c’est pourquoi il s’oriente vers une phénoménologie rénovée – « a-subjective » – qui emprunte à Heidegger (le Dasein) et à Aristote (la Kinesis). Mais le mouvement de pensée culmine dans une « percée socratique », celle du « souci de l’âme », qui reprend la ligne de Masaryk. Ce dispositif antinihiliste, celui du « sens » socratique qui est le sens au sein du non-sens, reste cependant sous la menace d’une version idéaliste de la « vie dans la vérité ». On peut bien penser que c’est le risque de cette équivoque qui a tourmenté Patočka.

C’est là que Ricœur marque le pas en abordant, non sans « crainte et tremblement », le dernier chapitre des Essais hérétiques, ces « textes étranges, et à bien des égards effrayants ». Il y a de quoi. Dans ces pages étonnantes, Patočka brise avec la tradition phénoménologique et s’expose sans plus de réserve à l’épreuve du nihilisme ; il brûle ses vaisseaux au feu de la guerre et prive l’âme de toute ressource intérieure. Pour lui, les forces du « jour », celles que la phénoménologie avoue, ne délivrent pas le « jour de la présence », tout au contraire, elles sont les forces de l’enchaînement et de l’asservissement. Ce qui se « donne » comme sol ou ciel, c’est en fait le déchaînement du nihilisme. Le « jour » dissimule dans son don (es gibt) sa ténèbre, le monstrueux « il y a » dont parle Levinas, le pullulement sans fin et le ressac immanent de la « vie qui va ».

Dans un renversement foudroyant, c’est la guerre qui révèle la nuit qu’est en réalité le jour. L’expérience du front que Patočka tire de son interprétation personnelle des textes que la guerre de 1914 a inspirés à Jünger et Teilhard de Chardin engloutit ce qui se donne comme « monde » et « sens » dans le néant, précipite tout sens dans le non-sens qu’il est, arrache ses masques en les retournant comme des masques de sorciers. C’est au sein de cette nuit monstrueuse que la comédie sinistre et criminelle du jour perd tous ses prestiges maléfiques et que ses manigances sont mises à nu. Ce que Patočka baptise alors « sacrifice », face au nihilisme, n’a rien à voir avec un héroïsme hégélien ou nietzschéen. C’est la reconnaissance, de part et d’autre de la ligne de front, de la « solidarité des ébranlés », c’est-à-dire que c’est la fidélité à Polemos, l’éclair qui déchire la nuit (le nihilisme du jour retourné dans sa hideuse doublure de la « mobilisation générale ») et fait voir le jour (l’être-avec des ébranlés), qui peut faire obstacle au nihilisme (le sens plein de l’immanence étouffante et despotique). Mais, dira-t-on peut-être, si nous sortons bien d’une phénoménologie classique, en quoi ce Polemos se soustrait-il à une problématique heideggerienne ? C’est qu’à la différence ontologique, au combat de la terre et du ciel, le Polemos oppose la puissance terrifiante du jour, dans un mouvement parent du rejet de la violence mythique par Walter Benjamin.

N’aurions-nous d’autre espoir que celui de nous tenir comme autant de vigilants dans la tranchée ? Devons-nous admettre qu’il n’y a d’éthique que prépolitique et que la résistance au mal est la seule option possible si la capacité de ressentir le mal n’a pas disparu, si un nihilisme gai et jouisseur exacerbé par la consommation technique et la glissade effrénée des écrans ne l’a pas emportée ? Dans la dernière partie de ce dossier, il faudra revenir sur quelques interrogations se démarquant des lourdes affirmations nietzschéennes qui précèdent. D’où ces deux questions d’ordre politique et historique : celle de l’indétermination démocratique mise en avant par Claude Lefort (le lieu nécessairement vide du pouvoir) et celle de la paix européenne d’aujourd’hui. L’indétermination démocratique : l’absence de fondement nous condamne-t-elle à une indétermination toujours réitérée et à renoncer à l’idée même de fondation ? L’Europe pacifiée : s’il est manifeste que les totalitarismes ont ensanglanté l’histoire européenne du xxe siècle, celle-ci est encore voilée, bien des crimes sont encore recouverts et mal connus, comme l’a montré un récent ouvrage, Terres de sang, de Timothy Snyder22. Ne faut-il pas alors s’interroger sur l’incapacité européenne à regarder en face ses propres maux ? Par-delà le bien et le mal ? Sûrement pas. L’horizon d’universalité reste le nôtre parce que c’est une illusion de croire que l’on va se débarrasser du mal et de la violence et que la raison démocratique est l’arme des faibles. Les manifestants de Kiev en savent quelque chose, qui ne sont pas des surhommes mais manifestent contre la décadence et la domination !

Paul Ricœur a donc titré l’un de ses textes consacrés à Jan Patočka « Face au nihilisme » ; il ne craint jamais de se confronter à cette problématique pour lui indépassable. Indépassable car on ne saute pas allégrement de la doxa nihiliste à une posture qui en délivre, celle de la science, du surhomme, de la dogmatique, etc. Le « tenir pour vrai », notre horizon de convictions, n’est pas la possession du vrai. La mort du théologico-politique ne nous a pas rendu orphelins du vrai, mais plus que jamais nous ne pouvons faire semblant de nous l’approprier.

Il est un autre apport de Ricœur que rappelle ici l’un de ses proches et continuateurs, Olivier Abel, quand il revient sur les liens avec Claude Lévi-Strauss. Ce dialogue difficile rend manifeste l’opposition de celui qui lit la Bible et de celui qui ne la valorise pas outre mesure, mais on y perçoit surtout une joute autour des notions de sens et de non-sens. Lévi-Strauss ne supporte pas cette notion aux allures transcendantes et l’on accusera longtemps Ricœur d’être à la recherche d’un supplément de sens aux accents religieux ou théologiques. Olivier Abel montre qu’il ne s’agit pas de cela mais de la place impartie à soi et à l’autre dans chacune de ces anthropologies. Pour le « pyrrhonisme structuraliste », il n’y a pas de dehors et pas d’altérité. C’est donc la discussion conséquente sur le relatif et l’universel qui est engagée dans cette réflexion.

Olivier Abel – Le mot nihilisme est un mot trop important, qui peut fasciner la pensée de quelque côté qu’on la tourne. Ce peut être dans le rapport au monde, peu à peu décoloré, ayant perdu goût et réalité, juste offert à nos manipulations, ou juste bon à être quitté. Ce peut être dans le rapport à l’autre, cette impuissance à toucher, à être touché, à transgresser ensemble la solitude, cette manière de préférer arrêter tout de suite que de risquer la déception – et c’est toujours l’idéalisme qui se retourne en cynisme. Ce peut être dans cette impuissance à rien finir dont parlait Nietzsche, qui n’est pas sans parenté avec l’acédie mélancolique, face à laquelle se comprend et se reprend l’affirmation originaire chère à Paul Ricœur – cette reprise affirmative, je la vois à l’œuvre chez lui dans l’inversion fréquemment glissée sous la locution « et pourtant ».

Chez Ricœur, il me semble que le nihilisme est notamment ce qui ronge la fiabilité des témoins et du langage commun, lequel n’existe que par l’écart soutenu des témoignages. Ricœur n’a cessé de montrer la demande de crédibilité et de véracité qui anime toute parole, et qui présuppose une sorte de confiance dans le langage, une sorte de « foi » dans sa propre parole comme dans la parole d’autrui. Sans cette confiance, nos sociétés s’effondrent. On trouve cela très tôt chez lui dans un texte programmatique sur la mondialisation : « Civilisation universelle et cultures nationales23 ». Le paradoxe culturel est que nous voyons se déployer en même temps un progrès technique et rationnel de la civilisation planétaire et un péril anthropologique pour la diversité des cultures par une subtile destruction de ce qu’il appelle leurs « noyaux éthico-mythiques ».

Il en propose une analyse profonde et originale, sans doute en débat intime avec Claude Lévi-Strauss avec lequel il est ici tout proche dans l’énoncé du problème, même s’il cherche dans une tout autre direction. Quand il parle de « pyrrhonisme radical » pour définir le postulat quasi parménidien de l’anthropologue : « les hommes pensent toujours bien », c’est certes parce qu’avec cela on ne peut dire et penser que correctement, mais aussi parce que cela désigne une permutation égalitaire des termes, une sorte d’interchangeabilité radicale et universelle, dans laquelle il n’y a plus que des autres. Or pour Ricœur le problème est justement celui d’un nihilisme pour lequel il n’y a que des autres. Cette menace, dont il dit alors qu’elle est plus grave que la menace atomique, il l’identifie notamment au tourisme, comme figure de ce perpétuel déplacement sans but que sont devenus les échanges humains.

Il n’est pas aisé de rester soi-même et de pratiquer la tolérance à l’égard des autres civilisations […] la découverte de la pluralité des cultures n’est jamais un exercice inoffensif ; le détachement désabusé à l’égard de notre propre passé, voire le ressentiment contre nous-mêmes qui peuvent nourrir cet exotisme révèlent assez bien la nature du danger subtil qui nous menace. Au moment où nous découvrons qu’il y a des cultures et non pas une culture, au moment par conséquent où nous faisons l’aveu de la fin d’une sorte de monopole culturel, illusoire ou réel, nous sommes menacés de destruction par notre propre découverte ; il devient soudain possible qu’il n’y ait plus que des autres, que nous soyons nous-mêmes un autre parmi les autres […] Nous pouvons très bien nous représenter un temps qui est proche où n’importe quel humain moyennement fortuné pourra se dépayser indéfiniment et goûter sa propre mort sous les espèces d’un interminable voyage sans but […] ce serait le scepticisme planétaire, le nihilisme absolu dans le triomphe du bien-être. Il faut avouer que ce péril est au moins égal et peut-être plus probable que celui de la destruction atomique24.

Le scepticisme ici n’est pas le solipsisme, comme impuissance à sortir de soi, mais au contraire l’impuissance à avoir un soi. C’est pourquoi Ricœur écrit ici, plutôt contre Lévi-Strauss et le pyrrhonisme structuraliste dans lequel le langage n’a pas de dehors : « Pour rencontrer un autre que soi, il faut avoir un soi25. » Ricœur part du constat commun à cette génération de la pensée française, sans doute frappée par la guerre, la destruction de l’Europe et la décolonisation, que les civilisations sont plurielles dans l’espace et dans le temps, et qu’elles sont mortelles. Sa question est alors celle des conditions de possibilité d’une rencontre des cultures diverses, une rencontre qui ne soit pas mortelle pour tous. Et qui rompe à la fois le vertige d’une communication universelle et totale sous l’idée d’une unité absolue de l’humanité et celui d’une altérité totale entre des humanités qui ne se comprendraient pas entre elles. C’est ici qu’il rencontre justement le paradigme de la traduction :

L’homme est un étranger pour l’homme certes, mais toujours aussi un semblable […] croire la traduction possible jusqu’à un certain point, c’est affirmer que l’étranger est un homme […] je puis me faire autre en restant moi-même. Être homme, c’est être capable de ce transfert dans un autre centre de perspective26.

C’est à ce point du texte que surgit l’interrogation sceptique, non plus le doute sur la possibilité de comprendre l’autre, de le rencontrer, de le traduire, mais le doute inverse : « Alors se pose la question de confiance : qu’arrive-t-il à mes valeurs quand je comprends celles des autres peuples ? » La question de confiance est bien la question de la confiance en soi, en sa propre existence, en ses propres capacités de recevoir et de donner. Il y a donc bien une condition à la rencontre des cultures :

Seule une culture vivante, à la fois fidèle à ses origines et en état de créativité sur le plan de l’art, de la littérature, de la philosophie, de la spiritualité, est capable de supporter la rencontre des autres cultures, non seulement de la supporter, mais de donner un sens à cette rencontre. Lorsque la rencontre est une confrontation d’impulsions créatrices, une confrontation d’élans, elle est elle-même créatrice. Je crois que, de création à création, il existe une sorte de consonance, en l’absence de tout accord. C’est ainsi que je comprends le très beau théorème de Spinoza : « Plus nous connaissons de choses singulières, plus nous connaissons Dieu. » C’est lorsqu’on est allé jusqu’au fond de la singularité, que l’on sent qu’elle consonne avec toute autre, d’une certaine façon qu’on ne peut pas dire, d’une façon qu’on ne peut pas inscrire dans un discours27.

La tâche des générations à venir est donc de sortir du choc dogmatique des civilisations sans sombrer dans un relativisme indifférent et sceptique :

C’est pourquoi nous sommes dans une sorte d’intermède, d’interrègne, où nous ne pouvons plus pratiquer le dogmatisme de la vérité unique, et où nous ne sommes pas encore capables de vaincre le scepticisme dans lequel nous sommes entrés28.

Cinquante ans plus tard, nous en sommes toujours là : dans le grand marché planétaire, il n’y a plus que des options, et chacune s’encapsule, se durcit, s’intégralise pour surnager dans le grand déluge.

  • 1.

    Voir les travaux d’Alain Besançon, par exemple l’Image interdite. Une histoire intellectuelle de l’iconoclasme, Paris, Fayard, coll. « L’esprit de la cité », 1994.

  • 2.

    Voir l’article de Bruce Bégout dans ce numéro, p. 68 sqq.

  • 3.

    Sur ce sur ce mouvement, très souvent caricaturé, on lira avec profit Michael Confino, « Révolte juvénile et contre-culture, les nihilistes russes des années 1960 », Cahiers du monde russe et soviétique, 1990, n° 31-4.

  • 4.

    Voir Simone Pétrement, la Gnose en notre temps. Encyclopédie française, XIX, 1957.

  • 5.

    Voir l’un de ses récents ouvrages, le Propre de l’homme. Sur une légitimité menacée, Paris, Flammarion, 2013.

  • 6.

    La meilleure synthèse me semble être celle de Franco Volpi, Il nichilismo, Bari, Laterza, 1996.

  • 7.

    Nietzsche, Fragment Automne 1885-Automne 1886, 2 [127], dans Kritische Studienausgabe, éd. G. Colli et M. Montinari, Berlin et New York, De Gruyter, 1980, t. 12, p. 125 (Der Wille zur Macht, § 1).

  • 8.

    Hermann Rauschning, Die Revolution des Nihilismus. Kulisse und Wirklichkeit im Dritten Reich, Zurich et New York, Europa Verlag, 1938 ; Leo Strauss, “On German Nihilism”, éd. Daird Janssens et Daniel Tanguay, Interpretation, 26 (1999), p. 353-378, texte p. 355-373.

  • 9.

    Augusto del Noce, Lettre du 8 janvier 1984 à Rodolfo Quadrelli, dans Tracce, février 1994.

  • 10.

    Voir infra, p. 75 sqq.

  • 11.

    Voir Jean Granier, Nietzsche, Paris, Puf, coll. « Que sais-je ? », 1982, et surtout le Problème de la vérité dans la philosophie de Nietzsche, Paris, Le Seuil, 1978.

  • 12.

    J. Granier, Nietzsche, op. cit., p. 28.

  • 13.

    Voir Éric Marty, « Le pouvoir de dire “je”. Les intellectuels, la politique et l’écriture (entretien) », Esprit, juillet 2013 et le numéro d’août-septembre 2012 consacré à Simone Weil.

  • 14.

    Michel Henry, Du communisme au capitalisme. Théorie d’une catastrophe, Paris, Odile Jacob, 1990.

  • 15.

    Maurice Blanchot, l’Entretien infini, Paris, Gallimard, 1969, p. 270.

  • 16.

    Voir M. Blanchot, « Réflexions sur le nihilisme », dans l’Entretien infini, op. cit., p.185.

  • 17.

    Voir M. Blanchot, « Réflexions sur le nihilisme », art. cité, p. 262.

  • 18.

    Citations extraites de J. Granier, Nietzsche, op. cit., p. 29-33.

  • 19.

    Publié dans Esprit, novembre 1990, et repris dans P. Ricœur, Lectures 1. Autour du politique, Paris, Le Seuil, 1991 (rééd. coll. « Points Essais », 1999).

  • 20.

    Jan Patočka, Essais hérétiques, Paris, Verdier, 2000.

  • 21.

    Id., la Crise du sens, Paris, Éditions Ousia, 2000.

  • 22.

    Timothy Snyder, Terres de sang. L’Europe entre Hitler et Staline, Paris, Gallimard, 2012. Voir l’entretien que lui a consacré Esprit en février 2013.

  • 23.

    Texte paru dans Esprit en octobre 1961 puis repris dans P. Ricœur, Histoire et Vérité, Paris, Le Seuil, coll. « Points Essais », 2001. Les citations sont extraites de l’ouvrage.

  • 24.

    P. Ricœur, Histoire et Vérité, op. cit., p. 330-331.

  • 25.

    Ibid., p. 337.

  • 26.

    Ibid., p. 336.

  • 27.

    P. Ricœur, Histoire et Vérité, op. cit., p. 337.

  • 28.

    Ibid.

BRAGUE Rémi

GRAMONT Jérôme (de)

Olivier Abel

Professeur de philosophie éthique à l’Institut Protestant de Théologie-Montpellier, après avoir enseigné au Tchad et à Istanbul, puis à Paris de 1984 à 2014, où il a créé le Fonds Ricœur. Il a notamment écrit sur la philosophie morale et politique de Calvin, Milton et Bayle et publié récemment Le vertige de l’Europe, Genève, Labor et Fides, 2019.…

Daniel Lindenberg

Historien, ses travaux de prédilection portent sur l'histoire des idées politiques et les controverses intellectuelles. Son livre sur le Marxisme introuvable (Paris, Calmann-Lévi, 1975) a participé d'une relecture de la place du marxisme dans les idées politiques en France. Il a consacré de nombreuses études aux interférences et aux croisements entre visions religieuses et idées poitiques,…

Jean-Loup Thébaud

Jean-Loup Thébaud est philosophe. Il a notamment travaillé sur Jan Patocka et a publié une discussion avec Jean-François Lyotard, Au juste (Christian Bourgois, 2006).

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