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De la révolution aux restaurations ? (entretien)

Les protestations dans les pays arabes relèvent de processus révolutionnaires : alors qu’on croyait ces sociétés immobiles, c’est une analyse politique de leurs dynamiques internes qu’il nous faut reprendre pour expliquer le mouvement historique qui les soulève.

Hamit Bozarslan – Indépendamment de la part d’inattendu que recèlent toujours les événements, on peut relever des éléments structurels permettant de comprendre les révolutions qui traversent le monde arabe. Je ne reviens pas ici sur les réalités démographiques : le poids des jeunes, et la question générationnelle, le malaise des jeunes générations, leur maîtrise des nouvelles technologies (on s’est rendu compte que, sans être nécessairement équipés chez eux, vingt-trois millions d’Égyptiens avaient accès à l’internet, ce qui est un chiffre inattendu et considérable). Il faut tout d’abord repartir du fait autoritaire et de l’évolution de l’État. Dans la plupart des pays du Proche et du Moyen-Orient, l’État prend, pour utiliser une notion suggérée par Michel Camau, la forme d’un cartel, c’est-à-dire qu’il fait l’objet d’un partage entre groupes qui s’approprient le pouvoir. L’État s’est aussi transformé du point de vue de la gestion de la sécurité en mettant en place de nouvelles composantes sécuritaires. Dans les années 1990-2000, le nombre d’organes sécuritaires a été multiplié de manière considérable, on a vu se produire une articulation entre ces organes, les milieux politiques affairistes et une nouvelle bourgeoisie qui a émergé durant la même période. Au centre du cartel, se trouvait un primus inter pares, qu’on appelle le prince, le raïs… qui sert d’instance d’arbitrage des conflits internes.

Sortir de la fatigue sociale

En deuxième lieu, on peut parler, comme je l’ai fait dans mon livre sur la sociologie politique du Moyen-Orient, de « fatigue sociale » dans la région. Cette « fatigue sociale » ne renvoie pas à l’usage qu’on en faisait au xixe ou xxe siècle en Europe, pour dire que l’Occident était fatigué comparé à un Orient jeune et en phase croissante, une perspective spenglerienne à laquelle je n’adhère naturellement pas. Si je parle de « fatigue sociale », c’est par opposition à des vagues de mobilisation extrêmement massives pendant tout le xxe siècle, des années 1920 aux années 1980. La première vague de cette mobilisation a été nationaliste, puis dans les années 1950, on est clairement entré dans une mobilisation politisée à gauche. Dans les années 1980-1990 se développe une mobilisation par moment hégémonique en faveur de l’islamisme, qui redéfinit l’action politique et l’exprime dans un vocabulaire de la délivrance eschatologique. Mais quand ces mobilisations massives se sont progressivement dissipées, on a eu l’impression que les sociétés entraient dans une phase de démobilisation toute aussi impressionnante. Le destin de l’Algérie, théâtre d’une guerre civile atroce dans les années 1990, a sans doute joué un rôle dans cet épuisement, de même que la guérilla en Égypte.

Ces éléments structurels d’analyse des sociétés étaient disponibles à notre compréhension ; en revanche, on ne pouvait pas anticiper sur les éléments de dynamique du mouvement. La dynamique du mouvement intervient toujours de manière totalement imprévisible, en fonction notamment des contextes locaux particuliers, avant d’exercer un impact régional. Mais on peut d’ores et déjà donner sens à ce qui s’est passé lors des derniers mois. On sait maintenant, à partir de la chronologie de la contestation tunisienne, combien les réseaux informels existaient, combien la solidarité des démunis, soustraite à toute visibilité, était active, combien la société s’était autonomisée par rapport au pouvoir qui n’arrivait plus à lire les quartiers, les banlieues, les villes de province, et combien dans ces villes, les va-nu-pieds, les marchands ambulants, occupaient une place centrale. Tout a commencé avec ce jeune diplômé tunisien, dont l’étal a été détruit par la police, qui a été humilié publiquement. Le mouvement a commencé au nom de la dignité, avant de se traduire par des passions égalitaires et libertaires. Ce sont ces passions que François Furet mettait en avant dans sa lecture des configurations révolutionnaires qu’il faut mentionner avant tout autre fait. Il faut en effet parler à un moment donné en termes de passions, qui libèrent une dissidence révolutionnaire de ses déterminants sociaux ou générationnels pour la doter d’une dimension intergénérationnelle et transclasse touchant la société dans sa totalité.

Particularités de la Tunisie et de l’Égypte

Mais on peut aussi se demander pourquoi les événements sont partis de Tunisie et d’Égypte. Certes, plus aucun régime arabe n’est immune par rapport à la contestation, l’effet domino intra-arabe a eu lieu en ce sens où les lignes de forces ont été déplacées dans une vaste zone du Maroc au Golfe. Cependant, les premiers soulèvements ont réussi dans des pays dans lesquels, dès le début du xxe siècle, le mouvement de centralisation administrative et politique avait été fort. Si l’on fait la lecture parallèle de l’Égypte et de l’Empire ottoman au xixe siècle, on voit que l’Égypte a réussi là où l’Empire ottoman avait échoué. L’Égypte en effet a créé non seulement l’idée d’une nation et d’une communauté politique, mais a aussi accordé une place centrale à la ville capitale. Ce qui ne veut pas dire que les identités locales n’existent pas, mais il n’en reste pas moins que la politique « nationale » se décide au bout du compte dans la capitale. Il en va de même de la Tunisie, fortement centralisée depuis le Beylikat : la phase révolutionnaire proprement dite s’y est déroulée dans les faits du 11 au 14 janvier 2011, autrement dit seulement en trois jours, dans la capitale. Ces deux pays partagent aussi d’autres traits communs : à titre d’exemple, contrairement à la Libye, le tribalisme n’y joue pas un rôle de premier plan (si ce n’est, à la marge, dans les zones frontalières). De même, le confessionnalisme y occupe une place limitée, et ce malgré la question copte en Égypte, qui reste extrêmement grave, mais sans qu’on se trouve dans une situation de communautarisation telle qu’on la connaît en Irak ou au Yémen. Ces facteurs ont créé un espace politique beaucoup plus intégré, moins hypothéqué par le régionalisme, le tribalisme et par le confessionnalisme, qu’ailleurs dans le monde arabe. Dans ces deux pays, le rôle de l’armée a été crucial dans l’aggravation de la crise même si les deux armées ne sont pas tout à fait comparables. En Tunisie, l’armée n’a jamais été un pilier du régime, cette marginalité lui apportait la réputation d’une institution intègre ; en Égypte, l’armée, pourtant toujours partie prenante du système et impliquée dans la répression, avait néanmoins su protéger son image de force patriotique. En refusant de participer directement à la répression, puis, en intervenant pour pousser le raïs hors de la scène, l’armée est devenue, dans les deux pays, un acteur contraint de la configuration révolutionnaire.

De l’autre coté, il faut également prendre la mesure des facteurs conjoncturels : les deux sociétés étaient très ouvertes, et disposaient en même temps de structures politiques très archaïques. L’ouverture se traduisait d’abord par le fait que plusieurs millions de touristes venaient chaque année dans ces pays, sans visa, alors que pour les Égyptiens et les Tunisiens, sortir de leur pays se faisait à leurs risques et périls. Cette ouverture se traduisait également par l’existence d’un tissu universitaire et intellectuel extrêmement dense, par la diaspora, par le fait que la télévision publique, sans même parler des chaînes satellitaires, n’était plus contrôlée : une série télévisée comme L’immeuble Yacoubian (tirée du roman d’Alaa al-Aswani), dont la portée subversive est évidente, a eu un impact social considérable en Égypte. Les pouvoirs s’étaient contentés de sécuriser un domaine idéologique a minima, qui concernait quelques épisodes de leur histoire, comme la guerre de Kippour en Égypte, ou l’arrivée de Ben Ali au pouvoir en Tunisie ; pour le reste, la société avait gagné une grande autonomie. En même temps, le pouvoir gardait des attitudes extrêmement archaïques et anachroniques. À preuve, l’existence d’un quasi-parti unique et les élections plébiscitaires permettant au président d’obtenir à chaque fois 94% à 97% des voix. Les processus électoraux mobilisaient l’ensemble de la bureaucratie, reproduisaient les structures du pouvoir et de l’obéissance, sans produire cependant une quelconque force de conviction au sein de la société.

Autre particularité, dans les deux cas, la rue a été l’acteur central de la contestation. « La rue » n’est pas une notion sociologique, c’est une catégorie à définir plus précisément mais on voit son impact politique et sa force quand une communauté contestataire se dit : « Nous sommes le peuple, et c’est nous qui définissons qui est l’ennemi, et l’ennemi, c’est le pouvoir. » À ce moment-là, le peuple prend figure. Mais une telle mobilisation ne pouvait réussir qu’à la condition que la classe moyenne elle-même rejoigne le mouvement.

Le rôle des classes moyennes et de l’armée

Comment définir les classes moyennes dans ces deux pays ? Sans doute aurons-nous besoin des travaux approfondis sur le sujet, y compris ceux qui nous permettent d’affiner nos concepts. Pour faire simple, je distinguerai ici deux types de classes moyennes. D’un côté, la classe moyenne « rentière », celle des fonctionnaires (enseignant, médecin, professeur d’université, bureaucrate, ingénieur de telle compagnie publique, employé de banque centrale…). Domestiquée par les pouvoirs qui les méprisaient, cette partie des classes moyennes voulait des réformes radicales. De l’autre côté, il faut également mentionner les classes moyennes liées au monde économique, au tourisme, au marché ; celles-ci étaient complètement marginalisées par le pouvoir et étouffées par la nouvelle bourgeoisie qui a émergé à la faveur des transformations économiques considérables qu’a connues le monde arabe (introduction de la téléphonie mobile, intégration des services bancaires dans l’économie mondiale, marché d’automobile…) et qui s’est enrichie très vite sous la protection du pouvoir pour afficher ostensiblement une richesse tapageuse. Ces classes moyennes liées au monde économique étaient également en quête de transformations radicales. L’action conjointe de ces deux types de classes moyennes a considérablement accéléré le processus de contestation révolutionnaire.

L’armée, qui faisait partie de l’État-cartel, mais qui disposait d’une réelle autonomie par rapport au raïs qui l’incarnait, ne pouvait pas produire d’autre sens politique que celui proposé par la rue. Elle est entrée dans l’action non pas en tant qu’acteur révolutionnaire, mais en tant que garant de la continuité de l’État, comme élément central d’un processus de restauration. L’incapacité du raïs de comprendre et, plus encore de gérer la crise, a d’ailleurs obligé les militaires à se positionner de manière autonome avant d’élargir considérablement leurs champs de manœuvre. Le fait que Ben Ali annonce qu’il ne se représenterait plus aux élections suivantes a semé le trouble au sein de l’armée, parce que cela signifiait qu’il admettait publiquement son illégitimité : il demandait que le contrat d’illégitimité qui le maintenait au pouvoir soit prolongé pendant trois ans encore et ce faisant, non seulement il se fragilisait au sein de la société, mais aussi au sein du cartel, qui du coup ne pouvait plus compter sur lui en tant que garant et arbitre du système. Le raïs n’était tout simplement plus en mesure de fixer un horizon à cette composante armée de l’État-cartel. En conséquence, éjecter le primus inter pares devenait la condition de la survie du système dans sa totalité. En Égypte, la même erreur de gestion a été répétée, Moubarak demandant d’être reconduit jusqu’à septembre 2011, après quoi il ne se représenterait pas.

En raison de l’intervention de cette diversité d’acteurs, le processus révolutionnaire a été simultanément un processus de restauration. La participation de l’armée a permis à l’État de procéder immédiatement à une restauration sans se dissocier de la révolution. Aujourd’hui, beaucoup de choses se jouent dans les deux sociétés en ces termes : qui va gagner à moyen terme ? la dynamique révolutionnaire ou la dynamique restauratrice ? C’est ici qu’on voit apparaître les divisions au sein des classes moyennes. Autant les classes moyennes fonctionnarisées poussent dans le sens de la révolution, autant les classes moyennes liées au secteur économique demandent l’accélération du processus de restauration. Dans un certain sens, cela est compréhensible car plus de deux millions de personnes vivent directement du tourisme en Égypte et dix millions indirectement, or la saison de Pâques est perdue et celle de l’été est largement compromise. On voit depuis plusieurs semaines en Tunisie et en Égypte des manifestations demandant une restauration : ce ne sont pas des mouvements pilotés par les anciens pouvoirs, comme au début des contestations. Ces contre-manifestations viennent des bourgeoisies marchandes du Caire ou de Tunis de plus en plus en quête de stabilité et d’ordre.

L’effet de domino a eu lieu

Comment comprendre l’effet de domino ? En 1989, en Europe de l’Est, l’effet de domino a eu lieu, mais les circonstances étaient très différentes, puisque l’empire protecteur, l’Union soviétique, avait annoncé qu’il n’interviendrait plus hors de ses frontières. Cet effet a également joué en Europe dans les années 1974-1976, lorsque les dernières dictatures sont tombées (Portugal, Grèce, Espagne). Aujourd’hui, indépendamment de la suite des événements, on constate que l’effet de domino a déjà eu lieu au Moyen-Orient. Cela ne signifie pas que tous les pouvoirs vont tomber, mais que les lignes de forces au sein de chaque pouvoir et de chaque société ont été déplacées. On ne peut plus écrire l’histoire du Moyen-Orient, penser l’État et la société, sans prendre en considération ce qui s’est passé. Partant, cet effet de domino peut produire plusieurs conséquences contradictoires.

On peut assister en Jordanie et au Maroc à une plus grande intégration politique des acteurs d’opposition. On sait que les deux sociétés bénéficient d’une presse relativement libre et que, surtout au Maroc, une classe politique existe. Les élections ne sont pas systématiquement truquées, et dans certains cas elles ne le sont pas du tout puisque les gens ne votent plus (65% d’abstention à la dernière élection au Maroc). De plus, le pouvoir est doublement immunisé, parce qu’il est monarchique et sert d’arbitre en tant que tel, et parce qu’il est chérifien donc de descendance prophétique. Cela ne veut pas dire qu’on assistera à une stabilité politique, ni à une transition à la manière espagnole, mais il est possible qu’une forme de consensus, permettant un élargissement du socle du pouvoir par l’intégration des acteurs politiques et sociaux dans le système, puisse être trouvée. Il en va de même au Kurdistan irakien où le pouvoir dispose d’une légitimité nationaliste forte, même s’il est contesté mais, grâce à une presse libre et une opposition forte, on peut envisager à terme des transformations permettant une alternance.

De l’autre côté, on peut aussi voir des régimes devenir encore plus sécuritaires. On l’a vu à Bahreïn, on le voit en Syrie, au Liban et au Yémen. Cette transformation sécuritaire montre qu’à un moment donné, l’État peut se réduire à ce qu’il est normalement censé écarter, c’est-à-dire le para-étatique. L’armée peut être écartée au profit d’un pouvoir milicien, l’économie peut être contournée par une économie prédatrice parallèle. L’existence d’un contre-État, se nourrissant des ressources de l’État, agissant dans le cadre axiologique que lui offre l’État, mais disposant en même temps d’une autonomie totale par rapport à lui, est une hypothèse plus que plausible, qu’il faut prendre en considération. On en avait vu des signes avant-coureurs dans l’histoire récente du Moyen-Orient lors de la destruction de Hama en 1982 en Syrie. Aujourd’hui, un tel scénario est possible, il est peut-être déjà à l’œuvre en Libye. Le fait que Kadhafi adopte une stratégie de chaos et de prédation est extrêmement inquiétant. Le modèle du pouvoir milicien ou prédateur, qui expose la force nue, sans recherche de légitimité ni d’adhésion, au moment des crises, peut aussi être adopté à Bahreïn, où ce qui se passe est également très inquiétant. Non seulement la contestation a été écrasée, mais on a vu les forces saoudiennes intervenir en tant que force mercenaire, force prétorienne venue d’ailleurs, dans les affaires intérieures de ce pays.

Dans cette configuration, on a l’impression que trois pays sont affectés par ce qui se passe, mais n’arrivent pas, pour le moment du moins, à entrer dans la temporalité moyen-orientale actuelle : l’Algérie, l’Irak et le Liban. L’Algérie semble totalement paralysée par la guerre civile qui a eu lieu dans les années 1990 (160 000 morts) et qui a profondément déchiré la société. Les composantes de l’État-cartel algérien dominé par les militaires sont très liées organiquement entre elles, contrairement aux deux autres sociétés fragmentées, l’Irak et le Liban, où l’on voit l’importance du communautarisme confessionnel, et où le pouvoir est instauré sur la base du partage communautaire entraînant des conflits insolubles comme en Irak.

Un « modèle arabe »

Ce qui se passe dans le monde arabe est-il en train de créer un modèle de référence ? De 1979 aux années 2000, le monde arabe ne produisait plus de modèle et l’on regardait du côté de l’Afghanistan et de l’Iran. L’islamisme signifiait qu’on cherchait un modèle dans ces pays. Aujourd’hui, même si toutes les révolutions étaient écrasées, il n’en resterait pas moins que la place Tahrir et l’avenue Bourguiba proposent un modèle d’une nature véritablement démocratique. Ce modèle est archivé, on en a capté chaque minute, ce qui est inédit. Jusqu’à maintenant, les sociétés arabes souffraient d’une absence de passé glorieux au xxe siècle, et d’une absence d’avenir politique, d’où une grande fatigue sociale, et la tentation de l’attentat suicide, qui signifie la suppression du présent, mais aussi du passé et de l’avenir. Même si les révolutions étaient écrasées, on peut dire que ces deux places ont restauré la dignité du monde arabe, d’autant plus que pour la première fois le monde arabe est sorti de la quête de l’unanimisme : l’attente démocratique, dont nombre de pays arabes sont aujourd’hui le lieu d’expression, signifie qu’on accepte de se reconnaître comme une société divisée parce que plurielle, qu’on accepte l’incertitude démocratique, selon la formule de Claude Lefort. Il n’y a pas de recherche d’unanimisme dans ces mouvements. Les islamistes, par exemple, ne prétendent pas imposer leur hégémonie sur la société, au contraire, on commence à constater le pluralisme interne des mouvements islamistes, longtemps occulté pour des raisons stratégiques. Le choix du pluralisme n’est pas tactique, c’est la prise en compte de la réalité des mouvements.

La question de la religion reste centrale mais elle se transforme : les régimes autoritaires se sont légitimés dans les vingt dernières années en faisant des concessions conservatrices à nombre de notabilités locales, en favorisant une forme d’islamisation de la société. Les pays occidentaux étaient enclins à soutenir les régimes autoritaires parce qu’ils pensaient que ceux-ci limitaient l’expansion de l’islamisme, sans percevoir que le contrat implicite dans ces pays était de refuser l’expression de l’islam politique tout en accordant en contrepartie toujours plus de concessions à l’islamisation conservatrice de la société. Les islamistes ont vu les mouvements de contestation avec réticence, ils craignaient que la répression leur tombe dessus et ils avaient leur autonomie dans la société. Si le processus révolutionnaire devait s’arrêter, l’alliance conservatrice entre les États et des mouvements islamistes dépolitisés pourrait se renouveler.

Mais ce modèle peut-il s’étendre au-delà du monde arabe ? Pourquoi l’Afrique musulmane, qui discute beaucoup de ce qui se passe dans le monde arabe, n’entre-t-elle pas dans le mouvement ? Au Sénégal et au Mali, quelques événements ont eu lieu mais qui ne se sont pas développés. Et pourquoi dans l’espace afghano-pakistanais, ces révoltes n’ont-elles pas suscité une autre façon de percevoir le monde ? Est-il concevable que la question tribale et l’islamisme puissent être redéfinis à partir d’un message qui vient d’un petit bled de Tunisie ? Toutes ces questions sont pour le moment sans réponse mais elles montrent aussi une responsabilité de l’Europe, qui doit accompagner le mouvement et faire en sorte qu’il tourne au mieux. Il est inquiétant de voir l’Europe tentée par le repli sur soi à un moment historique où ces moments appellent une initiative politique, sociale et économique forte de sa part.

Retour à l’analyse politique

Frédéric Antonin – Les révoltes arabes représentent une sorte d’aiguillon stratégique pour l’Occident, et en tout cas pour l’Europe : prenons-les comme une invitation urgente à reconsidérer notre regard sur cette partie du monde, qui est dans notre voisinage immédiat, à saisir la complexité des transformations qui y ont cours, et à nous situer nous-mêmes dans cette dynamique en essayant d’en mesurer la portée, les potentiels, les risques.

On parle un peu trop facilement, s’agissant des révolutions arabes en cours, de « transition », comme si les transformations politiques et sociales s’inscrivaient dans une feuille de route prédéterminée, selon une évolution linéaire vers la démocratie.

On doit pourtant faire l’hypothèse que le processus de transformation qui s’ouvre sera long, incertain, avec des avancées et des retours en arrière. Les « transitions » ne seront pas toujours clairement ordonnées à un horizon démocratique, elles se construiront aussi avec les acteurs qui sont déjà dans le paysage et ne disparaîtront pas comme par enchantement. Les leaderships politiques confessionnels, les systèmes sécuritaires hypertrophiés, les cartels qui viennent d’être évoqués, les armées parties prenantes du jeu politique, ces clans familiaux qui ont développé une économie prédatrice, les formations politiques à référence religieuse, etc. : c’est avec tous ces acteurs que les nouvelles réalités politiques vont se construire. Mais il y a quand même une nouveauté radicale : un changement de ligne a eu lieu, un modèle de mobilisation a été acté et il a marqué les esprits.

On assistera certainement à des moments contre-révolutionnaires ou conservateurs, soit à travers l’apparition de partis de l’ordre, dans la constitution desquels on peut anticiper que les islamistes, notamment ceux affiliés à la mouvance des Frères musulmans, joueront un rôle actif, soit de la part de régimes coalisés contre un défi interne commun, comme cela est déjà le cas dans le Golfe.

On doit également prévoir une possibilité, qui n’est pas contradictoire avec l’hypothèse précédente, d’une deuxième phase révolutionnaire ou contestataire, qui prendrait un tour populiste et radical. Les désillusions seront fortes devant les promesses non tenues des printemps arabes, notamment sur les plans économique et social : que vat-on faire de ces centaines de milliers de jeunes désœuvrés et mal formés, ou parfois bien formés mais sans emploi et sans capital social ? Ces jeunes ont été au cœur des révoltes et on sait qu’ils ne seront pas absorbés par le marché du travail, même selon les hypothèses les plus favorables. Le précédent de l’ouverture démocratique et réformatrice algérienne (1989-1992), dévoyée puis engloutie dans la violence (en partie par manque de soutien extérieur), est à cet égard riche d’enseignements et ne conduit pas à un optimisme irraisonné.

Aussi, plutôt que de « printemps » ou de « crises » arabes peut-être serait-il plus juste de regarder le mouvement qui s’empare de cette partie du monde, véritable basculement historique, comme une vague de transformations politiques inédites et probablement inéluctables, appelée à durer selon des rythmes qui nous échappent, où se mêlent accélérations et longue durée. Nous ne connaissons ni ne maîtrisons tous les déterminants de ces transformations, mais nous devons en soutenir le potentiel démocratique de toutes nos forces et avec constance. Nous avons déjà laissé passer de nombreuses occasions et les esprits ne se tournent plus spontanément vers l’Europe : les jeunes diplômés maghrébins tentent depuis longtemps leur chance en Amérique du Nord et désormais aussi vers les pays émergents : Turquie, Chine, Inde… Nous devons reprendre l’initiative vis-à-vis de cette région.

Mais cela suppose de commencer à changer nos regards sur ces pays, et tout d’abord de reconnaître que ce qui s’y produit, c’est le retour du politique au cœur des sociétés. Pour l’essentiel, les événements de Tunisie, d’Égypte, de Libye, du Yémen, de Syrie manifestent un immense désir collectif d’un ordre interne plus juste, qui s’exprime d’abord par une mise en cause politique, non des impérialismes et des possédants, mais des dictateurs et des accapareurs. La concentration du pouvoir et le détournement des biens communs au profit de quelques-uns sont désormais ressentis comme insupportables. C’est le signe qu’on a changé d’époque : les mots d’ordre et les motifs de la contestation ne sont plus ceux du socialisme arabe ou de l’islamisme, mais ceux de la formulation du politique en termes de droits, de normalité, de dignité. Cela n’exclut pas une convergence avec la revendication islamique traditionnelle de justice.

Ce qui se passe aujourd’hui dans le monde arabe ressemble à la libération d’énergies psychiques et collectives longtemps refoulées. Aussi, outre les facteurs objectifs bien connus (inégalités, chômage, manque de perspective, etc.), méritent d’être souligné ceux relevant de la psychologie individuelle et collective, plus difficilement analysables. Le refus de l’inacceptable et la honte d’avoir dû accepter si longtemps des régimes discrédités ont probablement été les ressorts intimes de la révolte. En effet, les motivations de ces soulèvements ne se réduisent pas à des facteurs économiques et sociaux (émeutes de la faim, manque de perspectives, etc.), il y a aussi cette offense à la dignité induite par certaines formes de pouvoir et, son corollaire, la revendication de dignité, comme un ressort profond du changement. Le régime de Kadhafi offre par ses aspects à la fois grotesque, ubuesque et sinistre, un triste exemple de ce déni de dignité.

La nouveauté radicale, c’est donc bien une poussée de la revendication politique à partir des profondeurs de la vie collective, qui met au premier plan, pour le regard européen, la conflictualité interne aux sociétés (et non les imprécations de la « rue arabe » humiliée contre l’ennemi extérieur). Cette conflictualité avait été, depuis au moins une décennie, assez largement sous-estimée puisqu’on avait dans les pays européens un rapport au monde arabe surdéterminé par les relations d’affaires, les impératifs sécuritaires, les angoisses identitaires autour de l’islam. Même si, dans notre métier, nous continuions à produire des analyses de politique intérieure fouillées, la conflictualité politique interne était de moins en moins prise en compte dans sa complexité. Il faut aussi y voir l’effet d’une tendance lourde vers la simplification de l’information, que l’on constate depuis une vingtaine d’années dans le traitement des réalités politiques de l’étranger par les médias écrits et audiovisuels. La relation au monde arabe, qui demeurait pourtant très politique, n’avait donc pas un champ d’application aussi large qu’il aurait pu l’être, même de la part de la France qui est probablement le pays occidental qui entretient les coopérations les plus diversifiées (culturelles, universitaires, etc.) avec cette partie du monde. L’invocation rituelle de la relation avec les « sociétés civiles » servait de paravent à ce rétrécissement du regard. On redécouvre aujourd’hui que les gens font preuve d’une capacité d’initiative politique, et que celle-ci ne vient pas seulement des « sociétés civiles » au sens habituel d’intellectuels, militants des droits de l’homme, responsables d’Ong, etc. : le surgissement de la jeunesse et de l’élément populaire, mélangés aux classes moyennes, ont donné à l’exaspération commune sa tonalité particulière.

Les contestations arabes ont provoqué un rapport de force politique inédit au sein même de sociétés que beaucoup croyaient vouées à l’enclavement, aux structures mentales de l’autoritarisme, à l’immobilisme individuel et collectif. Nous devrons en tirer des conséquences concernant la nature de nos coopérations avec ces pays, en privilégiant davantage le soft power dans ses déclinaisons les plus durables, les plus dynamiques, les plus interactives : coopérations éducative, universitaire, de recherche, avec un fort accent sur les mobilités.

Si le mouvement en cours dans le monde arabe va dans le sens d’une réelle démocratisation, ce qui semble être le cas en Tunisie et en Égypte, alors les gouvernements devront rendre compte à des opinions plus exigeantes, en particulier concernant les droits des Palestiniens. Les Israéliens sont inquiets, ils ont perdu en Moubarak un interlocuteur de confiance, et craignent que les remous politiques dans le monde arabe ouvrent plus d’espace aux mouvements les plus radicaux. Aussi la sensibilité dominante en Israël est-elle celle du wait and see, on attend tout en observant ce qui se passe. Pourquoi s’engager aujourd’hui dans une négociation sur le fond alors que tout est incertain ? En Cisjordanie, parallèlement à l’édification par l’Autorité palestinienne d’une administration moderne, se développent des mouvements d’un type nouveau, pacifiques, qui portent sur les droits, sur la terre, contre le mur de séparation et sur la réconciliation entre la Cisjordanie et Gaza. Ces mouvements, qui préexistaient à l’éclosion des « révoltes arabes », semblent augurer un renouvellement du nationalisme palestinien et de ses modes d’action : les Palestiniens aussi, à leur manière, participent pleinement au changement d’époque.

Des mutations arabes communes

Le troisième point à analyser, c’est dans quelle mesure cet épisode des révoltes arabes met à nu certains fondamentaux de cette région. Depuis quelques années, on avait l’impression d’un affaissement du Moyen-Orient arabe, au bénéfice de deux vieilles puissances d’empire que sont l’Iran et la Turquie, mais également d’Israël, qui apparaît à l’échelle régionale comme un phénomène historique atypique, un État avec un très fort ethos national et en même temps, une société très high tech et une économie ouverte. Ces trois États semblaient sur le point de surplomber un espace arabe politiquement affaissé, tant en termes de capacité d’affirmation que de dynamique interne des États.

Or, le mouvement actuel nous rappelle qu’il y a une dynamique sociale dans ces pays, mais il remet également à nu certaines réalités structurelles : les fragilités des principautés du Golfe sont mises à l’épreuve ; la Tunisie et l’Égypte en contrepoint retrouvent une sorte d’exemplarité et de leadership politique et intellectuel. Le Liban, la Syrie et l’Irak connaissent des contestations qui leur renvoient leur image, car elles sont ciblées sur le cancer qui les ronge : le déni de droits permanent que constituent la domination d’un groupe et la segmentation politico-confessionnelle du pays. L’Arabie Saoudite, pourtant bien dotée (lieux saints, ressource pétrolière, alliance américaine), semble privée de dynamique propre.

Apparaissent aussi au grand jour, en réaction aux révoltes, des solidarités « organiques » très fortes, qui révèlent des liens de cohésion tribaux et régionaux. Par exemple, la mobilisation des États du Conseil de coopération du Golfe contre la contestation chiite et citoyenne au Bahreïn, qui peut être interprétée comme une solidarité de corps entre régimes princiers sunnites fondés sur la rente pétrolière contre la menace d’ébranlement de leur édifice ; de même l’alignement des régimes algérien et syrien en faveur de Kadhafi met à nu non pas une solidarité entre les États eux-mêmes mais entre leurs « cœurs de régimes », au moins sur quelques points fondamentaux : caractère clanique et opaque des groupes au pouvoir, capacité d’intimidation et de manipulation, refus de rendre des comptes à l’extérieur, utilisation de la « rente stratégique » comme instrument de maintien au pouvoir. Dans une période comme celle-ci, ces régimes donnent l’impression de se flairer et de se retrouver dans des rapprochements de circonstance pour protéger l’essentiel.

Le raisonnement peut être étendu au Maghreb d’aujourd’hui. L’orientation vers l’Europe assumée par les États, dictée par l’histoire et la géographie, est vécue par les populations comme un désir frustré, un substitut au désir de normalité sociale, économique, politique dont elles sont privées chez elles. De ce point de vue, les révoltes nous adressent un message : le « pourquoi pas nous ? » des Tunisiens et des Égyptiens revendique une égalité de droits et de valeurs avec l’Europe voisine et partenaire. Mais si le Maghreb est déconnecté du Moyen-Orient en termes d’ancrage stratégique, de relations économiques et de coopération, ses peuples sont pourtant en résonance émotionnelle profonde avec l’ensemble du monde arabe, en raison de références culturelles partagées et de conditions politiques internes souvent comparables. La manifestation la plus voyante en est l’audience des chaînes de télévision panarabes, mais cela va bien au-delà. Pour les sociétés du Maghreb, les contestations en cours apparaîtra peut-être dans la remettent, comme il y a quarante ou cinquante ans, la politique intérieure au centre des enjeux de développement, de réforme, d’intégration à la modernité : elles sont ressenties comme un achèvement possible des luttes pour l’émancipation qui ont marqué l’accession aux indépendances.

Autre fondamental de l’histoire arabe moderne : le processus de sécularisation, déjà ancien, et les mutations de l’islam, omniprésent dans ces sociétés, poursuivent leur interaction, qui se révèle davantage à la faveur des insurrections. Ce qui se profile n’est pas une sortie de la religion ou un dépérissement du fait islamique, mais le dévoilement de celui-ci au regard extérieur, enfin, dans toute sa diversité : les différentes formes de religiosité, traditionnelles (le confrérisme soufi par exemple), mais enrichies d’apports nouveaux, coexistent avec les héritages plus récents de l’islam politique, avec le salafisme contemporain qui imprègne les institutions de l’islam officiel, et plus simplement avec l’approfondissement de la piété personnelle et du sens de la communauté qui ont toujours été au cœur de la conscience islamique. Leur place dans la mobilisation sociale et politique n’est ni anodine ni exclusive : place Tahrir au Caire ou au cœur de l’insurrection libyenne, la profession de foi au plus fort de l’émotion n’est pas absente ; mais l’affirmation islamiste n’a plus le monopole de la radicalité politique.

Une autre dynamique historique

Le caractère « sismique » des révoltes arabes justifie enfin une hypothèse à approfondir, qui touche à l’anthropologie historique. Après un demi-siècle de glaciation autoritaire, de blocages géopolitiques, le monde arabe pourrait être sur le point de reprendre le fil de son histoire longue : on peut interpréter cette prise d’initiative politique des sociétés, qui ressemble tant au printemps des peuples de 1848 (émancipation des rêves d’empire et des idéologies réactionnaires transnationales), comme la réapparition au grand jour d’un tropisme de fond du monde arabe vers l’univers libéral, repérable à tout le moins au niveau des élites depuis l’expédition d’Égypte de Bonaparte.

Le monde arabe a connu son âge libéral, dans la première moitié du xxe siècle, au plan des revendications politiques et là où quelques expérimentations, constitutionnelles et parlementaires, furent possibles ; rétrospectivement, on s’aperçoit que l’alliance avec les soviétiques fut toujours un pis-aller, choisi par dépit et imposé par la nécessité de se doter de capacités de confrontation, au moment de l’affirmation d’Israël et de l’émancipation des empires européens. Le raidissement islamiste contemporain apparaîtra peut-être dans la longue durée comme le contrepoint psychologique et identitaire de cette alliance.

On peut en effet tenter l’hypothèse que les sociétés arabes ont toujours été rétives au communisme comme à l’intégrisme islamiste, dans leurs profondeurs anthropologiques comme dans leur histoire. Un ethos urbain et commerçant très fort les mène naturellement vers le capitalisme marchand. Au tournant des xixe et xxe siècles, des systèmes sociaux notabiliaires, foncièrement inégalitaires mais modérés par un « fraternalisme » islamique, ont fait incliner ce monde vers le libéralisme constitutionnel. Une sensibilité mystique tempère voire neutralise les présupposés littéralistes et dogmatiques de l’intégrisme (en Égypte, il y a les Frères musulmans, mais il y a aussi beaucoup de gens qui sont affiliés à des confréries soufies, les deux sensibilités peuvent coexister dans une même famille). Un sens de la communauté sans cesse recoupé par des lignes segmentaires constitue un défi constant à toute idéologie ou nivellement de masse. Des patriotismes aux contours variables, constitués pour certains depuis les indépendances, enracinés pour d’autres dans la profondeur historique, mais reposant toujours sur de fortes identités régionales. De fait, on n’a pas connu dans le monde arabe de mobilisations de masse comparables à celles qu’ont suscité au xxe siècle en Europe les régimes totalitaires stalinien et fascistes (on pourrait discuter de la période 1948-1958 en Irak, en Égypte, mais les lignes segmentaires apparaissent vite au cœur des sociétés).

Dans cette histoire en train de se renouer, l’arc de crise de l’islamisme radical violent ne cessera pas d’exister, mais on peut penser qu’il sera à terme réduit à sa véritable dimension : non pas un espace social homogène et continu, mais un réseau de groupes fixés sur des foyers conflictuels, qu’aura alimentés le cocktail infernal de l’absence d’États dignes de ce nom, de tribalisme, d’économie de trafics, d’interférences régionales (Yémen, Irak, Sahel). Il devra désormais être pensé en contrepoint de l’arabité qui s’exprime aujourd’hui dans le cadre de chaque pays sous l’affect du patriotisme : cette mobilisation, politique au sens citoyen, est cependant peu idéologique. Pour nous, elle est dessinée superficiellement par l’espace « El Jazira », mais elle représente quelque chose de plus profond : une vitalité intellectuelle, linguistique et littéraire qui a fleuri ces dernières années, visible bien qu’inaperçue par le regard européen.

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    Frédéric Antonin, chercheur, arabisant, a effectué plusieurs longues missions au Maghreb et au Moyen-Orient. Hamit Bozarslan est directeur d’études à l’Ehess, il vient de faire paraître : Sociologie politique du Moyen-Orient, Paris, La Découverte, 2011, et dans Esprit : « L’avenir de la violence au Moyen-Orient », août-septembre 2008.

Bruno Aubert

Diplomate et arabisant dans la tradition de l’orientalisme français (voir son article sur Louis Massignon), ambassadeur de France au Soudan, sa réflexion fait le lien entre la connaissance historique et culturelle de l’aire arabo-musulmane et l’analyse des soubresauts politiques contemporains.

Hamit Bozarslan

Directeur d'études à l'Ehess, il est notamment l’auteur de l'Histoire de la Turquie de l'Empire à nos jours (Tallandier, 2015) et de Révolution et état de violence. Moyen-Orient 2011-2015 (Cnrs, 2015). Il est membre du Conseil de rédaction d'Esprit. 

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