
La banlieue comme décor
De La Haine aux Misérables
De La Haine (1995) aux Misérables (2019), le cinéma participe des transformations de nos représentations des banlieues. Sur une période de deux décennies, on observe notamment la constitution de références culturelles communes, l’affirmation du thème religieux et l’évolution du rôle des femmes.
« Forêts paisibles, jamais un vain désir ne trouble ici nos cœurs, / S’ils sont sensibles, Fortune, ce n’est pas au prix de tes faveurs… » Le finale de l’opéra-ballet de Rameau, Les Indes galantes, est tellement connu qu’il compte parmi ces standards diffusés sur Radio Classique dans les salles d’attente des dentistes chics. En 2019, on aura vu des choristes et des danseurs l’interpréter sur la scène de l’Opéra Bastille ; plus de Noirs que de Blancs entourent la grande soprano Sabine Devieilhe. Les hoodies de banlieusards cernent la récitante au manteau de brocart, la danse est nerveuse, avec des mimiques de désespoir, de violentes explosions dans des figures qui n’ont rien à voir ni avec le ballet blanc classique, ni avec le texte du livret. Et c’était bien l’effet recherché : Clément Cogitore a travaillé avec la chorégraphe Bintou Dembélé et sa compagnie Rualité1 pour transformer la danse du calumet de la paix imaginée en 1735 en battle de krump, cette danse née dans les quartiers pauvres de Los Angeles en 2000. La banlieue et sa danse ont été applaudies à tout rompre par le public de l’Opéra, plus habitué aux pointes qu’à la break dance.
Comment des corps aussi hétérogènes à la tradition opératique se retrouvent-ils, en 2019, à exprimer une rage contenue sur des vers bucoliques ? Auraient-ils pu figurer également dans le fi