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Convention de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale, le 7 mai 2022
Convention de la Nouvelle Union Populaire Écologique et Sociale, le 7 mai 2022
Dans le même numéro

Notre pouvoir

Éditorial

par

Esprit

L’alliance électorale qui a donné naissance à la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale dans la perspective des prochaines élections législatives marque une nouvelle étape dans la recomposition du paysage politique français. Elle pourrait devenir une force d’opposition importante, à condition de ne pas camper sur une position d’extériorité stérile, qui représente le pouvoir comme un autre.

À quelques jours des élections législatives, la recomposition politique engagée sur fond de premier quinquennat d’Emmanuel Macron s’accélère. Le scrutin présidentiel a confirmé l’existence de trois grands pôles – l’un central, le deuxième d’extrême droite, le troisième de gauche radicale – autour desquels pourrait se réorganiser durablement notre vie politique. Les deux partis qui ont alternativement gouverné la France ces cinquante dernières années se sont effondrés, et tel un aimant faisant danser autour de lui la limaille de fer, le pôle central de la majorité présidentielle a repoussé à ses extrémités les deux autres, après avoir attiré à lui des personnalités et des sensibilités fort différentes, mais unies par un même désir de se dire « raisonnables », contre la « radicalité » de leurs nouveaux adversaires – qui sont souvent d’anciens alliés.

C’est à gauche, avec la naissance de la Nouvelle Union populaire, écologique et sociale, que le mouvement est le plus net. L’accord conclu entre La France insoumise, Europe Écologie-Les Verts, le Parti communiste et le Parti socialiste est certes une alliance électorale, donc circonstancielle. Mais elle préfigure en partie la teneur des débats qui traverseront le quinquennat, si la gauche s’impose à travers cet accord comme une force d’opposition importante. C’est aussi toute la question de ce à quoi ressemblera « l’après-Macron » qui se pose, à travers celle des choix que fera la gauche au cours des cinq prochaines années.

L’idée qu’il existerait aujourd’hui une prime à la radicalité a traversé toute cette année présidentielle. Les uns la revendiquent avec la certitude qu’il faut renverser la table, sortir d’un « système » dont on peine néanmoins à délimiter les contours ; les autres la brandissent comme un épouvantail. Comme beaucoup de clivages, ce « pour ou contre » la radicalité est largement artificiel, et nous avons défendu dans ces pages que si par approche « radicale » on entendait celle qui prend les problèmes « à la racine », alors il se pourrait que, face à un certain nombre de défis tels que le changement climatique, les migrations ou les transformations du travail, l’option radicale soit aussi la plus raisonnable.

À condition que radicalité ne rime pas avec coupure. Car l’élection présidentielle a accentué les symptômes d’un mal contemporain qui affecte peut-être plus particulièrement notre pays : une désymbolisation des institutions dans laquelle il faut chercher la cause profonde de l’abstention. Nous n’arrivons plus à nous représenter ensemble les questions fondamentales qui traversent l’école, la santé, la justice ou encore la police ; les institutions s’éloignent de notre réalité. Le pouvoir constitue alors un « autre », de plus en plus réduit depuis cinq ans à la figure solitaire d’Emmanuel Macron. Cet autre est également l’Europe, à laquelle il faudrait « désobéir », plutôt que de chercher à la transformer, y compris en renégociant certains traités. C’est aussi cette posture d’extériorité qui a commandé, alors qu’une guerre se déroule à nos portes, l’affirmation d’un principe de « non-alignement » d’autant plus douteux que le monde bipolaire de la guerre froide n’existe plus.

Les institutions s’éloignent de notre réalité. Le pouvoir constitue alors un « autre ».

Une certaine gauche radicale est tentée de réduire le pouvoir à la domination, à l’égard de laquelle la seule attitude possible est la dénonciation, la résistance, bref, l’extériorité. Cette extériorité dans l’espace s’est enrichie d’une autre dans le temps : le rêve d’« un autre monde ». Mais lequel ? Un monde où l’on choisirait ses voisins, qui ne seraient plus donnés par la géographie, et dont on n’aurait plus à craindre l’agression ? Un monde où la politique pourrait fixer les prix sans tenir compte des contraintes de l’économie ? À Esprit, nous concevons la politique, à la suite de Hannah Arendt, comme le respect de la pluralité, et la difficulté d’agir dans un monde incertain. Une chose est de construire une conflictualité dont se nourrit la démocratie, une autre est de se sentir étranger à l’État, ce qui conduit à une violence dont on ne peut rien faire.

La NUPES devra s’en souvenir au cours des années à venir. On peut reconnaître à La France insoumise d’avoir compris avant beaucoup l’épuisement du compromis social-démocrate face à un capitalisme financier de plus en plus envahissant, d’avoir placé l’enjeu écologique au cœur de la question sociale et d’avoir ramené aux urnes une partie des classes populaires pour lesquelles la politique était devenue un spectacle, déconnecté de leurs conditions d’existence et de la possibilité de les transformer. Cela lui a donné la légitimité de prendre la tête de ce mouvement de recomposition. Mais cela l’oblige aussi. La gauche que portera cette nouvelle alliance devra se montrer capable de participer, de l’intérieur, à la refondation d’institutions républicaines aujourd’hui devenues très fragiles. Cette union a un bel avenir devant elle si elle s’efforce de transformer notre monde. Pas un autre.

Esprit

Esprit

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La démocratie des communs

Les « communs », dans leur dimension théorique et pratique, sont devenus une notion incontournable pour concevoir des alternatives à l’exclusion propriétaire et étatique. Opposés à la privatisation de certaines ressources considérées comme collectives, ceux qui défendent leur emploi ne se positionnent pas pour autant en faveur d’un retour à la propriété publique, mais proposent de repenser la notion d’intérêt général sous l’angle de l’autogouvernement et de la coopération. Ce faisant, ils espèrent dépasser certaines apories relatives à la logique propriétaire (définie non plus comme le droit absolu d’une personne sur une chose, mais comme un faisceau de droits), et concevoir des formes de démocratisation de l’économie. Le dossier de ce numéro, coordonné par Édouard Jourdain, tâchera de montrer qu’une approche par les communs de la démocratie serait susceptible d’en renouveler à la fois la théorie et la pratique, en dépassant les clivages traditionnels du public et du privé, ou de l’État et de la société.